« En cas de pluie, de vent, de poussière et de passage de camions, on est contraint de suspendre momentanément les cours »… Installés à l’air libre, la situation des élèves de la classe de CP1 de l’école B de Yako au secteur 2, n’est cependant pas loin de celle de leurs grands frères, placés dans des paillotes dites améliorées, mais présentant pratiquement le même inconfort et des programmes inachevés.

Dans la matinée du 13 octobre 2021, comme à l’accoutumée, Elibié Marcelline Bazémo dispensait des cours à ses 81 élèves du CP1, à l’air libre sous l’ombre d’un bâtiment.

L’enseignante nous rassure qu’elle n’est pas sur le terrain d’éducation sportive en train de mener une activité sportive mais bel et bien en classe au sein de l’école B du secteur 2 de Yako.

Après cinq ans d’ouverture, l’école par manque de site est toujours logée dans l’enceinte de l’école A avec quatre classes dont une à l’air libre et trois autres à paillotes améliorées.

Le quotidien de madame Bazémo et de ses protégés est de poursuivre à longueur de journée, l’ombre du bâtiment de fortune ou celle des arbres tout en déroulant leurs programmes. « Ici, chaque jour à un épisode et une histoire », nous dit Marcelline. Et la jeune enseignante ne manque pas d’anecdotes pour illustrer son calvaire avec ses élèves. « En cas de pluie, de vent, de poussière et de passage de camions, on est contraint de suspendre momentanément les cours pour obéir aux caprices de dame nature. Un jour, les parents sont repartis avec un enfant qui avait refusé de suivre les cours au dehors, et surtout à terre. J’étais obligée de dire à son géniteur de lui dire de revenir parce que leur classe sera construite. C’est ainsi qu’il a accepté de revenir », a relaté l’enseignante.

Etre enseignante des élèves sans abris, c’est faire face régulièrement à de multiples absences sans compter les abandons.

Aussi, elle ajoute que lorsque les gens traversent la cours, avec le bruit des engins, il faut impérativement suspendre l’activité pédagogique en cours.

Elibié Marcelline Bazémo affirme que certains élèves n’y reviennent plus après avoir bénéficié d’une permission pour leurs besoins. Cela est dû au manque de clôture et de salles pour contenir les élèves.

La situation est telle que certains élèves refusent de prendre les cours dans de telles conditions.

Selon Madame Bazémo, ils prétextent être bien habillés pour prendre les cours dans de telles conditions.

« Une fois, un élève a giflé son camarade de classe. Je me suis levée. Le temps de l’attraper, il a fui, je ne l’ai pas eu. Alors que si c’était dans une classe, il ne pourra pas fuir » renchérit-elle.

Ces suspensions temporaires de cours peuvent entrainer l’inachèvement des programmes d’enseignements.

« Pourtant, ce sont des petites classes avec 15 à 30 minutes de cours. Le temps de poursuivre l’ombre nous met en retard. Cela joue forcément sur l’atteinte de nos objectifs qui est de finir le programme » regrette l’enseignante.

Trop de distractions entrainent l’oubli. Ne sachant pas à quel saint se vouer, l’enseignante demande à l’Etat de se plancher plus sérieusement sur leur sort en construisant des classes normalisées.

Entre prendre les cours à la belle étoile et être dans un abri amélioré, il n’y a pas de différence fondamentale.

Et ce n’est pas Andréa Bamogo/Konkobo, enseignante titulaire de la classe de CM1, qui dira le contraire.

Sa classe comprend quatre murs surmontés par un hangar avec une porte de fortune.

Malgré les difficiles conditions de travail, elle assure son devoir vis-à-vis des tout-petits. Madame Bamogo dit se battre comme elle le peut pour combattre l’ignorance.

Hormis, la poussière, Mme Bamogo et ses élèves sont aussi victimes du vent, de la pluie, sans compter le manque de matériels didactiques pour son travail.

« Outre ces intempéries, il nous manque des livres et des salles de classe bien construites », nous explique-t-elle.

Tout en déplorant ces conditions de travail, elle touche d’un doigt accusateur, les autorités en charge de l’éducation du pays.

« Ce n’est pas du tout gai de travailler dans de telles conditions. Pour que la tâche nous soit plus facile, nous voulons des bâtiments et des table-bancs » dénonce Mme. Bamogo.

Fayçal Roamba fait partie de ses 45 élèves. Cet élève que nous avons rencontré au fond de la classe, soutient aussi que l’Etat Burkinabé est entièrement responsable de la situation de son école.

En plus du besoin d’infrastructures et du matériel de qualité, Fayçal, dit ne pas être fier de prendre les cours dans une classe hors norme.

