Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé jeudi 15 septembre 2021 à Ouagadougou sa régulière conférence publique dénommée Dialogue démocratique, avec au menu, la question de la réconciliation nationale et la justice au Burkina Faso.

Deux thèmes ont fait l’objet de panels animés par le Dr Fati Balima, Dr Abdoul Karim Saîdou, le Dr Abdoulaye Barro et la Magistrate Bibata Nébié/Ouédraogo.
Le premier porte sur « Le rôle de la justice dans le processus de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale » et a été animé par la magistrate Nébié/Ouédraogo Bibata et le politologue Abdoul Karim Saïdou.
Dans sa communication, Bibata Nébié/Ouédraogo a expliqué que la justice institutionnelle est un pilier de l’Etat de droit en construction au Burkina Faso. Elle doit être sacralisée et s’appliquer à tous les citoyens suivant les mêmes règles de procédure. La magistrate précise par ailleurs que cette justice rencontre des difficultés concernant notamment la prise en charge des victimes, qui ne se présentent malheureusement bien souvent que sous la forme d’indemnisation par des espèces sonnantes et trébuchantes, et surtout sa lenteur dû au fait qu’elle a besoin de réunir toutes les preuves. Selon elle, les insuffisances de la justice institutionnelle font dire à certains acteurs qu’elle ne doit pas être privilégiée dans un contexte de recherche de la réconciliation nationale, comme au Burkina Faso. Et pour ces adeptes, il faut aller vers une justice transitionnelle pour arriver à soigner les plaies et entamer la marche vers une réconciliation nationale. Est-ce la bonne formule ? La Magistrate reste dubitative et rappelle l’importance de la justice institutionnelle.

Quand à Abdoul Karim Saïdou, enseignant de droit et sciences politiques, il a d’abord indiqué que le monopole de l’Etat sur la question de justice n’est plus une réalité. Les groupes d’auto-défense Koglweogo ont retiré à l’Etat ce monopole sur la justice entre les citoyens ; mais pas seulement. Il y a également le monopole sur la sécurité et même la diplomatie qui ne sont plus du ressort exclusif de l’Etat.
Pour lui, les offres en matière de réconciliation nationale sont de deux ordres. L’offre minimaliste qui limite le besoin de réconciliation nationale entre les acteurs politiques et l’offre maximaliste qui élargit ce besoin de réconciliation aux autres entités de la société burkinabè. Il précise que c’est cette dernière option qui a été choisie par le gouvernement. Six grands chantiers de réconciliation nationale ont été définis par le gouvernement burkinabè pour son prochain forum sur la réconciliation nationale. Selon le politologue, la justice ne doit pas être oubliée dans le processus de réconciliation nationale. Les efforts doivent d’ailleurs être consentis pour réconcilier cette justice avec les populations et lui permettre de jouer le rôle qui est le sied dans la réconciliation nationale et le développement du pays.

Abdoulaye Barro, docteur en philosophie, et Fati Balima, enseignante chercheuse en sciens politiques à l’université Thomas Sankara ont quant à eux exposé sur le thème « Démocratie, cohésion sociale et réconciliation nationale : Rôle des femmes et des jeunes. » Pour le premier, les femmes et les jeunes ont un rôle central à jouer dans le processus de réconciliation nationale. Cependant, ils n’arrivent pas à cerner et à prendre conscience de leur rôle dans le processus de développement du pays de façon générale. Il a appelé à un éveil des consciences et un engagement de plus en plus ferme des jeunes et des femmes dans le processus démocratique au Burkina Faso. Abdoulaye Barro interpelle également les acteurs politiques à une meilleure refonte de la politique pour mieux préserver l’idéal démocratique.
Dans sa communication, Fati Balima s’est insurgée contre ce qu’elle a appelé l’essentialisation de la question féminine et juvénile. Pour elle, traiter de façon isolée la question des jeunes et des femmes ne jouent pas en leur faveur. Cela constitue un écart dans un Etat démocratique qui se fonde sur trois valeurs fondamentales que sont l’égalité de droit entre tous les citoyens, la séparation des pouvoirs et la pluralité politique. Elle plaide par ailleurs pour une révision de cette approche sectaire pour un meilleur développement du pays. En ce sens, elle estime que dans le processus de réconciliation nationale au Burkina Faso, il ne s’agit pas d’interroger la qualité de la participation des jeunes et des femmes, mais plutôt d’évoquer la participation des Burkinabè dans ce processus. Et sur cette base, elle estime que la participation des Burkinabè à la réconciliation nationale soit se faire sans réserve.
A l’issue des différentes communications, modérées par le Pr Albert Ouédraogo, parole a été donnée aux participants pour leur intervention. Des interventions démocratiques, avec des avis partagés sur l’approche de la réconciliation nationale.
Cette conférence publique du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) se tenait dans le cadre de la Journée internationale de la démocratie.

Cheick Traoré
Kaceto.net