Elle est la “Mama” de l’armée centrafricaine, la botte secrète du président Faustin-Archange Touadéra dans sa contre-offensive qui a permis de mettre Bangui, capitale de la Centrafrique, hors de portée de la rébellion. Mais qui est donc cette dame de fer aussi à l’aise en treillis qu’en tailleur aux fines rayures propres à la diplomatie et aux hautes fonctions internationales ?

Ministre d’Etat, ministre de la Défense, Marie-Noëlle Koyara, occupe cette fonction stratégique depuis 2015. L’on n’attendait pas tant de la République Centrafricaine, pays en guerre, pays sous embargo, où la ministre de la Défense a pour principale mission de restaurer la sécurité.

En confiant ce portefeuille stratégique à cette dame de fer, le président Faustin-Archange Touadéra a misé sur la compétence. Au delà de la coordination des opérations de sécurité et de la pacification du territoire, la ministre de la Défense a pour mission de rebâtir une armée qui n’existait plus que sur le papier.

Pourtant de par son profil académique, rien ne prédestinait Marie-Noëlle Koyara à cette fonction. Ingénieur agronome diplômée de l’Institut universitaire de technologie agronomique et forestière de Mbaïki, elle a été d’abord de 1993 à 1996, ministre de l’Agriculture et de la Promotion rurale puis ministre de la Promotion de la femme, chargée des actions sociales sous le régime de Ange Félix Patassé.

A partir de septembre 1996, elle est représentante de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) pour le Cap-Vert jusqu’en 2001, puis le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire à partir de juillet 2007.

Cette mission se termine en avril 2013 avec une décoration honorifique du gouvernement ivoirien pour services rendus, notamment pour son implication auprès du monde agricole durant la crise postélectorale.

A la suite de la prise du pouvoir à Bangui par la Séléka de Michel Djotodja, Marie- Noëlle Koyara est invitée à regagner le pays pour occuper en juin 2013 le poste de ministre chargé du Développement rural, dans le gouvernement de Nicolas Tchiangaye puis celui de ministre d’État chargé du Développement rural dans le gouvernement d’André Nzapayeké.

Par la suite, Marie-Noëlle Koyara est ministre de la Défense dans les gouvernements successifs de Madame Samba Panza.

Revenue dans le gouvernement en 2017 sous Faustin Touadera, Marie-Noëlle Koyara est actuellement Ministre d’État chargée de la Défense nationale, de la Restructuration des armées, des Anciens combattants et Victimes de guerre.

Engagée dans le processus de pacification de désarmement et de la réinsertion des combattants dans le cadre des différents accords de paix signés entre les différents acteurs centrafricains, la « Mama de l’Armée » comme on la surnomme dans les rangs a mené avec les partenaires militaires engagés auprès de l’Etat centrafricain l’épineuse mission de la restructuration et de l’opérationnalisation de l’armée centrafricaine en un temps record avec la mise sur pied d’un plan de défense qui jette les bases de la création d’une armée nationale et républicaine.

Au cœur du dispositif institutionnel, cette ancienne fonctionnaire de l’ONU n’a ménagé aucun effort pour maintenir le moral des troupes lors des attaques répétées de Bangui par les groupes armés qui avaient fusionné sous la houlette de l’ex président François Bozizé.

En ce moment, elle coordonne avec les casques bleus, les partenaires Russes et Rwandais, les opérations de sécurisation du pays. Sur le terrain, la dynamique est plutôt favorable. Aujourd’hui, 80 à 90 % du pays est repassé sous contrôle gouvernemental avec notamment l’appui décisif des partenaires Russes.

Marie Noelle-Koya sait manier la carotte et le bâton. Elle a, souffle un diplomate onusien, une main de fer dans un gant de velours. En phase avec la Mission des Nations Unies pour la Centrafrique (MINUSMA), elle utilise à bon escient son côté maternel lors des discussions avec les irréductibles chefs des groupes armés pour les ramener à la raison et à la table des négociations.

Cependant, elle sait aussi être ferme quand l’enjeu de la sécurité territoriale est en jeu. Dans ces circonstances, elle porte la tenue et se met aux premières lignes pour veiller à la sécurité et à l’intégrité territoriale.

