Les hommages à l’ancien chef de file de la Ligue communiste révolutionnaire, mort samedi à 80 ans, sont venus de tous les courants de la gauche.

« Alain n’aura pas cédé à la pression du “ça te passera avec l’âge”. Salut, vieux, et merci pour tout. On continue le combat ! » C’est par ces mots que le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a rendu hommage à Alain Krivine dans un communiqué. Celui qui fut le patron pendant trente ans de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) – qui enfantera le NPA en 2009 – est mort samedi 12 mars, à l’âge de 80 ans. La disparition de l’ancien chef de file du trotskisme en France a suscité une pluie d’hommages venus de la gauche, à un mois du premier tour de l’élection présidentielle à laquelle M. Krivine s’était présenté deux fois.

Cofondateur de la LCR en 1974, Alain Krivine était appelé « président » par ses amis. « Je t’entends encore dire que la plus belle manière de célébrer la mémoire des disparus est de perpétuer leur combat. (…) Le faire sans toi n’aura plus jamais la même saveur », a réagi Olivier Besancenot, qui milita à la LCR puis au NPA à ses côtés. Des mots repris à son compte par le candidat du NPA à l’élection présidentielle, Philippe Poutou.

« Changer le monde »

« Emotion et chagrin. Une pensée affligée à sa famille et salut fraternel à tout le mouvement trotskiste », a commenté le candidat de La France insoumise (LFI) à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Autre candidate à l’Elysée, pour la troisième fois, Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) s’est fait l’écho du NPA en saluant la mémoire d’un « soixante-huitard qui n’a jamais renié ses convictions anticapitalistes et révolutionnaires ».
« Il fut l’une des voix de l’histoire politique de la gauche », selon Fabien Roussel, le candidat communiste, dont le directeur de campagne, Ian Brossat, a également réagi : « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents trotskistes. J’ai eu le bonheur de côtoyer Alain Krivine quand j’étais môme. Il défendait son idéal avec une belle constance. »

Le député Eric Coquerel (LFI), ancien de la LCR, a rendu hommage à son « camarade » qui « aura été l’une des grandes figures du mouvement révolutionnaire, porte-parole humain et talentueux ». « Avec Jack Ralite, Alain Krivine fut l’une des figures qui m’ont donné envie de faire de la politique pour changer le monde », a tweeté une autre députée « insoumise », Clémentine Autain.
« Une pâte humaine et politique qui n’existe plus guère »

« Le militant révolutionnaire, présent dans toutes les luttes, marquait par ses convictions », a aussi déclaré Pierre Moscovici sur Twitter. « L’homme était cultivé, plein d’humour. Il était fait d’une pâte humaine et politique qui n’existe plus guère », a ajouté l’ancien ministre socialiste et commissaire européen. Olivier Faure, le porte-parole du Parti socialiste, a jugé qu’« après le décès d’Henri Weber [ancien cadre de la Ligue communiste, mort en 2020], c’est une nouvelle page de l’histoire de la ligue qui se tourne ».

Né le 10 juillet 1941 à Paris, Alain Krivine était issu d’une famille de la petite bourgeoisie juive, immigrée d’Europe centrale. Biberonné comme ses frères aux mouvements étudiants communistes, il était l’un des fondateurs, en 1966, de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), et devient l’une des figures de Mai-68, aux côtés de Daniel Cohn-Bendit, Jacques Sauvageot et Alain Geismar. Son activisme lui vaut alors d’être emprisonné un mois à la Santé et entraîne la dissolution de la JCR.

Il est ensuite désigné par la Ligue communiste, fraîchement créée, comme candidat à l’élection présidentielle de 1969. Un an après Mai-68, la France entière le découvre donc, cheveux frisés, lunettes sur le nez, et son programme : détruire l’ordre capitaliste et redistribuer les richesses. Il n’obtient que 1,06 % des suffrages. Il se présente également en 1974, à la tête de la LCR, mais échoue avec 0,37 % des voix. Journaliste à l’hebdomadaire Rouge, l’organe du parti, et député européen entre 1999 et 2004, il démissionne du bureau politique de la LCR en 2006, tout en restant son porte-parole jusqu’à sa dissolution, en 2009.

Le Monde avec AFP