« Nous voulons que les autorités viennent nous aider en construisant des classes et en nous donnant des table-bancs et surtout des livres », souhaite-t-il.

L’élève ajoute qu’il n’est pas du tout content de situation.

« Même en cas de passage en classe supérieure, nous restons toujours dans la même classe. Vraiment cela ne nous plait pas du tout » regrette encore ce gamin plus courageux que ses camarades de classe ayant fui notre micro.


[L’école B jusque-là sans site ]

Après 5 ans d’ouverture, l’école ‘’B’’ du secteur 2 est jusque-là sans site. Pour le directeur de l’école, François Xavier Banissi, si l’école a pu recruter des élèves dès son ouverture malgré le manque d’infrastructures, c’est grâce aux efforts de l’association des parents d’élèves (APE) de l’école qui s’était endettée pour construire deux abris précaires.

« Au départ, l’école ‘’A’’ nous avait cédé une classe. Lorsque l’école d’accueil devait accueillir deux classes de CM2, on a dû leur céder la salle empruntée, nous laissant sans abris », déplore M. Banissi.

Il poursuit que les parents d’élèves ont pris l’initiative de construire deux hangars en 2019, pour faire face à cette urgence.

Face au non remboursement des crédits par les parents d’élèves, l’école s’est contentée de la classe de CP1 et de CP2 et n’a pas recruté de nouveaux élèves.

François Xavier Banissi rassure que malgré tout, les cours seront dispensés à cette promotion de CP1 sans abris, dans la limite des moyens disponibles, en attendant la réaction de bonnes volontés.

« En tant qu’enseignant, la situation ne me plait guère parce que nos enfants se sentent marginaliser et insatisfaits de leurs situations », déplore le directeur.

Pour illustrer son propos, François Xavier Banissi raconte avoir découvert une fois un préservatif déjà utilisé dans le tiroir de son bureau.

« J’ai fait appel à mon collègue de l’école ‘’A’’ ainsi qu’au gardien pour leur rendre compte de ce que j’ai trouvé dans mon tiroir. Ceux-ci sont venus faire le constat » déplore M. Banissi.

Conscients des efforts faits par le gouvernement dans le sens de résorber les écoles sous paillotes, ces enseignants de l’école ‘’B’’ et leur directeur demandent au gouvernement et à toute personne de bonne volonté de leur venir en aide afin que l’école puissent avoir son site et des classes normales.

Environ 179 écoles sous paillotes au Passoré

Interpellé sur la situation des écoles sous paillotes au Passoré, le directeur provincial de l’éducation préscolaire, primaire non formelle (DPEPPNF) du Passoré, Saga Clément Ouédraogo a fait savoir que le problème de l’école ‘’B’’ du secteur 2 est commun à plusieurs écoles du Nord du Burkina.

« Il suffit de faire un tour dans les communes de la province, pour remarquer qu’il y a toujours des enfants qui sont toujours dans des écoles à abris précaires. Soit c’est purement en banco soit sous formes de paillotes » a-t-il indiqué.

Pour ce qui est de l’école ‘’B’’ du secteur 2, sa création est intervenue pour résorber le surpeuplement des classes au niveau de l’école ‘’A’’.

« La population avait considéré qu’il fallait trouver une alternative qui consistait d’abord à créer une classe sous paillotes dans le but de décongestionner les classes à effectifs pléthoriques » a justifié M. Ouédraogo.

Celui-ci estime par ailleurs que la construction de classes dans la province relève des attributions du conseil municipal, surtout que le transfert des ressources est désormais acté.

« Malheureusement les fonds qu’on alloue chaque année pour la construction des écoles ne suffisent pas pour faire face à toutes les écoles sous paillotes. Et pour bénéficier de salles de classe bien construites, il faut malheureusement obtenir la plus grande ancienneté parmi les écoles sous paillotes » a ajouté M. Ouédraogo.

Selon lui, cette année, la commune de Yako a pu bénéficier du financement d’une seule école. Il s’agit de celle de Ragounda qui est vieille de 6 ans dans la situation d’école sous paillotes. Toutefois, celui-ci dit être disponible pour orienter l’Etat vers des sites pour résorber les écoles à abris précaires dans la province.

« Si au niveau du ministère, on nous demande de chercher un endroit pour les résorptions des sous paillotes, nous allons prioriser l’école ‘’B’’ du secteur 2 qui se trouve en ville » rassure-t-il.

Réfutant la thèse selon laquelle ce serait une démission de l’Etat qui expliquerait la pléthore de salles sous paillotes, Saga Clément Ouédraogo dit compter encore sur les bonnes volontés pour résorber définitivement ce mal dont souffre des centaines d’écoles dans le Passoré.

Agence d’information du Burkina