A Fada, les fidèles musulmans se sont retrouvés sur la Place des martyrs pour célébrer l’Aïd El Kébir, ou la fête du mouton, un moment de fraternité, de solidarité et de louange au Tout puissant !

La Place de l’Unité, rebaptisée Place des Martyrs depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014, était bondée de monde ce matin à l’occasion de la grande prière de la Tabaski conduite par le Grand imam de Fada, El Hadji Aboubacar KINA. Il fallait arriver très tôt pour espérer trouver un bout de terre sur lequel étaler sa natte de prière. Sur des motos, à pieds ou en voitures, les musulmans fadalais, sapés pour beaucoup de tenues toutes neuves, ont convergé vers la Place des martyrs pour célébrer l’Aïd El Kébir, communément appelée la fête du mouton, en souvenir du prophète Abraham qui avait obéi sans broncher, à l’injonction faite à lui par Dieu, de sacrifier son fils.
Prévue pour neuf (9), c’est finalement avec un retard d’une dizaine de minutes que la prière a commencé. La police nationale et la police municipale, appelées en renfort par les dirigeants de la communauté musulmane de Fada, tentaient tant bien que mal de mettre de l’ordre dans l’occupation des lieux. L’indiscipline et l’incivisme que tout le monde déplore dans la cité, n’épargnent aucun espace public, pas même les lieux sacrés !

Quand on demande à la police pourquoi elle ne s’implique pas un peu plus pour instaurer la discipline et l’ordre, elle répond qu’elle a été juste sollicitée pour apporter du renfort. "Si on nous avait confiés l’organisation de l’occupation de la Place pour la prière, les choses se seraient passées autrement. Mais ils ont décidé de gérer eux-mêmes leur affaire", répond un policier, agacé par l’entêtement de certains fidèles à vouloir s’installer là où il ne faut pas. A 9h55 mn, l’évêque de Fada, Pierre Claver Yempabou Malgo, la secrétaire générale de la province du Gourma représentant le gouverneur, Adenyo/Sermé Bernadette, le maire de la commune de Fada, Jean-Claude Louari et d’autres personnalités de la région arrivent sur les lieux. Le Gulmu étant dirigé par deux rois depuis 2020, les autorités coutumières n’y sont pas représentées. En attendant l’arrivée du grand imam, deux "chauffeurs de salle" se relaient pour tenir les fidèles en éveil. Il est un peu plus de 9 heures quand la 4x4 à bord duquel l’imam avait pris place s’immobilise devant l’assistance qui s’est mise debout. Il porte un large et long boubou blanc, un couvre-chef rouge-blanc, porte des babouches jaune-poussin et tient de sa main droite, son bâton de commandement gris métallisé et son chapelet. Le président de la communauté musulmane qui était venu l’accueillir à la porte de sa voiture, l’accompagne jusqu’au tapis velours qui lui est réservé. Il est maintenant debout, face à l’Est, micro en main. La prière peut commencer. Les milliers de fidèles répètent après lui "Allahou Akbar" durant plus de cinq (5) grosses minutes, alternant station debout, accroupi front contre le sol, signe d’adoration du créateur. C’est la première phase de la prière. Puis, dans une deuxième phase, devant le pupitre, il lit en arabe un passage du Coran, traduit immédiatement en gourmantchéma et en moré, les deux langues les plus parlées à Fada. Mais peu de fidèles attendent cette deuxième phase "qui est pourtant fondamentale" regrette, un confrère. "C’est dans cette deuxième partie que l’imam annonce le thème sous lequel est placée la prière et où il prodigue des conseils aux fidèles pour être de bons musulmans", poursuit-il.

La prière tire vers sa fin. Reste la dernière phase pour qu’elle soit complète : l’immolation du bélier par l’imam. Sur le côté, trois gaillards ont déjà immobilisé par terre un gros bélier blanc, le cou bien tendu sur lequel l’imam applique la lame bien tranchante d’un long couteau qu’on vient de lui remettre. Le sang gicle. La bête essaie, en vain de se débattre. Tous ceux qui ont jeuné depuis dix jours et qui souhaitent tuer un mouton peuvent à présent le faire. La Place des Martyrs se vide.
Dans son sermon, le grand imam a imploré Allah afin qu’il fasse descendre sur notre paix la paix, la santé et la sécurité. L’Est, on le sait, est une des régions fortement frappée par la barbarie terroriste avec son lot de morts et de déplacés internes.
En temps normal, l’imam aurait demandé à Dieu qu’il nous donne une bonne saison des pluies, mais comme l’insécurité est devenue la préoccupation numéro 1, ceci explique l’orientation qu’il a donnée à son sermon", commente le confrère cité plus haut.

Dominique Koné
Kaceto.net