Au poste de commandement nuit et jour, sa présence comme en décembre 2020 lors de la tentative de la rébellion de couper la route stratégique menant au Cameroun galvanise les troupes. Si on lui reconnaît le rôle d’avoir été le chef de file et la négociatrice des accords décisifs de partenariat militaire avec Moscou et Kigali, on lui connaît aussi de

bonnes relations avec la France, pièce maîtresse de la mission des Nations Unies engagée en RCA. En coulisses, elle joue un rôle de stabilisateur vis-à-vis de Paris, très réservée sur la présence des troupes russes dans l’ex Oubangui-Chari.

Disciple de l’inusable Sun Tzu, la « Mama de l’armée » Centrafricaine privilégie le dialogue à la force en essayant de faire comprendre aux partenaires traditionnels de la nécessité pour la RCA de diversifier ses partenariats.

Pour cette femme méthodique, les Russes sont en RCA dans le cadre d’un accord à plusieurs volets dont la formation des militaires centrafricains dans les écoles militaires Russes, l’instruction sur le terrain et l’appui en équipement militaire.

Confiante et courageuse, Mme Koyara a été par le passé l’une des premières femmes acceptées à la police nationale avant de poursuivre des études universitaires pour devenir ingénieure agronome.

Adepte du leadership participatif,

Marie –Noelle que d’aucuns qualifient de féministes se définit plutôt en maternaliste rationnelle. Bien que militante de la promotion féminine, elle penche plus pour l’égalité des chances et la masculinité positive. Marie-Noëlle Koyara estime que le manque d’éducation centrée sur le genre et le manque d’informations sur les questions qui affectent les femmes en politique sont criants.

« Il y a peu de recherches sur l’impact des femmes dans les postes ministériels ou même sur le manque de femmes dans les postes ministériels et à cause de cela, nous explique-t-elle, le grand public dans de nombreux pays ne sait même pas que c’est une question qui doit être abordée ».

Aussi, estime madame Koyara, « les Etats africains ont besoin de plus de femmes au plus haut niveau politique et nous devons encourager et promouvoir les femmes à briguer des fonctions publiques. Nous devons encourager les femmes qui travaillent dans les gouvernements à promouvoir une approche spécifique de notre propre travail, ainsi qu’encourager davantage de femmes à s’impliquer et à changer la culture qui a tendance à leur attribuer les seconds rôles.

Mme Koyara a hérité d’un ministère stratégique dans un pays dont les trois quarts du territoire furent occupés par des groupes armés. Six d’entre eux avaient engagé une offensive en direction de Bangui, la capitale, à quelques jours de la présidentielle du 27 décembre 2020, remportée par le président sortant Faustin Archange Touadéra. Bien que repoussées, les attaques ont continué dans diverses localités.

La ministre de la Défense n’a cessé de plaider pour une levée totale de l’embargo sur les armes pour faire face à cette violence. Avant que cet embargo ne soit reconduit le 31 juillet 2020, elle avait alerté sur la progression des groupes armés, exprimant son inquiétude pour la tenue des élections à cause de l’insécurité. Aujourd’hui, la situation sécuritaire a nettement évoluée grâce à la réorganisation des Forces armées centrafricaines (FACA)

Dans un pays complètement déstabilisé depuis 2013, Mme Koyara s’évertue à travailler sur diverses réformes de l’armée, dont la vérification des antécédents des soldats ou encore la formation et le déploiement de troupes à travers le pays, sa principale préoccupation.

La ministre de la Défense de la Centrafrique est confrontée à l’une des situations sécuritaires les plus complexes du continent africain, avec de nombreux défis à relever. Prenant sa fonction à bras le corps, Mme Koyara est une femme de terrain, au contact des populations, ne manquant pas d’effectuer des déplacements dans certaines préfectures pour exhorter les communautés en conflit à « conjuguer la paix et la cohésion sociale ». Un plaidoyer efficace au vu du nombre de ralliements.

Reste que la “Mama” ne veut pas être l’exception à la règle. Dans le monde, estime l’ONU, seuls 20% des postes ministériels comme la Défense et l’Economie réputés difficiles sont occupés par la gent féminine. La RCA , à l’instar de huit autres Etats africains, qui ont des femmes à la tête du département de la Défense , font exception.

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