Un couple, un groupe de copains, une famille, une crise est l’occasion de remettre les pendules à l’heure. Ce que notre pays traverse est une occasion d’étape.

Pourquoi des bandes de pouilleux à moto parviennent à mettre une armée nationale à la peine ? Pourquoi 7 années durant nous ne sommes pas arrivés à trouver la formule gagnante ? C’est parce que nous avons empilé des mensonges et des combines. Dit comme cela, ça peut sembler brutal. Regardons ça de plus près !
Aujourd’hui, je vous propose de voir un premier mensonge. Nous avons la meilleure armée d’Afrique de l’Ouest. On nous a tous gavé avec ce mensonge. Deux fois, on nous a raconté que nous avons fait des exploits dans les deux guerres contre le Mali. Vous arrivez à Bamako, et tout le monde vous dit que l’armée malienne a foutu des raclées mémorables aux Voltaïques et aux Burkinabè. Des deux côtés, on croit fermement à ce mensonge.
Arrivent les poussées djihadistes. Et le Mali, et le Burkina Faso, et les autres pays du sahel, c’est le désarroi dans les rangs. Où sont donc passées ces armées remplies de guerriers sans peur et sans reproche ? Eh bien, ces armées prestigieuses n’ont jamais existé. Des gardes présidentielles ne peuvent former une armée. Nos armées ont été dimensionnées pour protéger les lieux de pouvoir. Y compris contre leur propre population.
La hantise, c’est le coup d’Etat. Et quand on passe son temps à apprendre comment déjouer un putsch, on devient expert en cette matière. Et la défense du pays ? C’est là que se trouve le grand mensonge. Nous n’avons jamais eu une armée capable de défendre le territoire et les populations. Et voilà pourquoi nos stratèges tâtonnent.
Dans un passé récent, on a tous vu le Président Kaboré aux prises avec l’armée. Pourquoi ce président ne voulait pas entendre parler d’un militaire dans son gouvernement ? La réponse est devant nous. Dès que le Président Kaboré a pris un militaire au gouvernement, coup d’Etat ! La durée de Blaise Compaoré au pouvoir et le génie politique de cet homme nous ont fait oublier que c’est un militaire. Et après la première Transition, les soldats n’avaient qu’un seul programme : récupérer leur chose.
Notre grand malheur, les militaires ont joué de l’insécurité pour fragiliser le Président Kaboré. Voyez vous-mêmes ! On a une armée formidable. Et ce sont des VDP qui sont en première ligne. Ça ne vous dit rien ? L’idée même de VDP est incompréhensible. Pourtant ! Et ils ont repris leur chose le 24 janvier. Problème : ces militaires ont prétexté l’insécurité. Or, ils savaient bien qu’ils n’avaient ni la préparation, ni les moyens pour combattre les hordes de djihadistes. Ils ont promis ce qu’ils ne pouvaient pas faire. Et ils le savaient en promettant. Regardez sur le terrain ! Des VDP, des gendarmes, parfois des policiers. Où sont donc les soldats ? On me dira, les gendarmes sont des militaires. Posons donc la question autrement. Où sont passés les militaires normaux ?
Dans ces conditions, pourquoi ne pas décréter l’état d’urgence et la conscription ? Pour mobiliser tous les Burkinabè aptes au combat, il faut des structures. Il faut de l’encadrement. Il faut beaucoup de choses. Cela montrerait clairement aux yeux de tous que nos militaires sont nus. Comment ouvrir les casernes, et montrer à l’opinion que l’armée formidable, que les guerriers fantasmés, que tout cela n’existe pas ? Ce qui entraine une autre question. Une question dangereuse, celle-là. Où sont donc passées toutes les masses d’argent allouées à l’armée dans les différents budgets depuis 1960 ?
Et pendant qu’on tournait autour de ce grand mensonge, la situation du pays a empiré. Parce que nos amis djihadistes n’ont pas ce genre de problème. Ils sont venus pour casser. Et ils cassent.
On le voit bien, on ne peut pas jouer ce jeu politicien, pendant que le pays part à la dérive. Si on veut continuer les mensonges, si on veut continuer les combines et les entourloupes, on ne pourra pas s’en sortir. Il est temps d’arrêter maintenant ! L’armée est au pouvoir. C’est un fait. Nous devons obliger ces militaires à faire leur boulot. Pendant 62 ans, nous avons dépensé pour cette armée. Nous voulons un service rendu. Arrêtons les histoires de partis et mouvements politiques. Il faut que l’armée fasse son boulot. Tous nos efforts doivent désormais tendre vers ce but. Un but unique. Si nous manifestons, c’est pour réclamer que l’armée fasse son boulot. Manifester pour autre chose, c’est un égarement suicidaire.

Sayouba Traoré
Journaliste, Ecrivain