En Afrique, Moscou tente de capitaliser sur l’héritage esclavagiste et le profond ressentiment post-colonial envers les occidentaux pour discréditer ses adversaires.

L’impérialisme, le colonialisme et le racisme sont les principaux thèmes des campagnes d’influence anti-occidentales orchestrées par la Russie sur le réseau social Twitter en Afrique, selon une étude publiée le lundi 27 juin par Brookings Institution.

Le think tank américain qui a cartographié des campagnes d’influence attribuables à la Russie sur le continent africain, en analysant 2,5 millions de tweets liés à l’Ukraine et/ou à la Russie figurant sur les comptes d’utilisateurs de Twitter en Afrique entre le 14 février et le 9 juin 2022, a constaté que les récits russes les plus tweetés se sont concentrés dans un premier temps sur le racisme auquel auraient été confrontés les étudiants africains fuyant l’Ukraine. Durant les deux premières semaines de la guerre en Ukraine, plus de 178 000 tweets affirment que « les Ukrainiens et les Européens sont racistes ». Une partie de ces tweets accusent l’Union européenne (UE) d’avoir « donné l’ordre à l’Ukraine de ne pas laisser les étudiants africains s’échapper ».

Selon l’étude intitulé « Les narratifs de la Russie sur son invasion de l’Ukraine perdurent en Afrique » (Russia’s narratives about its invasion of Ukraine are lingering in Africa), les hashtags les plus utilisés dans ce chapitre sont « africans in ukraine » (Africains en Ukraine), « racist eu » (Union européenne raciste) et « black lives matter » (Les vies des Noirs comptent).

Après le 9 mars, une rhétorique anti-occidentale plus générale est apparue. La majorité des tweets qualifient l’Union européenne et les Etats-Unis d’« impérialistes » ou de « bandits économiques », tandis que d’autres mettent en avant le fait que le Russie n’a pas une histoire d’esclavage et de colonialisme contrairement aux pays occidentaux.

Le « whataboutism », technique la plus utilisée

Les tweets attribués aux Russes évoquent aussi la politique de « deux poids, deux mesures » de l’Occident qui mobilise des moyens conséquents pour soutenir l’Ukraine après avoir montré une grande indifférence à l’égard de plusieurs conflits en Afrique et au Moyen-Orient.

Les hashtags les plus utilisés lors de cette deuxième phase sont « i stand with putin » (Je me tiens aux côtés de Poutine), « i stand with russia » Je me tiens aux côtés de la Russie), « hypocrisy » (Hypocrisie) et « abolish nato » (Abolir l’Otan).

Le rapport estime par ailleurs que des « officines de désinformation russes » utilisent la technique du « whataboutism », un sophisme visant à dévier une critique par des références à d’autres griefs réels ou présumés. En commentant des tweets exprimant la solidarité avec l’Ukraine ou condamnant l’offensive russe, ces officines présumées évoquent souvent « la cécité de l’Occident face à des conflits en cours dans d’autres parties du monde, comme le Yémen ou la Syrie » ou détournent le débat sur des problèmes internes de certains pays africains présentés comme étant « plus graves que la guerre en Ukraine ».

Les messages les plus retweetés sont ceux de la chaîne d’Etat Russia Today (RT), de l’ambassade de Russie en Afrique du Sud et du ministère russe des Affaires étrangères.

« Les espaces d’information en Afrique et dans d’autres régions du Sud comme l’Inde et la Chine ont été fortement ciblés par les campagnes de désinformation et de propagande russes, ces derniers mois. Dans le cas de l’Afrique en ce moment, les objectifs de la Russie ne sont pas seulement de justifier son invasion de l’Ukraine, mais aussi d’inciter les pays africains à soutenir ses actions, surtout que Moscou est de plus en plus isolé », conclut l’étude.

Agence ECOFIN