C’était le 9 novembre dernier au siège du chef de file de l’opposition politique (CFOP) à la zone du Bois. Face à la presse, Eddie Komboïgo, entouré d’autres responsables de partis politiques de l’opposition, lit la déclaration préliminaire qui ouvre le débat avec les journalistes. Son texte fait un état des lieux très calamiteux du pays : sécurité, pouvoir d’achat, corruption, éducation, santé, etc., rien va. C’est un réquisitoire contre la gouvernance du président Kaboré et son gouvernement. Mais pas de quoi susciter plus d’attention de la part des journalistes qui sont habitués à ce type de discours depuis une dizaine d’années. Jusque là, pas de quoi fouetter un chat. Son discours tire vers la fin quand, sa voix prend une autre tonalité. L’index pointé vers le haut, comme pour marquer la gravité de l’instant, il déclare : "Si dans un délai d’un mois, rien de concret n’est entrepris pour maîtriser la situation sécuritaire, l’opposition appellera a des manifestations pour exiger la démission pure et simple du président du Faso et de son gouvernement ". Ses camarades applaudissent. Des journalistes qui somnolaient se réveillent. Rien que ce passage méritait bien le déplacement. En quelques minutes, l’extrait du discours fait le tour de la toile, notamment sur les journaux en ligne et sur les réseaux sociaux. Eddie Komboïgo est fier de son coup. Il sait qu’il vient de prononcer les mots qui vont faire le buzz et alimenter les palabres dans les salons, maquis et autres gargotes du Burkina.
Depuis sa mise en garde, beaucoup de choses se sont passées sur le front sécuritaire. Les attaques terroristes n’ont pas cessé et notre pays continue hélas de pleurer ses morts ; des écoles se ferment et le nombre de déplacés internes ne fait qu’augmenter. Pis, il y a eu Inata, dans le Soum, où 53 personnes dont 4 civiles ont été massacrés au petit matin du 14 novembre. Un massacre qui a heurté nos consciences et perturbe notre sommeil.
Le CFOP est à l’heure du bilan et les regards sont tournés vers son patron, par ailleurs président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en pleine tournante.
L’opinion, à commencer par ceux qui gèrent le pouvoir d’état, attendent de connaitre "le verdict" du CFOP qui, à vrai dire, est plus sous pression que l’exécutif dans cette affaire.
Eddie Komboïgo et ses camarades de l’opposition peuvent-ils conclure que, finalement, au bout d’un mois, "quelque chose de concret a été entrepris pour maitriser la situation sécuritaire" et qui rend ce fait caducs, les appels " à des manifestations pour exiger la démission pure et simple du président du Faso et de son gouvernement ?" Le dire, c’est prendre le risque de conforter ceux qui, dans son propre camp, le soupçonnent à tort ou à raison, d’être "dans l’opposition le jour, et avec le pouvoir la nuit tombée".
Mais appeler à des manifestations de rues sur l’ensemble du territoire, c’est non seulement braver l’interdiction de manifester sur l’ensemble du territoire décrétée par le ministère en charge des libertés publiques, mais aussi, prendre le risque de faire monter un peu plus la fièvre sociale et fragiliser la cohésion nationale déjà très précaire.
Plus que par le passé, Eddie Komboïgo et ses camarades du CFOP sont mis devant leurs responsabilités.

Kaceto.net