Chantée par tous comme un impératif politique, la notion de réconciliation mérite néanmoins d’être expliquée aux jeunes générations. D’où le café débat organisé hier soir 12 juin par l’Appel de Manéga à l’attention des étudiants de la cité universitaire Kossodo le 12 juin 2022.

Qu’est-ce que la réconciliation dont tout le monde parle implique et quels sont les enjeux d’une réconciliation ? C’est cette problématique qui a en quelque sorte orienté les communications des panélistes. Il s’agit principalement de Mélégué Traoré, ancien président de l’Assemblée nationale, de Amadou Traoré, juriste et auteur d’un essai sur la réconciliation et de Tahirou Barry, ancien ministre de la Culture.
Pour Mélégué Traoré, la réconciliation sonne comme une nécessité puisqu’on assiste à une cassure sociopolitique et un malaise de la jeunesse qui constituent de réelles menaces sur la survie même de l’Etat burkinabè. « Cette situation à laquelle nous assistons est la résultante d’une accumulation de frustrations et de rancœurs de certains Burkinabè », observe le panéliste. Raison pour laquelle, tout un chacun -et surtout les jeunes-devrait s’employer à faire de la réconciliation une réalité. Mais, le processus sera long et difficile, reconnait l’ancien diplomate. Et pour cause, pour lui, au vu de l’état de décomposition avancé du corps social, il faut au moins une décennie pour redresser le pays. D’où son espoir que cette Transition en pose au moins les jalons. La réconciliation est donc impérieuse pour la viabilité du Burkina au plan interne mais aussi pour sa crédibilité sur le plan international.

Le deuxième panéliste est Amadou Traoré, juriste et auteur d’un essai sur la réconciliation intitulé « Burkina Faso : la réconciliation nationale et économique : leçons et perspectives », ouvrage dont la présentation a été faite aux étudiants sortis nombreux pour la circonstance. En s’inspirant de l’Histoire contemporaine du Burkina Faso, l’ancien député observe qu’aucun président au Burkina Faso n’a terminé son mandat mis à part Michel Kafando. Encore que même là, ce ne sont pas les tentatives pour écourter son mandat qui ont manqué. « Cet état de fait est la résultante de haines entretenues par des acteurs politiques aux positions souvent extrêmes » analyse-t-il. C’est pourquoi, il exhorte les jeunes à se départir de ce « fardeau » en vue de briser le cycle de rancœurs et de vengeance. Du reste, la réconciliation n’est pas l’absence de tensions mais elle consiste à ramener celles-ci dans de proportions acceptables.
Ancien ministre de la Culture et deux fois candidat à la présidentielle, Tahirou Barry estime que la réconciliation implique des préalables que sont le règlement de crimes économiques et de sang. « Il faut être soudé et déterminé pour parvenir à une vraie réconciliation, laquelle ne saurait faire le lit de l’injustice », lance-t-il.
La réconciliation est donc un processus qui passe par la vérité et la justice. Mais la justice n’est pas que celle étatique « qui dit le droit, mais pas toujours la vérité ». Il y a donc lieu d’explorer d’autres formes de justice comme la justice traditionnelle ou celle transitionnelle.

Sortis nombreux et après avoir écouté religieusement les différents panélistes, les étudiants ont témoigné leur gratitude à l’Appel de Manéga de leur avoir permis de s’abreuver aux sources de différents ainés. De quoi satisfaire, Lookmann Sawadogo, un des initiateurs de l’Appel de Manéga pour qui il s’agit de lever les amalgames et les équivoques sur la notion de réconciliation.

Soumana LOURA
Kaceto.net