Dans l’anthropologie de Nietzsche, tout être vivant veut avant tout déployer sa force. La vie même est « volonté de puissance » (à entendre comme « volonté vers la puissance » ou « aspiration à la puissance »). Nietzsche lui-même : « ce que veut l’homme, ce que veut la moindre parcelle d’un organisme vivant, c’est un accroissement de puissance… » (La Volonté de puissance, t.I, liv.II,§390).

Cette pulsion fondamentale de l’homme qui cherche l’accroissement de la puissance a deux facettes : la volonté de puissance peut être positive, c’est-à-dire créatrice, exaltant la vie, ou négative, c’est-à-dire animée par le ressentiment, la haine, la volonté de nuire ou de dégrader.

Le concept de « volonté de puissance » est pour Nietzche un instrument de description du monde, d’interprétation de phénomènes humains. Eh bien, à l’aune de ce concept nietzschéen, je me suis posé la question suivante : quelle volonté de puissance attribue-t-on au président français Emmanuel Macron et au président russe Vladimir Poutine dans la presse francophone en ligne ?

Pour répondre à l’approchant à cette question, j’ai analysé la sémantique du « vouloir macronien » (Typiquement : « Macron veut… » ou « le président français veut… ») et celle du « vouloir poutinien » (Typiquement : « Poutine veut… » ou « le président russe veut… » ou « le maître du Kremlin veut… ») telles qu’elles se donnent à voir dans les titres des actualités francophones en ligne de ces dix derniers mois (du 1er octobre 2021 au 31 juillet 2022). Pour aller au plus simple, j’ai regardé quels types de verbes sont préférentiellement arrimés au « vouloir macronien » (plus précisément au « vouloir attribué à Macron » dans les titres) versus ceux arrimés préférentiellement au « vouloir poutinien » (plus précisément au « vouloir attribué à Poutine » dans les titres).

La cartographie sémantique ci-jointe présente deux champs sémantiques bien distincts : le champ sémantique du « vouloir macronien » versus le champ sémantique du « vouloir poutinien » tels qu’ils s’expriment dans le corpus significatif et pertinent de titres analysés. Qu’observe-t-on ? Eh bien, nous voyons bien que les deux « vouloirs » n’activent pas les mêmes types de verbes.

Le « vouloir » attribué par la presse au président Macron active préférentiellement un « faire de transformation, changement, refondation » que dénotent des verbes tels : repenser, lancer, relancer, mettre en place, réformer, refonder, transformer, bâtir, tester, généraliser, développer, investir, supprimer, remplacer, modifier.
Vous l’avez sans doute remarqué, dans ce champ verbal associé au « vouloir macronien » il y a tout de même comme une cocasserie, un schème étrange : le verbe « emmerder » utilisé par… le président Macron lui-même. Le contexte : le 4 janvier 2022, lors d’un entretien accordé au Parisien, Emmanuel Macron clame : « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça la stratégie. » Souvenez-vous, ce propos-choc prononcé à l’approche des présidentielles françaises, alors que Macron lui-même gardait encore un faux suspens sur son éventuelle candidature à sa réélection, avait provoqué un chaos à l’Assemblée nationale française et entraîné une suspension de l’examen, en première lecture, du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal dans le cadre de la lutte anti-Covid.

Quant au « vouloir » attribué par la presse au président Vladimir Poutine, il est préférentiellement arrimé à un « faire de destruction, de contrôle et d’expansion » que révèlent des verbes tels : attaquer, détruire, dénazifier, envahir, mettre la main sur, reconstituer, libérer, renforcer, reprendre, rétablir, étendre, s’emparer, retrouver, contrôler, surveiller, empêcher, montrer.

Pour me résumer, Macron versus Poutine dans les titres des actualités francophones en ligne de ces dix derniers mois, c’est une « volonté de puissance arrimée à un faire de transformation, changement, refondation » versus une « volonté de puissance arrimée à un faire de destruction, contrôle et expansion ». Tout cela étant à contextualiser bien entendu. Quant à savoir laquelle de ces « volontés de puissance » est « positive » ou « négative », je vous laisse le soin de juger selon votre point d’observation.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics & Analyse sémantique.
Kaceto.net


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