Le conseil municipal de la ville de Koupéla a décidé de donner à une rue et à un bâtiment du lycée municipal de la ville le nom de son ancien maire, Simplice Dambré. Né le 2 février 1966, l’élu local, qui était populaire et très apprécié par la population, est décédé en cours de mandat le 7 octobre 2017. Les cérémonies de dénomination de la rue et du bâtiment ont eu lieu ce mardi 21 décembre 2021 à 12 h. A cette occasion, son frère, Denis Dambré, exprime dans cet article les sincères remerciements de la famille pour ces témoignages de reconnaissance. Il évoque à grands traits pour la première fois son frère cadet qui a vécu une existence d’étoile filante.

La décision prise par le Conseil municipal de la ville de Koupéla d’honorer la mémoire de son ancien maire, Simplice Dambré, en donnant son nom à une rue et à un bâtiment du lycée municipal apparaît aux yeux de la famille comme une marque de reconnaissance pour son action à la tête de la ville entre 2006 et 2017. Au nom de toute la famille, je remercie très sincèrement l’actuel maire, Harouna TIROGO, les élus municipaux et l’ensemble de la population de Koupéla qui n’ont eu de cesse de nous manifester leur sympathie depuis la disparition précoce de Simplice le 7 octobre 2017. Leurs témoignages de compassion atténue un tant soit peu le chagrin qui nous habite depuis qu’il nous a quittés.

Simplice, on le sait, a profondément aimé sa ville de Koupéla. Durant ses 51 ans de vie, il ne s’est jamais beaucoup ni durablement éloigné de sa ville natale. Jusqu’à en devenir le maire que tout le monde a connu et qui a mis toute son énergie et son intelligence au service de sa ville. Mais, au-delà de l’homme public, qui était-il pour nous, ses proches ?

Né le mercredi 2 février 1966 d’une famille de 8 enfants (4 garçons et 4 filles) dont il était le sixième, Simplice a très vite montré les caractéristiques d’un garçon doté d’une intelligence hors du commun. Et comme beaucoup d’enfants surdoués, il était hyperactif, débordait d’énergie, posait tout le temps des questions, aimait la controverse, excellait dans l’argumentation, avait de la répartie dans les discussions et faisait tout à grande vitesse.

En famille, on ne compte pas le nombre de fois où, affectueusement, on le désignait en moré dès sa plus tendre enfance de l’expression « bangr-soba » (le savant). Car il avait toujours son mot à dire, visait juste dans l’expression et faisait souvent rire tout le monde par la justesse de ses observations. A l’âge de 6 ans, il est marqué par le décès de notre père. Puis il est inscrit à l’école publique mixte de Koupéla où il est régulièrement le premier de sa classe sans même jamais se donner la peine d’apprendre ses leçons.

Notre village de Toulgou étant situé à 4 kilomètres de son école, il parcourait la distance matin et soir comme beaucoup d’enfants burkinabé. Il ne s’en plaignait jamais, car il aimait bien l’école. Ses maîtres successifs l’appréciaient beaucoup et disaient de lui qu’il donnait souvent l’impression de ne pas écouter en classe, mais avait toujours la bonne réponse lorsqu’ils l’interrogeaient par surprise.

Dans notre village de Toulgou, tout le monde le connaissait dès son jeune âge sous le surnom de « kare͂nsaamba » (le maître). Un métier qu’il exercera effectivement avec brio sans jamais l’avoir vraiment appris. Car, après l’obtention de son brevet au lycée Philippe Zinda Kaboré à Ouagadougou, alors qu’il avait encore brillamment obtenu une bourse pour poursuivre ses études et s’était inscrit en classe de seconde dans la série B pour se spécialiser dans les sciences économiques, il a décidé du jour au lendemain d’abandonner les études pour se faire recruter sous la Révolution comme « enseignant révolutionnaire ».

On peut se demander a posteriori si son choix d’abandonner les études pour entrer tout de suite dans la vie active ne tenait pas au fait que la ville de Koupéla et son village de Toulgou lui manquaient lorsqu’il était lycéen à Ouagadougou. Peut-être aussi que, confusément, il estimait avoir appris l’essentiel de ce qu’il lui fallait pour se débrouiller désormais seul dans la vie et voulait revenir aux côtés de notre mère…

Quoi qu’il en soit, revenu à Koupéla en tant qu’enseignant (il était alors à peine plus âgé que certains de ses élèves multi-redoublants), il ne quittera plus durablement sa ville et ses environs. Et il assumera successivement différentes fonctions : instituteur, directeur d’école, conseiller-formateur à la direction provinciale de l’éducation de base et de l’alphabétisation, préfet. Son passage de l’enseignement classique en français à la promotion de l’alphabétisation et de la formation des jeunes des villages dans leur langue locale était particulièrement symbolique de son enracinement sur le territoire de la province du Kourit-tenga. Il était fier de ce retour à ses origines.

Parallèlement, il s’investira sans discontinuer durant toutes ces années dans la vie politique locale, tissant sa toile au fil de ses affectations dans les villages qui gravitent autour de Koupéla. De sorte qu’il n’y a pas un village autour de la ville que Simplice ne connaissait pas. Il n’y a pas un hameau où il n’avait pas une connaissance ou un ami. Car, sans exagération aucune, c’était un génie des relations sociales qui aimait sincèrement les gens et nouait facilement des relations d’amitié. Il était impressionnant, par exemple, de voir à quel point il se sentait parfaitement dans son élément lorsqu’il se retrouvait dans un cabaret de village pour boire le dolo et raconter des histoires drôles. Cela a beaucoup servi sa popularité.

Les conversations que nous avions en famille avec lui montraient clairement qu’il détestait l’injustice sociale. C’était un révolutionnaire dans l’âme qui avait fait le choix de se battre, à l’intérieur des partis au pouvoir, pour faire concrètement avancer les choses au bénéfice de la population. Et ce, malgré certaines incompréhensions. Mais il n’était dupe de rien ! Il avait conscience qu’on ne peut pas plaire à tout le monde dans la vie, et encore moins en politique. Il venait d’une famille modeste et ne l’a jamais oublié. Raison pour laquelle d’ailleurs il se sentait parfaitement à l’aise avec nos concitoyens les plus modestes…

C’est le souvenir de ce Simplice-là qui nous habite au sein de la famille. Et nous n’oublions pas non plus son humour ravageur qui nous faisait rire aux larmes dans les discussions le soir ou lors des événements familiaux.

La disparition précoce de Simplice a rempli la famille, qui a maintenant des ramifications dans d’autres villes du Burkina Faso ainsi qu’à l’étranger, d’un immense chagrin. Mais la reconnaissance que la ville de Koupéla lui témoigne aujourd’hui en donnant son nom à une rue qu’il a empruntée de jour comme de nuit et à un bâtiment dont il a soutenu la construction atténue un tant soit peu notre peine. Nous pensons beaucoup à lui et aussi à nos parents décédés qui, de là où ils se trouvent aujourd’hui, ont sans doute suivi les cérémonies d’hommage.

Au nom de la famille et des habitants de Toulgou, je remercie très sincèrement l’actuel maire, Harouna TIROGO, qui a brillamment repris le flambeau à la tête de la ville. Je remercie également toute l’équipe municipale et tous les habitants de Koupéla pour leurs marques d’attention et de sympathie depuis la disparition de Simplice. De là où il est en ce moment, nul doute que, s’il a quelque pouvoir pour intervenir en faveur des habitants de sa ville, il continue et continuera de le faire.

Denis Dambré,
Proviseur en France
Kaceto.net