Retour sur la Journée internationale des droits des femmes 2022 célébrée cette année dans l’enceinte du Musée de la femme, dans l’Oubritenga, par le "Mouvement célébrons le 8 mars autrement".

« L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable », c’est sous ce thème qu’a été célébrée cette année la Journée internationale des droits de la femme le 8 mars 2022. Instituée en 1977 par l’Organisation des Nations Unies, cette journée vise à rendre hommages aux femmes qui se sont battues dans le passé contre les injustices de toutes sortes dont elles étaient victimes, en raison, justement du fait qu’elles sont de sexe féminin.
Le 8 mars, comme on le désigne couramment dans notre pays, offre l’occasion de faire le point sur les acquis engrangés dans le combat contre les discriminations qui frappent les femmes alors qu’elles représentent environ 51,71 % de la population selon le recensement 2019. Puis de rectifier le tir pour une société plus juste et solidaire.

La création d’un ministère spécialement dédié au Genre et à la promotion de la femme montre le souci des pouvoirs publics de prendre à bras le corps cette question, d’autant que toutes les études le montrent : les femmes sont les plus exposées à la pauvreté, à l’exclusion financière, accèdent moins que les hommes au savoir, donc au pouvoir.
Aux côtés ou en marge des politiques publiques, des organisations de la société civile s’investissent jour et nuit pour sensibiliser sur le respect des droits des femmes, leur intégration dans les sphères du pouvoir et la reconnaissance de leur rôle dans le processus de développement de notre pays.

Cette journée se veut donc de réflexions et d’actions pour lever les obstacles qui freinent l’épanouissement de la femme. Cependant, au fil du temps, le 8 mars a pris une tournure radicale à l’avènement de la révolution démocratique et populaire dirigée par Thomas Sankara. En 1985, une semaine nationale de la femme a réuni des femmes venant des 45 provinces pour débattre des problèmes qui touchent le sexe féminin, une rencontre qui a débouché sur la journée chômée et payée. Mais depuis quelques années, ce rendez-vous international a pris un caractère plus festif dans notre pays avec des réjouissances un peu partout sur l’ensemble du territoire au dépend de la réflexion. Une dérive vite perçue par des femmes qui ont occupé des postes de décision dans un passé plus ou moins récent et qui entendent redonner à cette Journée ses lettres de noblesse. C’est ainsi que depuis sa création en 2020, « Le Mouvement célébrons le 8 mars autrement », mène des activités socio-culturelles, des formations et mène des campagnes de sensibilisation sur les problèmes qui frappent spécifiquement les femmes. Ces deux dernières années, le Mouvement a collecté des vivres, de denrées alimentaires et du matériel de protection au profit des déplacées internes.

Cette année, l’équipe dynamique de ce Mouvement présidé par Rita Sawadogo, ancienne Haut-commissaire du Bam et ministre des Sports sous la révolution était à Sabcé dans le Bam et à Konlongdisssé, dans l’Oubritenga.
Dans la première localité, le Mouvement a organisé des examens gratuits du col de l’utérus au profit des femmes et rappelé le sens de la célébration du 8 mars.
A Konlogondiéssé, c’est le Musée de la femme animée par la princesse Juliette Kongo, qui a servi de cadre aux échanges et de débats avec les femmes. La vice-présidente du Mouvement, Alima Traoré, ancienne directrice de la mobilisation et de l’organisation des femmes sous la RDP et ancienne médiateur du Faso, est longuement revenue sur l’histoire de la création du 8 mars. Elle a indiqué à une assistance qui n’avait qu’une très vague idée du 8 Mars, ce que cette date doit représenter pour chaque femme dans son combat émancipateur. Elle a rappelé que le 8 mars avait été créé pour rendre hommage à des femmes ouvrières qui avaient manifesté pour revendiquer d’être payées au même niveau que les hommes, ce qui leur a valu une violente répression avec des centaines de morts. C’est pour ne pas oublier ce combat que l’Organisation des nations unies a institué depuis 1977 cette Journée, les femmes et les hommes étant invités ce jour-là, à faire une introspection collective pour trouver des solutions aux problèmes auxquels les femmes sont confrontées à travers le monde.

