En 2012, l’Unesco a annoncé une probable disparition du langage Igbo en 2025. A deux ans de l’année durant laquelle cette funeste prédiction était censée se réaliser, les locuteurs Igbo semblent avoir totalement inversé la tendance.

En février 2022, l’Université de Harvard a ajouté plusieurs langues africaines aux programmes linguistiques offerts à ses étudiants. Parmi ces dernières, l’une a particulièrement attiré l’attention : le « Igbo ». Enseigné à Harvard, comme à Oxford et d’autres universités prestigieuses, la langue venue du Nigeria a conjuré le mauvais sort qui lui était prédit il y a quelques années. L’Unesco, notamment, avait prédit que le Igbo aurait disparu en 2025 si rien n’était fait pour inverser le déclin de la langue en termes de locuteur.

A l’époque, l’étude avait suscité de vives réactions, au Nigeria notamment. Mais, en 2013, une étude du nigérian Emmanuel Asonye, ​​chercheur postdoctoral à l’Université du Nouveau-Mexique, a montré que les fondements même de la funeste prédiction de l’Unesco se trouvaient dans les comportements des Nigérians, voire de l’ethnie Igbo, envers ce langage.

« C’est un fait que les Igbo reconnaissent qu’ils ont une attitude négative envers leur langue. Cela comprend à la fois la population instruite et non instruite. C’est une ironie que ceux qui prétendent que la prédiction de l’UNESCO est fausse font partie de ceux qui ne savent ni lire ni écrire l’igbo, ceux qui n’ont aucun travail scientifique sur la langue igbo à leur actif », expliquait l’étude en 2013.

Ce point de vue est confirmé par une autre étude, « The standard Igbo in radio broadcasting : A study of selected radio stations in Anambra state », de Ifeka Juliet Onyeocha publiée en 2021. Cette étude analyse les obstacles rencontrés par la promotion du langage Igbo à la radio. Elle note qu’en « 2006, en dehors de la multiplicité des orthographes qui sont apparues les unes après les autres, l’autre problème de la langue Igbo et de son développement était l’attitude des membres de l’ethnie éponyme. Ils préfèrent l’utilisation de la langue anglaise et interdisent même à leurs enfants de parler leur langue maternelle ».

Dans la foulée de la prédiction, les locuteurs Igbo se sont lancés dans une vaste promotion de leur langue. De nombreuses applications d’enseignement de la langue ont vu le jour en 2013, à tel point que Google Traduction a ajouté le Igbo à sa base de données cette année-là. Les efforts se sont surtout multipliés sur internet avant de toucher le secteur des médias.

En 2018, après avoir testé des bulletins d’information en Igbo, la BBC, le radiodiffuseur public britannique, lance un service Igbo et un service Yoruba.

La dynamique de la promotion du Igbo pousse les locuteurs de la langue à l’enseigner, d’abord au Nigeria. Des cours en ligne, le Igbo passe dans les programmes des écoles secondaires et des universités nigérianes. Il faut préciser que l’université chinoise de Pékin a été l’une des premières à proposer des cours de Igbo, et cela dès 2015.

Au final, la conjugaison des efforts des locuteurs Igbo a répandu, en 10 ans, la 4e langue indigène la plus parlée au Nigeria, avec 27 millions de locuteurs dans le pays selon Statista.

Enseignée comme le Swahili et le Yoruba dans plusieurs pays du monde, représentée à la télévision par des chaînes comme Africa Magic (DStv) et Isi Mbido (StarTimes), la langue Igbo a visiblement échappé à l’extinction prédite par l’Unesco.

Agence Ecofin