"Oui, demander pardon ne consiste point à hasarder de perdre le consensus. C’est viser l’apaisement", écrit-elle l’auteur de la Tribune ci-contre, le philosophe Mamadou Djibo. Pour lui, la lettre de demande de pardon du président Blaise Compaoré "a le mérite de ne point s’attarder sur les mauvais sentiments des revanchismes agglutinés".

Le 2 novembre 2021, deux des anciens chefs d’Etat sur le sol national, les présidents Jean-Baptiste Ouédraogo et Michel Kafando, proposèrent dans une tribune aux Burkinabè une « dynamique qui doit pouvoir enseigner à toutes et à tous, les vertus : la repentance qui doit précéder la demande de pardon… ».
Cet Appel à l’Union sacrée n’a pas eu l’éclat de la fanfare comme disait Victor Hugo des livres d’Alexandre Dumas. Ma modeste plume avait appelé, cinq ans plutôt, au même sursaut contre la terreur djihadiste et les banditismes transnationaux. Pas plus que plus ancien, mon appel de mars 2014 ; une supplique au triumvirat Roch Salifou Simon à bien vouloir accepter la Paix des braves que Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire, Monsieur Alassane Ouattara leur conseillait. Avec le recul, l’on perçoit mieux que cette initiative ivoirienne fut pleine de sagesse. Enfin, le boycott de la rencontre des anciens présidents du Burkina initié par le Président Damiba restitue, hélas, la volonté mauvaise de certains chefs du Faso. Les malheurs du Burkina Faso viennent de loin, sédimentés par cette haine thésaurisée.
Certains révolutionnaires tardifs et supplétifs du déraisonnable attisaient tant que les « acteurs », les demandes de pardon ne feront pas florès et, paradoxe des paradoxes, en raison surtout de la floraison des libertés civiles sous le leadership du Président Compaoré.
L’ancien président du Faso, Monsieur Blaise Compaoré vient par un supplément d’âme, ce 26 juillet 2022, demander pardon au Peuple du Burkina. L’honneur de sa vie fut de le diriger avec responsabilité et dans la paix. Une lettre-de redevabilité politique- portée par sa propre fille avec la facilitation déférente du Président de la République de Côte d’Ivoire, Monsieur Alassane Ouattara. En mars 2014 et encore en ce jour-évènement du 26 juillet 2022, le Président Ouattara administre ainsi, la preuve de son amitié pour le Peuple frère du Burkina, sa disponibilité bienveillante à l’accompagner dans la voie difficile mais optimiste de construire la paix et la stabilité au profit du développement. Merci Excellence pour tant de sollicitude.
Oui, demander pardon ne consiste point à hasarder de perdre le consensus. C’est viser l’apaisement. Cette lettre pleine d’engagement patriotique est donc le juste réconciliateur des offensés oubliés et des offenseurs offensés. Elle a le mérite de ne point s’attarder sur les mauvais sentiments des revanchismes agglutinés. Réconciliateur au nom de la Nation en péril sécuritaire et selle un évènement. Sa force reconstructrice d’amour restaure la mémoire des droits revendiqués tous azimuts en les renvoyant au besoin plus prégnant de renouer avec le pardon et nous réinscrire ainsi dans le continuum des traces heureuses et dépasser les malheureuses du vivre ensemble burkindi. Avec invariance, c’est une synergie qui transcende la volonté mauvaise des Raspoutines devenus conjurés et putschistes en 2014. Accueillons-les tous au nom du Faso éprouvé par ses deux poumons desséchés : sécuritaire et humanitaire.
Saluons l’Ambassadeur Mousbila Sankara, l’oncle du fils intrépide du Faso, le Président Thomas Sankara. Ce sage a compris l’enjeu du pardon et surtout, la voie ancestrale, nôtre, qui accueille avec bienveillance toute demande de pardon au nom des solidarités traditionnelles. Inversement, ceux des Burkinabè qui ont lancé des arguments à brûle-pourpoint contre cette supplique tissée d’humilité, confondent le pardon et son antonyme impardon -hallucinatoire- ou l’adverbe pardonnablement. Il n’est pas raisonnable d’opposer à une demande de pardon, la force de ne pas pardonner. Assurément, car le patriote, le brave accueille l’avenir en commun et l’ouvre à la paix conviviale. Or pour ces révolutionnaires tardifs et certains africains, seule leur doxa importe. Condamner et jeter en prison. La présomption d’innocence, grand principe de droit n’est que de droit bourgeois. Ceux-là ne mènent pas un combat de justice mais plutôt une rixe idéologique afin que le mot pardon devienne tabou. Voilà une assignation idéologique et sociale qui se méprend sur l’enjeu de l’égalité des citoyens qui, quant à elle, épèle vivre, aider à vivre, compatissants pour ce Faso en déshérence. Au surplus, obsédés de vérité judiciaire, ils ont oublié que leur « coupable » désigné, fut attrait devant les Tribunaux burkinabè dans un procès équitable, mezza voce. Quant aux possibilités perdues d’améliorer les modalités de dépôt de la demande de pardon, je rappelle là encore que, le Médiateur bienveillant, Monsieur le Président ivoirien, n’est pas obligé.
