Je vous mets ci-dessous l’amorce de mon prochain projet d’écriture. Une plume malhabile dans le monde des filles-mères. Un fléau social que nul ne veut voir. Ou alors, on considère que ce n’est pas grave. Roman ou recueil de nouvelles ? L’imagination et l’inspiration vont le décider. Peut-être serait-il judicieux de faire un recueil de nouvelles à plusieurs mains ? Les éventuels contributeurs sont attendus.

Je vous propose de publier ensemble un recueil de nouvelles. L’idée est double. Rompre le silence sur la triste question des filles-mères. Ensuite, faire émerger des jeunes talents Burkinabè. Les textes seront lus par un comité de lecture. S’il y a besoin d’amendement sur un texte, rien n’oblige à se presser. Les 20 textes retenus seront rassemblés, puis proposés à la publication auprès d’un éditeur francophone. L’idéal, ce serait un éditeur au Burkina Faso. Mais là, il y a un risque d’enclavement pouvant gêner la distribution et la promotion à l’international. J’attends vos réactions et suggestions.

"DES JEUNES FILLES AMERES"

Elle a l’âme en morceaux. Car c’est un esprit juvénile, faisant l’expérience de la malignité infinie des hommes. Ces mâles qui n’étaient qu’une chose entre les jambes. Hier seulement. Même pas avant-hier. Le souvenir est frais, de leurs tours et détours. Le regard irisé, ils lui trouvaient mille qualités. Y compris les plus invraisemblables. Et elle y avait cru.

Elle a l’esprit tourmenté. Toujours enfant. Pas encore femme. Ou alors, très peu. Juste le contenu d’une main. Des rondeurs qui s’affirment. Pendant que la tête croit pouvoir prendre son temps. La bouche parée de rires. La pensée encombrée des copines de jeux.

Elle a le corps frais. C’est ce qu’ils disaient tous. Chacun avec ses mots. Chacun avec ses trouvailles. Ils ont la partie facile. Elle n’avait pas encore appris. Le rire d’un homme, ça peut incendier les entrailles. Les gentillesses du mâle, gare ! Leurs génuflexions ne sont que ruse de lutteur. Leurs compliments ? Des coups de fouet pénétrant jusqu’aux os.

Et la voilà mortellement atteinte. Trompée, utilisée, délaissée. Et c’est encore sa faute. C’est ce que les matriarches ont décrété. Un jugement sans procès. On n’avait pas besoin de sa présence. Puisqu’elle n’avait rien à dire pour sa défense. On ne refuse pas de l’écouter. Elle ne mérite pas cette élégance assassine. On lui tourne simplement le dos.

Elle est une fille honnie. Qui s’est laissé prendre par les roucoulades des garçons. Engrossée dans un coin. Telle une truie de passage. Puis abandonnée, en déroulant des dénégations adroites. Nier, se défausser, fuir, elle ignorait qu’on pouvait le faire. Sans même dissimuler sa honte.

Elle est maintenant deux. Une fille-mère et un bâtard. Le mot est composé. Pour faire mal. Depuis la nuit des temps. Né hors mariage. Son adorable poupin qui dort paisiblement contre son sein, est un bâtard. Comme si on devait obtenir une permission pour naître.

Elle ne sait pas faire. L’œil du passant le voit bien. Elle ne sait pas si elle doit s’occuper d’elle-même, ou se préoccuper de son enfant. Tout, dans le même paquet. Et pas de tante expérimentée pour conseiller, et rire de ses maladresses. Deux êtres jetés au vent. Un pied hésitant. La main pas très sûre. Le regard apeuré, balayant les alentours.

Fille-mère. Une existence enlisée. Avant de commencer vraiment le voyage. On ne lui a pas dit. A quoi bon ? Puisque que tout est sa faute. Elle n’a pas fait ce qu’il fallait. Ou alors, pas dans le bon ordre. Ce qui est patent, elle a fait ce qu’il ne fallait pas. Même si chacun sait qu’on le fait à deux. Un vent innocent ne peut quand même pas féconder la fleur enfouie dans les replis de son ventre ! Mais, qui pour s’arrêter à ces bêtises ?

Elle l’a voulu, qu’elle assume ! Quelle se débrouille ! Le père ? Quoi le père ? Qui sait, avec ces jeunes filles sans cervelle ? Comment savoir dans quel recoin sordide elle a pu aller chercher ça ? »

Sayouba Traoré (sayoubatraore1955@gmail.com)
Journaliste, Ecrivain
Kaceto.net