Dans les titres de publications de la presse burkinabè en ligne revient souvent le référent « lutte » (substantif + verbe infinitif et leurs formes fléchies). A y regarder de près, ce référent est un attracteur sémantique qui désigne ici une action pour mettre un terme ou faire obstacle à quelque chose. Mais quel est ce « quelque chose » ? De quelles luttes s’agit-il ? Eh bien, pour en avoir une idée à l’approchant j’ai analysé un corpus pertinent et significatif de titres de publications couvrant la période qui va de 2008 à 2022, soit sur une quinzaine d’années.

✅ La cartographie sémantique ci-jointe, générée à partir des résultats d’analyse de ces données, laisse percevoir de quoi est constitué ce « quelque chose », objet de « luttes » rapportées dans les titres de la presse burkinabè en ligne.

✅ Remarquons que quatre thèmes, objets de luttes, se montrent centralement structurants :

👉 Il y a d’abord la question de la santé dont notamment la lutte contre des maladies telles : le VIH-Sida, la pandémie de la Covid-19, le paludisme, le cancer, Ebola, les IST (infections sexuellement transmissibles). A cela, il faut ajouter d’autres préoccupations sanitaires liées à la malnutrition, à la drogue et au tabac ;

👉 Il y a les problématiques sécuritaires liées notamment aux attaques terroristes/djihadistes, aux conflits, aux violences extrémistes, au grand banditisme, mais aussi aux incivilités du quotidien ;

👉 Il y a le problème de la corruption et des fraudes dont le REN-LAC (Réseau national de lutte anti-corruption) et le célèbre et courageux journaliste d’investigation Feu Norbert Zongo, paix à son âme, visibles sur la cartographie, se sont donnés pour mission de débusquer (L’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) semble moins visible dans les titres).
Mais nous le savons, malheureusement de nombreux dossiers de crimes économiques, intimement liés à cet état des choses, sont en souffrance dans les tiroirs de nos tribunaux de justice.

👉 Il y a enfin le sujet économique incontournable de la pauvreté et de la vie chère (ailleurs, on parlera de « pouvoir d’achat »). Rappelons que le Burkina Faso est un pays sahélien à faible revenu (« Burkina » rime souvent avec « pays pauvre » dans la presse occidentale en particulier). Son économie repose sur l’agriculture, même si les exportations aurifères progressent et gagneraient à être optimisées. Plus de 40% de la population burkinabè vit en dessous du seuil de pauvreté. Le Burkina est classé 144ème sur 157 dans l’indice du capital humain établi par la Banque mondiale.
A cette pauvreté endémique vient s’ajouter régulièrement le problème de la vie chère (augmentation des prix des biens de consommation courantes : carburant, riz, pain, huile, etc.) qui prend une place importante dans les difficultés matérielles et les sentiments d’injustice ressentis par les classes populaires. Situations qui peuvent aller jusqu’à provoquer de violentes émeutes de rue ou des mouvements quasi insurrectionnels (sous la houlette des organisations de la société civile et des syndicats).

👉 Telles sont les quatre thématiques centrales qui structurent le discours médiatique inscrit dans les titres de la presse burkinabè en ligne centrés sur le référent « lutte » (substantif + verbe à l’infinitif et leurs flexions). Mais à côté de ces principales thématiques, sont aussi mentionnées, à un moindre niveau certes : la lutte contre les pratiques d’excision et de mutilations génitales des femmes, la lutte contre le travail et le mariage des enfants (mariages précoces, souvent forcés) et la lutte contre le changement climatique et ses effets néfastes sur l’environnement.

✅ En plus de la cartographie sémantique (qui présente une vue synthétique du champ sémantique du référent-cible « lutte » sur l’ensemble de la période 2008-2022 ), je vous propose un graphique qui permet de visualiser l’évolution dans le temps des quatre problématiques centrales identifiées.

👉 Pour dire les choses rapidement, de 2017 à aujourd’hui, l’enjeu « sécuritaire » notamment et l’enjeu « sanitaire » (dont en particulier le Covid en 2019-2020) ont nettement gagné en présence médiatique, là où l’enjeu « pauvreté et vie chère » et l’enjeu « corruption et fraude » (sous l’œil vigilant du REN-LAC et, jadis, de Feu le journaliste Norbert Zongo, pour les plus visibles sur le sujet) ont perdu en vigueur. Toutefois, notons une légère hausse de visibilité pour la référence à la catégorie « corruption et fraude » en 2021. Pour ce qui est de la catégorie « pauvreté et vie chère », vu le contexte géopolitique tourmenté dans lequel nous baignons aujourd’hui (la guerre en Ukraine suscite de plus en plus de vives inquiétudes dans le monde entier car elle risque fort bien de durer, voire pire : se transformer en « conflit mondial »), il n’est pas du tout exclu que là aussi ça se dégrade sérieusement dans les jours et les mois à venir.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & Analyse sémantique
Kaceto.net