Comme promis précédemment (voir article : https://kaceto.net/spip.php?article10705), je vous livre aujourd’hui les résultats de l’analyse que j’ai pu faire concernant l’univers sémantique associé à la violence dans les titres de la presse africaine en ligne

Par manque de temps, j’ai finalement limité l’analyse aux titres de presse en ligne de six pays africains : Burkina, Mali, Niger, Sénégal, Bénin et Togo. Pour chacun de ces pays, j’ai récolté un nombre significatif de titres pertinents couvrant la dernière décennie (2011-2021). Puis j’ai constitué deux corpus de trois pays chacun : le corpus « Burkina-Mali-Niger » (un bloc de pays « chauds » sur le plan sécurité) et le corpus « Sénégal-Bénin-Togo » (un bloc de pays « froids » sur le plan sécuritaire).
Le tableau ci-après nous montre la liste par pays des sites d’information en ligne, sources des titres récoltés.

Le graphique ci-après nous donne les taux d’occurrence (pour mille) des formes et des types de violence les plus saillants associés à l’évocation de la violence dans les deux corpus de titres : corpus « Burkina-Mali-Niger » versus corpus « Sénégal-Bénin-Togo ».
Comme nous pouvons le constater, à l’exception des violences liées aux élections (violences post-électorales) qui sont significativement saillantes dans le corpus « Sénégal-Bénin-Togo », tous les autres formes et types de violence sont nettement plus marqués dans le corpus « Burkina-Mali-Niger ». Les types de violence dite psychologique sont, en tant que tels, marginalement évoqués dans les deux corpus.

Je crois qu’il n’est pas de trop d’expliciter les différents formes et types de violence ici évoqués pour bien comprendre et fixer les problématiques qu’ils recouvrent.
  Les « violences faites aux femmes » : la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, en son article 1, définit la violence faite aux femmes en ces termes : « tous actes de violence dirigés contres les femmes en tant que telles et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. »

  Les « violences en situation de conflits » : Ces dernières années ont été marquées par une montée dramatique des conflits violents en Afrique : conflits armés, terrorisme, djihadisme violent, conflits intercommunautaires, etc. On a forcément en tête ce qui se passe actuellement au Sahel et particulièrement au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Ces conflits tuent de plusieurs manières : les combats font des victimes parmi les civils et les militaires, les maladies sont plus fréquentes dans les camps de fortune et la criminalité violente s’accroit. Les combats armés et les attaques terroristes/djihadistes entraînent des migrations massives, des déplacés internes lourdement fragilisés et exposés à tous les vents mauvais. Les conflits violents ont aussi de graves conséquences économiques pour les Etats et leurs populations.

  Les « violences basées sur le genre/sexe » : En se référant à la définition de l’expression « violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » tirée du Rapport explicatif à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, retenons que « la violence basée sur le genre désigne tout type d’acte préjudiciable perpétrée contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre, réels ou perçus. » La violence fondée sur le genre est une violation des droits humains qui porte atteinte à la dignité humaine, à l’estime de soi et au sentiment d’avoir une quelconque valeur. Elle est clairement un obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes.

  Les « violences conjugales » : ce sont des violences commises au sein des couples, en milieu domestique/familial. Types de violences impliquées : Les violences physiques (coups et blessures) ; Violences psychologiques (harcèlement moral, insultes, menaces) ; Violences sexuelles (viol, attouchements) ; Violences économiques (privations de ressources financières et maintien dans la dépendance).

  Explicitons les « violences sexuelles » : elles désignent tous les actes sexuels commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. Elles recouvrent différentes formes : agression sexuelle, viol, voyeurisme, harcèlement sexuel… Elles sont l’expression de la volonté de toute puissance de l’auteur sur la victime. Elles portent atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et psychologique de la victime et donc à ses droits fondamentaux.

  Les « violences faites aux enfants (maltraitance) : Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui fait référence, elles concernent « Toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé des enfants, leur survie, leur développement ou leur dignité dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. » Parmi les violences faites aux enfants, l’OMS distingue quatre grands types : la violence physique, la violence sexuelle, la violence psychologique et la négligence.

  Les « violences à l’école » et les « violences éducatives ordinaires » (VEO) : Les premières se manifestent sous nombreuses formes, allant de la violence physique à la violence psychologique, et se traduisent souvent par des brimades, des actes d’intimidation et de répression, du harcèlement. Ce phénomène instaure un climat d’insécurité et de peur dans les établissements scolaires et viole le droit des élèves d’apprendre dans un environnement sûr et non menaçant. A côté de ces violences en milieu scolaire, on mentionnera ce que l’on appelle des « violences éducatives ordinaires » (VEO). Ce sont des violences (physiques, psychologiques ou verbales) utilisées envers les enfants à titre prétendument « éducatif » (corrections, punitions), communément admises et tolérées (« ordinaires »). Claques, fessées, tapes mais aussi chantages affectifs, humiliations et autres sont à bannir. Cela suppose d’avoir la force de nous débarrasser de certains de nos propres schémas éducatifs qui nous conduisent à considérer ces agissements comme normaux et justifiables.

  Enfin, les « violences liées aux élections » (« violences post-électorales »). Ce n’est pas ce qui manque en Afrique. Le premier numéro de « La Série de l’Union africaine » (décembre 2012) est un Rapport du Groupe des Sages de l’UA consacré à ce sujet. Son titre : « Les conflits et la violence politique résultant des élections. » On y lit la définition suivante des violences électorales : « Dans l’ensemble, toute forme de violence qui, à n’importe quelle étape du cycle électoral, résulte de différences de points de vue, d’opinions et de pratiques peut se percevoir comme violence électorale. Comme l’une des formes de conflit politique, la violence électorale survient en règle générale lorsque des groupes et des partis recourent à la force pour intimider les opposants, afin de modifier le processus électoral et ses résultats en leur faveur. »

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics et Analyse Sémantique.
Kaceto.net