Pour le Général de Gaulle « les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». En effet, quand on voit les guillemets qui encadrent bien souvent dans la presse l’évocation de l’« amitié » en politique étrangère en particulier, il y a de quoi douter de la sincérité de cette « amitié ». La vérité c’est que les relations internationales sont régies par un principe de coopération/compétition autour d’intérêts à défendre, à protéger, à servir/représenter sur terre, en mer et dans l’espace. De sorte que les entités politiques et géopolitiques ne connaissent que des alliances fluctuant au gré de leurs intérêts.

Cette vérité, ne nous y trompons pas, les grandes puissances économiques du monde (USA, Chine, Russie, Royaume-Uni, Allemagne, France, …) l’assument pleinement et elle explique pour beaucoup les multiples interventions plus ou moins directes qu’elles effectuent au sein des pays africains et ailleurs dans le monde. Faut-il alors se replier sur soi, s’isoler, refuser de jouer le jeu de la coopération/compétition pour vivre heureux ? Bien sûr que non ! Ce serait contre-productif et intenable. Mais il faut en prendre pleinement conscience et se donner en conséquence les moyens, tous les moyens de défendre, protéger, servir, représenter ses intérêts chez soi et partout où ils se trouvent dans ce monde. C’est un travail qui demande un engagement de consistance et, si j’ose dire, une consistance de l’engagement dans la durée.
Pour illustrer mon propos, je vous propose ici deux cartographies sémantiques autour des « intérêts français » et des « intérêts américains ». Elles ont été générées en analysant deux corpus significatifs et pertinents de titres de publications francophones référant aux « intérêts français » et aux « intérêts américains » et couvrant la décennie 2012-2021. Je vous épargne la cuisine interne.
La structure fondamentale de signification de ces deux cartographies sémantiques autour des « intérêts français » et des « intérêts américains » est la même et peut se décliner simplement comme suit :
Nous-Etats-Nations>>>(défendre, protéger, servir, représenter)>>>(nos intérêts en tant qu’Etats-Nations)>>>face aux (attaques ,menaces, risques)>>> venant de nos (concurrents et/ou ennemis intérieurs et extérieurs).

[Note 1 : Je vous joins un graphique montrant l’évolution dans le temps des références aux « attaques, menaces et risques » contre les intérêts français et américains. On peut observer que ces dernières années ont été particulières chaudes de ce point de vue. On notera pour la France le pic de 2013, à rattacher aux appels de nombreux groupes terroristes au Sahel et ailleurs dans le monde à frapper les intérêts français après l’intervention au Mali.]
Cette structure fondamentale de signification apparaît comme une évidence, mais il faut bien réaliser qu’il s’agit là d’une représentation et d’un schème d’action politiques et géopolitiques profondément ancrés dans la tête des dirigeants de toutes les grandes puissances du monde sans aucune exception. Et, contrairement aux apparences, ce schéma argumentatif est bel et bien une signature au sens de « marque distinctive ».

Et nous autres Etats-Nations africains ? Bah, sur ce champ de bataille politique et géopolitique pour la défense et la protection des intérêts, nos Etats-Nations pris individuellement n’existent quasiment pas. Faites-vous-mêmes l’exercice de recherche simple sur Google avec comme requête : « allintitle : « intérêts  » (et équivalents) ou, plus large, « allintext : « intérêts ) (et équivalents) ». Vous constaterez que les résultats sont maigres, voire ridicules quel que soit le pays africain objet de la requête. Par exemple, à titre de comparaison : la requête « allintitle :… » renvoie seulement 5 résultats pour le Burkina contre 15200 résultats pour la France. En élargissant la requête avec « allintext :… » le Burkina obtient seulement 88 résultats quand la France affiche 3 590 000 résultats (Bien entendu, ces résultats évoluent sans cesse au rythme des mises à jour de Google). Par ailleurs, si vous lancez la recherche autour des « intérêts africains » ou des « intérêts de l’Afrique » vous obtiendrez des chiffres tout aussi peu glorieux : 87 résultats au plus exigeant, 791 000 au moins exigeant. De toute façon, l’Union africaine n’existant à ce jour que sur le papier, à quoi bon… pas d’armée de l’Union africaine, pas de services secrets de l’Union africaine, pas de forces spéciales de l’Union africaine… donc pas de forces d’interventions crédibles. Et pourtant, nombreux sont nos Etats aujourd’hui confrontés à des enjeux d’instabilité sécuritaires sévères. Pensons à notre pauvre Sahel.

[Note 2. Ce n’est pas le lieu ici de rentrer dans un exposé détaillé sur la notion d’« intérêts des Etats-Nations », mais disons que globalement ces intérêts sont de trois ordre : 1) Ils sont d’ordre économique (Exemples. De grandes sociétés françaises présentes depuis longtemps en Afrique : Total, Bolloré, Areva, BNP, Société Générale, Lafarge, etc.) ; 2) Ils sont aussi d’ordre stratégique (Exemples : Les « OPEX », opérations extérieures de l’Armée françaises au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Mali, etc. ; les bases de l’Armée françaises en Afrique : Djibouti, Tchad, Côte d’Ivoire, Gabon, Sénégal. Les services secrets français en Afrique) ; Enfin, ces intérêts sont d’ordre humain et de l’influence culturelle (Exemples : Les plus de 260 000 Français établis en Afrique. La présence à travers la langue française dont l’Organisation Internationale de la Francophonie est un des leviers. La présence diplomatique, éducative et culturelle française. Etc.)].

Ousmane SAWADOGO
Consultant Text Mining, Text Analytics, Analyse sémantique
Kaceto.net.