La guerre dans l’Est de l’Europe devrait prolonger des tensions inflationnistes déjà palpables en début d’année. Prix du blé et des carburants inquiètent les économistes, qui redoutent une flambée des prix à la consommation. Pourtant, la crise offre aussi quelques opportunités aux exportateurs.

L’invasion de l’Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine ne sera pas sans conséquences économiques pour l’Afrique. Arrêt du commerce, sanctions économiques, bouleversement des marchés mondiaux… Une note de Renaissance Capital distingue trois impacts, au premier rang desquels la flambée des prix des matières premières.

Quelques pays africains, comme l’Ouganda, commercent significativement avec la Russie ou en attendent des capitaux, mais ces deux effets seront sans doute moindres.

La Russie et l’Ukraine représentent environ 30 % des exportations mondiales de blé et l’Ukraine 15% des exportations de maïs ; la probable rupture d’approvisionnement fera monter les prix du blé et du maïs, et celui des céréales en général.

Néanmoins, le Sénégal, dont 4,4% des échanges commerciaux étaient à destination de la Russie en 2020, le Niger (4,1%) et la RD Congo (4,0%) doivent chercher des alternatives.

La Russie ne représente que 2% à 3 % du commerce de l’Afrique avec le monde, selon les données de la Cnuced. Les Africains devront trouver ailleurs engrais et les médicaments, en particulier.

En matière d’investissements, ceux en provenance de la Russie représentent moins de 1% du total des IDE (Investissements directs étrangers) en Afrique, selon fDi Intelligence.

La plupart sont dirigés vers l’exploitation des ressources naturelles, en particulier des métaux, du charbon, ainsi bien sûr que le pétrole et le gaz. Les pays dont les opérations minières sont détenues par des entreprises russes seront probablement les plus touchés.

Ainsi, le principal danger viendra bien du côté des pressions inflationnistes. Les hausses des cours mondiaux du pétrole et du blé, en particulier, se feront sentir en Afrique. Elles auront directement un impact sur la hausse des prix à la consommation des ménages et sur les coûts des entreprises africaines.

Pour les pays fortement dépendants de l’étranger, l’inflation pourrait se traduire par une détérioration des comptes courants. Bien sûr, les exportateurs de pétrole, comme le Tchad, peuvent souffler. Au contraire des importateurs. Certains pays qui pratiquent les subventions ou les aides à la consommation de carburant, comme le Nigeria, verront sans doute leur solde budgétaire se dégrader.

Une occasion de vendre à l’Europe

Selon Renaissance Capital, les pays les plus vulnérables au conflit en Europe de l’Est sont ceux qui importent une grande partie du blé qu’ils consomment, par exemple l’Égypte, ou sont importateurs de pétrole, comme le Kenya. Les pays du Maghreb sont aussi très sensibles au prix du pain, rappellent d’autres spécialistes qui n’oublient pas les motifs déclencheurs des « Printemps arabes », voici une décennie.

À l’inverse, les exportateurs de matières premières seront probablement les plus grands bénéficiaires de ce conflit. Sur ce point, la lettre britannique Africa Confidential fait observer : « L’Europe doit rapidement trouver des alternatives au gaz russe, et les alternatives les plus fiables se trouvent en Afrique. » Voilà donc « une excellente occasion » pour les pays africains de conclure de nouveaux accords.

L’Afrique s’inquiétait déjà, avant le conflit, du niveau de l’inflation. Les Banques centrales se voulaient rassurantes. L’éclatement de la guerre russo-ukrainienne a rendu ce thème plus important que prévu.

Depuis que la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine, le prix du Brent a dépassé les 110 dollars le baril, ce qui représente un bond de plus de 80 % en douze mois.

Les pressions sur les prix de l’énergie s’accumulent, ce qui se manifestera par des prix encore plus élevés des transports et des services publics, y compris l’électricité, le gaz et d’autres combustibles, comme le kérosène et la paraffine.

Or la hausse des coûts du transport demeure le principal moteur de l’inflation dans plusieurs pays africains, comme le Ghana ou le Rwanda.

La Russie et l’Ukraine représentent environ 30 % des exportations mondiales de blé et l’Ukraine 15% des exportations de maïs ; la probable rupture d’approvisionnement fera monter les prix du blé et du maïs, et celui des céréales en général.

La majeure partie du blé consommé en Afrique est importée. Les plus gros consommateurs – et importateurs – de blé seront donc particulièrement touchés. L’Égypte est particulièrement vulnérable, de ce point de vue. Les pays qui consomment davantage de maïs – essentiellement en Afrique australe –, seront relativement épargnés.

Les producteurs de métaux favorisés ?

S’y ajouteront les effets monétaires pour les pays dont la monnaie est déjà soumise à des pressions ; de ce point de vue, les zones CFA sont moins en danger que le Ghana, par exemple.

Si les gouvernements sont contraints de maintenir les subventions à l’achat de carburant, ils aideront ponctuellement les ménages sur ce point, mais ce sera autant de manques à dépenser pour l’éducation, la santé, les infrastructures…

Le Nigeria, qui a fait face en 2021 à des manifestations syndicales contre la hausse des prix des carburants, paraît fragilisé, de ce point de vue.

Le déficit public pourrait atteindre 4,7% du PIB en 2022, contre 3,4% envisagé par le gouvernement dans son Budget. Un point nuancé par le fait que le Nigeria est aussi exportateur de pétrole, source de revenus en devises.

Au Kenya, le gouvernement a déjà puisé 25 milliards de shillings (200 millions d’euros) de son fonds spécial de stabilisation des prix entre juillet et décembre 2021, selon Bloomberg. Un « tampon » nécessaire, pourtant, pour éviter l’arrêt des transports.

Quelques pays exportateurs de matières premières métalliques comme le platine, le palladium et la bauxite, comme l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, voire la RD Congo, pourraient voir leur solde commercial s’améliorer. Un point à confirmer ces prochains mois.

Le magazine de l’Afrique