Parcours des Etalons lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun, non renouvellement du contrat de Kamou Malo, crise au sein de la Fédération burkinabè de football, suspension du processus de recrutement du sélectionneur, peu d’engouement du public dans les stades, etc., retour sur l’actualité pour le moins mouvementé du Onze national depuis quelques semaines avec Madi Tiendrebréogo, observateur averti du football burkinabè.
Dans l’interview qu’il nous a accordée, il exprime aussi son inquiétude sur notre participation à la prochaine CAN alors que la sérénité est la chose la moins partagée dans la famille du football burkinabè.

Le Burkina Faso a terminé à la quatrième place lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations (CAN) au Cameroun. Est-ce un parcours honorable ?

Honorable, je ne le crois pas. On peut dire que les Etalons ont fait un bon parcours, mais pas honorable au vu des deux derniers matchs respectivement livrés contre le Sénégal et surtout contre le Cameroun. Avec le Cameroun, le problème n’est pas la défaite, mais la manière avec laquelle nous avons perdu. Mener 3-0 à un quart d’heure de la fin du match et se faire marcher là-dessus au coup de sifflet final, c’est inadmissible. Maintenant, on doit reconnaitre qu’ils ont fait un bon parcours parce qu’aller en demi-finale avec une équipe dont beaucoup participaient pour la première fois à la Coupe d’Afrique des Nations est quand-même bon.

Le contrat du coach Kamou Malo n’a pas été renouvelé. Comprenez-vous cette décision de la Fédération burkinabè de football ?

Le non-renouvellement du contrat de Kamou Malo peut s’expliquer par notre élimination en demi-finale. Le Burkina Faso ne jouait pas la première demi-finale de son histoire puisque nous avons même joué la finale de la CAN 2013. Et lorsqu’on se rappelle des propos ténus par Kamou Malo affirmant avoir atteint ses objectifs, bien avant le match face au Sénégal, cela pose problème. Lorsque je l’ai entendu, j’ai tout de suite conclu que notre coach venait de faire une mauvaise sortie qui aura de fâcheuses suites. Il devrait à ce stade de la compétition, motiver ses joueurs et les mettre en ordre de bataille pour ramener le trophée au Burkina Faso. J’étais donc très déçu. A l’évidence, ses propos ont pu démotiver les joueurs et je crois bien que cela a aussi contribué à son départ.

A la sortie de cette compétition, on a une crise qui secoue la Fédération burkinabè de football. Comment expliquez-vous cela ?

En réalité, si on observe bien, la crise existait bien avant. Six mois après l’élection de Lazare Banssé à la tête de la Fédération burkinabè de football (FBF), il a commencé à licencier certains membres du comité exécutif, qui visiblement sont des fidèles de l’ancien président Sita Sangaré. La crise a débuté à partir de là. Donc, la crise n’a pas débuté après la débâcle des Etalons face au Cameroun. La débâcle a juste précipité le divorce entre Kamou Malo et son employeur.

Kaceto : Le Team manager de l’équipe est pris à partie par certains joueurs dont le capitaine, Bertrand Traoré. Est-ce que ce poste n’est pas lui-même un problème ?

Non, c’est un poste important dans une grande équipe et le rôle du Team manager est pertinent. Dans les clubs Européens par exemple, on parle de directeur sportif et il joue un rôle en amont. Si vous avez regardé la vidéo de Aristide Bancé, il a parlé de joueurs qui sont venus au Burkina Faso pour chercher des visas, d’un joueur qui est même allé jusqu’à Paris pour ça ! Soyons sérieux, est-ce le rôle d’un capitaine de gérer ce genre de situation ? Non, ce rôle incombe à quelqu’un d’autre, et c’est le Team manager. C’est pourquoi, je crois que le couac qu’il y a eu entre le capitaine et le Team manager est vraiment malheureux surtout que ces deux joueurs ont tous défendu les couleurs de ce pays sur le terrain dans le passé. Chacun doit rester dans son rôle. Lorsque vous voyez ce que certains joueurs ont fait avant le match contre le Kossovo, ce n’est pas acceptable. Ils devaient être exclus du groupe. Cette défaite contre le Kossovo (5-0) est une humiliation pour toute la nation, alors que ce sont les joueurs qui ont saboté le match.

Le président Lazare Banssé fait face à des frondeurs au sein de la Fédération. Est-ce que le président n’abuse t-il pas de son autorité ?

