L’auteur du texte ci-contre explore les contours de la réconciliation nationale à travers le triptyque Vérité, justice et réconciliation.

La réconciliation est comme une œuvre d’art à trois volets en relation d’harmonie, d’où le terme de triptyque de la réconciliation dont les trois étapes nécessaires sont la vérité, la justice et le pardon.
LA VÉRITÉ correspond au temps de l’aveu du coupable devant la victime ou ses représentants ; c’est le temps de la manifestation de la vérité dans un procès ou devant une commission ad hoc. Cette étape balise le terrain pour l’avènement des deux autres, quand le coupable a l’humilité de passer aux aveux. Dans tous les cas, le procès dans le cadre de la justice classique doit chercher à établir, par des preuves, si le prévenu est coupable ou non.
LA JUSTICE est l’étape du verdict qui est rendu par un juge ou un jury. En se basant sur les preuves présentées, celui-ci déclare le prévenu coupable ou, au contraire, l’acquitte ou encore le déclare non criminellement responsable. Si la culpabilité de l’accusé est établie, le juge décide quelle peine doit lui être appliquée. Après épuisement des recours en appel - quand il est possible en droit d’y recourir -, la peine est appliquée, si elle est confirmée. Il arrive, hélas ! que des prévenus soient arbitrairement ou injustement condamnés sans preuves ou sur la base de preuves fabriquées ou de faux témoignages.
LE PARDON est une étape nécessaire pour permettre aux victimes et aux coupables de dépasser sereinement les événements traumatisants qui les ont opposés ou de panser les blessures morales ou physiques causées. L’aveu du coupable rend relativement plus facile pour la victime d’accorder le pardon. Il est possible, dans certains cas, que le pardon devance l’aveu voire le suscite. Mais ce pardon ne doit jamais être compris comme une prime à l’impunité. Sans cette étape du pardon, on ne saurait parler, en rigueur de terme, de réconciliation. Le pardon, quand il est communautaire ou politique, peut prendre la forme d’une grâce présidentielle ou d’une loi d’amnistie.
Après la définition succincte des trois termes ou volets du triptyque de la réconciliation, voici les huit schémas qui permettent de caractériser toutes les possibilités logiques de leur combinaison et d’éviter de faire l’amalgame entre le schéma de la réconciliation et les sept autres schémas :
1. Vérité ___Justice______Pardon = RÉCONCILIATION
2. Vérité ___Justice______Sans pardon = VENGEANCE
3. Vérité _Sans justice_Sans pardon=HUMILIATION/FRUSTRATION
4. Sans vérité ___Sans justice____Pardon = COMPLAISANCE
5. Vérité ___Sans justice___Pardon = MISÉRICORDE/AMNISTIE
6. Sans vérité ___Justice___Pardon = REPÉRATIONS/COMPROMIS
7. Sans vérité ___Justice___Sans pardon = ARBITRAIRE
8. Sans vérité ___Sans justice___Sans pardon = IMPUNITÉ

Lequel ou lesquels de ces schémas le gouvernement de la transition politique au Burkina Faso a-t-il entrepris de mettre en œuvre ? Il est peut-être prématuré de répondre à cette question, mais on ne peut pas se dispenser de la poser, car les manœuvres auxquelles se livrent les autorités burkinabè ces jours-ci laissent plus d’un perplexe. C’est le moins qu’on puisse dire.

Jean Baptiste Sanou, Philosophe
Kaceto.net