« Vous devez vous organiser, échanger régulièrement sur vos préoccupations et voir comment vous pouvez ensemble les résoudre. Nous ne sommes pas contre les Djanjobas, mais ça ne doit pas être la priorité des activités du 8 mars et ça doit venir à la fin », a insisté Alima Traoré.
Dans notre pays, des femmes meurent encore en voulant donner la vie ; elles accèdent moins à l’enseignement supérieur que les hommes, de jeunes filles sont toujours excisées et données en mariage, des maux que dénonce le Mouvement. Les femmes de Konlogondiéssé, qui sont sorties nombreuses pour rencontrer la direction du Mouvement ont confié avoir enfin compris le sens du 8 mars et ont exprimé le souhait d’être accompagnées par l’association. « C’est vrai, les choses changent doucement dans notre village » a déclaré une participante. « Avant, poursuit-elle, pour aller voir tes parents, il fallait commencer à négocier une permission du mari au moins dix (10) jours avant. Ce n’est plus le cas, mais il y a toujours d’autres pesanteurs qui pourrissent notre vie », a-t-elle conclu.
Quota genre, expression de la citoyenneté lors des consultations électorales, participations à la vie de la cité, solidarité avec les plus fragiles et initiatives à prendre par les femmes pour leur épanouissement sans attendre l’Etat, tel est en substance le message que le « Mouvement célébrons le 8 mars autrement », a délivré aux femmes de Konlogondiéssé.

Dans son combat, le Mouvement reçoit du renfort d’associations qui partagent ses valeurs et ses objectifs. A l’image de l’association « Guide d’initiatives pour le développement de l’éducation au Burkina » GUIDEB et l’association Tin Hinane.
La première, présidée par Sinibasba Kiendrebéogo, professeur d’anglais au lycée Marien N’Gouabi milite pour l’implication des parents dans l’inculcation des valeurs de respect, de discipline et de solidarité aux enfants, histoire de préparer le terrain à une bonne acquisition des connaissances à l’école.
Quant à la seconde, elle oriente ses activités vers le développement intégré des femmes, des populations pastorales et des groupes vulnérables.
Très symboliquement, c’est dans l’enceinte du Musée de la femme que le Mouvement a célébré le 8 mars cette année, comme pour montrer qu’il est possible de trouver un équilibre entre la modernité et la tradition, concilier la liberté individuelle sans pour autant renier les valeurs traditionnelles.

La princesse Juliette Congo s’est réjouie que les membres du Mouvement ait choisi le cadre de son Musée pour parler de droits de la femme, elle qui milite pour que les repères moraux qui structurent la société burkinabè depuis la nuit de temps soient préservées et transmises aux nouvelles générations.
La Musée de la femme, comme son nom l’indique, rappelle ce qu’était la femme dans la tradition moaga, sa place dans la vie de la famille et le sens du mariage. On y apprend, que le mariage, ce n’est pas seulement l’union entre deux individus, mais plus, c’est la mise en relation entre deux communautés. Dans la cour royale, la case de la femme peule symbolise à elle toute seule le sens du mariage. « Notre grand-père a donné sa fille en mariage au chef peule de Barkoundouba, un village peul qui est à quelques km d’ici », explique le guide. « Ce qui veut dire qu’entre les deux villages, il ne peut y avoir d’affrontement, car cela reviendrait pour nous à faire la guerre à notre neveu et aux autres, à faire la guerre à leurs beaux-parents », poursuit-il.
Voilà qui devrait inspirer les contemporains dans leur quête de prévenir les conflits communautaires.

Dominique Koné
Kaceto.net