On ne peut pas dire que c’est lui qui abuse de son autorité à partir du moment où c’est l’ancien bureau qui a relu les textes régissant le fonctionnement de la Fédération. Tout ce que le président Lazare Banssé fait actuellement, il le fait en s’appuyant sur les textes. Il faut le savoir, c’est le président seul qui est élu à l’Assemblée générale et c’est lui qui doit désigner les autres membres du Comité exécutif. C’est à dire qu’il peut nommer quelqu’un et le dénommer. Donc, il n’y a pas d’abus.

Les textes de la fédération ne sont-ils dépassés ?

Bien évidemment, ce sont des textes qui sont inadaptés. En 2016, lorsque l’ancien bureau a relu les textes, c’était avec la certitude qu’il allait être reconduit, donc que ces textes seraient leur faveur de ses membres. Ce qui reste à faire, c’est de relire les textes, les toiletter dans le seul intérêt du football burkinabè. L’assemblée générale extraordinaire n’arrive malheureusement pas à se tenir à cause des frondeurs qui seraient proches de l’ancien bureau.

Le processus de sélection du coach a été interrompu par le ministère en charge des Sports. Comment appréciez-vous cette décision ?

Je ne dirai qu’il faut saluer cette décision du ministère de surseoir au processus, mais ce qui est certain, c’est qu’il faut d’abord ramener la sérénité au sein de la grande famille du football avant de poursuivre. Maintenant, sur tout autre sujet, je ne suis pas du tout convaincu en la capacité de l’entraineur choisi pour conduire les Etalons sur la plus haute marche du football africain.

A l’arrivée de Kamou Malo, sa peau n’était pas vendue très chère, mais finalement il s’en est bien sorti. Pourquoi pas Velud ?

Actuellement, l’objectif du Burkina Faso est de remporter la CAN en Côte d’ivoire. Et confier une telle mission à un entraîneur qui n’a particulièrement rien prouvé au cours de sa carrière me pose problème. J’aurai même préféré qu’on garde un Kamou Malo, Oscar Barro ou Firmin Sanou plutôt que le coach qui a été remercié par le Soudan pour insuffisance de résultats. Le Soudan n’a pas le niveau du Burkina Faso en matière de football, toute modestie gardée.

Le processus reste suspendu alors que les compétitions reprennent dans quelques semaines. Que faut-il faire ?

Il faut aller vite. Il faut donc trouver une solution express pour permettre au pays d’entamer les éliminatoires de la prochaine CAN. Avec qui comme coach ? En tout cas, moi je ne suis pas convaincu par Hubert Velud si nous maintenons notre objectif de participer à la prochaine CAN et ramener le sacre au pays. Le plus important , c’est régler le problème extrêmement complexe au sein de la Fédération dans laquelle il y a véritablement une cassure.

Peu de joueurs du championnat national sont appelés dans la sélection nationale. Comment expliquez-vous cela ? ?

C’est vrai, mais ça ne veut pas dire que les joueurs de notre Championnat n’ont pas le niveau. Il y a de très bons joueurs dans les clubs burkinabè qui auraient pu être sélectionnés et qui pourraient briller. Nous sommes allés à la CAN sans un attaquant de pointe, alors que le meilleur buteur du championnat national était là. Le choix de sélectionner les joueurs revient par ailleurs au sélectionneur. Mais ce qui est au moins certain, c’est qu’il y a aussi des joueurs qui évoluent en Europe qui n’ont pas le niveau des joueurs de notre championnat.

L’autre mal de notre championnat national, c’est l’absence du public dans
les gradins. Que faut-il faire pour résoudre ce problème ?

Si vous voyez la programmation des matchs, il n’y a aucune communication autour. Comment les populations peuvent savoir qu’effectivement il y a match ? Ensuite, lorsqu’on programme un match de championnat un vendredi à 15 heures, vous voulez que qui aille suivre çà ? Cela explique en partie le fait que les gradins restent vides. Sous la révolution, le président Thomas Sankara avait dit que la porte 13 du Stade du 4 août était gratuite. Et nous étions petits, on y rentrait à chaque fois pour suivre les matchs et on a fini par s’y habituer. Pourquoi aujourd’hui ne pas, à défaut de faire les entrées gratuites, ramener le tarif des matchs à 200 franc cfa pour les adultes et 100 franc cfa pour les enfants ? Si on maintient cela pendant quelques années, vous verrez les résultat. Même si après les tarifs remontent, les populations, qui auront déjà pris goût accepteront de payer.

Interview réalisée par Cheick Traoré
Kaceto.net