J’ai été regarder ce qu’il y avait dans les titres de publications francophones centrés sur les notions de « parentés/alliances/cousinage à plaisanteries » (données 2013-2022). Tout le plaisir de partager avec vous les résultats de ma fouille très rapide.

✅ Parentés/alliances/cousinage à plaisanterie, qu’est-ce ?

👉 Les parentés/alliances/cousinage à plaisanterie sont des pratiques sociales codifiées, très répandues en Afrique de l’Ouest notamment, qui permettent sans doute de désamorcer les tensions entre ethnies voisines, entre clans familiaux ou entre individus, selon l’anthropologue Marcel Griaule pour qui ce phénomène constitue une alliance cathartique. Elles résultent le plus souvent d’un pacte ancestral interdisant les conflits ou les guerres entre les communautés ou les individus en question, et impliquent que ses membres doivent se dire la vérité, s’aimer et se porter mutuellement assistance si nécessaire. Elles autorisent, voire obligent, les membres du pacte à se moquer, blaguer ou même s’insulter pour rire, et ce, sans conséquence négative aucune. Tout différend entre ses membres doit se régler de manière pacifique. C’est un impératif catégorique.

👉 Les parentés/alliances/cousinage à plaisanterie se pratiquent dans les lieux publics, dans les champs, dans les bureaux, aux marchés, aux points d’eau, en famille, etc., au quotidien comme lors d’occasions spéciales : mariages, baptêmes, diverses cérémonies, transactions commerciales, manifestations culturelles et de divertissement.

👉 Transmis de manière informelle de génération en génération, les parentés/alliances/cousinage à plaisanterie son un excellent outil d’ingénierie sociale de réconciliation et de pacification qui favorise le vivre-ensemble, la cohésion et la stabilité des familles, des groupes ethniques et des communautés. Ces pratiques favorisent également l’égalité sociale en termes d’âge et de hiérarchie et encourage le dialogue entre les générations. Ce sont donc des trésors culturels à perpétuer avec le plus grand soin.

✅ Que peut-on dire de la cartographie sémantique issue de l’analyse d’un corpus significatif de titres de publications francophones centrés sur les notions de « parentés/alliances/cousinage à plaisanterie » ?

Eh bien, cette cartographie, à y regarder de près, confirme tout ce qui vient d’être dit de ce que sont les parentés/alliances/cousinage à plaisanterie. Mais je vais pointer ici quelques « insights sémantiques » saillants :

👉 D’abord, remarquons que le Burkina Faso est le pays d’Afrique le plus visible dans le corpus significatif de titres centrés sur les « parentés/alliances/cousinage à plaisanterie ». On notera le « Rakiré » ou « Dakiré » (parenté à plaisanterie) entre Mossé (de façon générale) et Samo, entre Mossé (de façon générale) et Bissa, entre (plus spécifiquement) Yadsé et Gourmantché et entre Yadsé et Bissa (Pour les Yadsé, on aura remarqué sur la cartographie la mention significative de cette pratique sociale à l’occasion de l’inhumation de l’ancien président de l’Assemblée Nationale du Burkina, Feu Salifou Diallo (Un Yadéga, comme son nom… ne l’indique pas). On notera également les parentés à plaisanterie entre Bobo, bambara, Dafing et Peuls.

👉 En termes de visibilité sur ces pratiques sociales à plaisanterie inscrites dans les titres de publications francophones en ligne, le Burkina Faso est suivi du Niger. Mais, à la différence du Burkina Faso, il nous faut noter que la parenté ou cousinage à plaisanterie au Niger est une pratique sociale classée en 2014 par l’UNESCO, au patrimoine culturel immatériel. Cela doit donner à réfléchir. Ce n’est pas visible sur la cartographie, alors indiquons qu’au Niger cette pratique s’observe notamment entre Peuls, Maouris et/ou Béris-Béris, entre Djermas, Songhaïs, Bagobiris et Touregs, entre Gourmantchés et Touaregs.

👉 En dehors du Burkina Faso et du Niger, sur la cartographie on peut observer, associée au Mali, la prégnance des relations à plaisanterie entre Dogon et Bozo (parenté à plaisanterie ici appelée « Sinankunya », terme que l’on retrouve en Guinée souvent sous la graphie de « Sanakouya ») et, dans une moindre mesure, entre Dogon et Songays.

👉 Sur cette thématique des « parentés/alliances/cousinage à plaisanterie », deux auteurs-chercheurs se signalent comme significativement cités : Il y a le Professeur Burkinabè Alain Joseph Sissao, connu pour ses travaux et ses conférences sur le sujet, mais aussi pour un ouvrage de référence (insuffisamment promu) qu’il a écrit en 2002, intitulé : « Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso. Mécanismes de fonctionnement et avenir » (Sankofa et Gurli Edition, Ouagadougou, Burkina Faso, 2002). Et il y a Alhassane Cherif pour son livre intitulé : « La parenté à plaisanterie (le Sanakouya) : un atout pour le dialogue et la cohésion sociale en Guinée », écrit en 2014 (Paris, l’Harmattan, 2014).

👉 Enfin la cartographie sémantique autour des « parentés/alliances/cousinage à plaisanterie » laisse curieusement apparaître l’évocation de la « Charte de Kurukan Fuga » (appelée aussi « Charte du Manden ») adoptée en 1236 à Kurukan Fuga, actuel cercle de Kangaba (République du Mali), par les représentants du Mandé traditionnel et leurs alliés pour régir la vie du grand ensemble mandingue. Il y a là comme une cohérence du champ sémantique, car cette charte est un ensemble d’énoncés de principes structurant les Mandéka en vue de fonder une « paix durable » (une véritable Constitution, l’une des plus vieilles au monde !). Donc, tout comme les pactes à plaisanteries, cette charte est un précieux outil issu de nos traditions orales, qui permet de contribuer à la prévention, au règlement des conflits et même à la consolidation de la paix. Tout cela participe du génie africain de l’ingénierie sociale.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & Analyse sémantique
Kaceto.net