La bienveillance demeure un geste pur d’amour qui témoigne de sa grandeur morale et, par inférence, de l’esthétique de ses formes (us et coutumes, républicain et le diplomatique, entrelacés). En l’espèce, nulle forme ne tient donc le fond en l’état. Voilà le fond de l’affaire. Les dogmatiques de l’offense ne pardonnent pas, je sais. Mais les braves dans nos valeurs ancestrales humanistes, lui donnent crédit. C’est le supplément d’âme, la belle âme des lucides. Les anciens savent ce que vaut la paix conviviale : la paix ouverte pour rassembler et agir. Blaise Compaoré demande que nous nous pardonnions et, unis, faisons le Serment de résister ! Cette demande-offre de pardon n’est jamais l’énoncé de dogmes pour contrarier les tenants de cette doxa.
Lorsque la justice comme équité selon John Rawls a été dite dans la bizarrerie des bizarreries, une amnistie cassée par le fait du Prince de Bilibambili, devant un Tribunal d’exception dans un pays de droit démocratique libéral, le sage reste perplexe non pas devant la complexité mais l’insolite judiciarisé. Mais enfin, comme le principe du contradictoire atteste de la légalité de la procédure judiciaire, il est sage, parfois, que les catégories subséquentes qui tombent sous le concept de l’autorité de la chose jugée, de l’exécution de la décision judiciaire, n’enclenchent pas mécaniquement droit de cité pour le châtiment. Non pas que cette exception, cette dérogation à la règle rompe l’égalité des citoyens devant la loi et se moque de l’exécution de la décision de justice. Précisément parce que les intérêts de la paix, de l’ordre public et de la cohésion nationale sont supérieurs au droit souverain du juge des libertés qui, d’ailleurs, vise leur venue. Il existe une ontologie des souverainetés qui contextualise l’agir. Et la demande de pardon vaut contrition et renoncement à la triviale arithmétique des Délits et des Peines (1764) de Cesare Beccaria.
Le pardon a d’office droit de cité chez nous africains en ceci qu’il parie sur le Bien commun : la sagesse remise en selle pour le vivre-ensemble. Cet acte de foi reproduit le Pardon de Dieu dont le propre demeure la ruine du châtiment. Avons-nous besoin de la médiation d’un Docteur de la Miséricorde pour humer l’air de la plénitude du pardon comme offrande à la paix conviviale, à soi et à la cité ? Je rappelle, enfin, que la vérité judiciaire n’est que le fruit logique du traité de l’évidence (preuve administrée). Il appert souventes fois, qu’elle est loin de la vérité extraite des vécus. Puisque le raisonnement logique ne vise jamais le réel. Pire, la vérité judiciaire se limite à exhiber l’opinion partisane argumentée pour séduire l’opinion publique comme force (différente de l’opinion vraie selon Platon) d’une partie au procès contraposée à celle de l’autre partie. Et rien n’indique, sous un autre focus, contradictoirement, qu’elle n’échoue pas à exhiber l’efficace et la crédibilité de sa construction réglée. Exhiber la muraille des rêves révolutionnaires tardifs ou inaboutis 2014 ou 2022, expose les tenants de cette doxa à la contrainte de sortir de l’enfermement idéologique pour embrasser la vie, ces énamourés de la vérité diagonale formelle plutôt qu’exiger l’amnistie totale et définitive comme les frères algériens avec la Loi no 99-08 de Concorde civile du 13 juillet 1999.
Puisque le Burkina joue son intégrité, le don du pardon épouse les attentes du temps long de Fernand Braudel lorsqu’on parle du devenir d’une nation tandis que son refus engraisse les avers du destin malveillant. Gardons-nous de jouer les briseurs de pardon. Le temps moyen pourrait punir ces adeptes du front du refus, les petits fils et filles du grand Jo Weder. Il ne savait pas traire le lait mais était doué pour renverser la calebasse nationale de lait. Et l’ensemble de ces briseurs de destin de paix durable puisque justice équitable a été servie sont nos frères. Ils n’appartiennent pas à eux-mêmes mais à la Patrie. La chose jugée mérite le pardon et avec la demande de justice, font couple d’exigence morale. Avançons pour accueillir et ensemencer des matins plus calmes plutôt que de rêvasser la chute du Président Damiba. Rassembler, de nouveau, les mêmes révolutionnaires tardifs pour espérer pendre la justice dite bourgeoise ? Que de tropisme ressassé pour le pire et dans ce temps de terrorisme abject ! Absurde.
Le Président Compaoré, ce bâtisseur du Burkina moderne, a été l’un des 4 Coordonnateurs du Faso dans une ambiance politique délétère, les bruissements, les gazouillis, l’incendie des machines de la presse libre … l’aigle rouge, l’épée de Damoclès... la peur de perdre sa vie, la diffamation « CDR-brouette ». Et le sauve-qui-peut. Des survivants ? Ne sont-ils pas de vrais miraculés ? Le Président Kaboré fut juge TPR qui confisqua les droits de la défense pendant que la Côte d’Ivoire, toujours hospitalière, donna l’asile au Président Kafando. Le Président Ouédraogo affirme devoir son souffle certes à Dieu mais via le samaritain Blaise Compaoré. Que de nœuds gordiens, de bris de carrières que seul tranche le pardon. Le pardon est une réalisation humaine éclatante disait Madiba. Soyons les sofas du Yafa Dali. Ne nous rendons pas coupables de l’usage d’un moyen inadapté pour légitimer l’institution judiciaire. Elle l’est déjà. Insurgés de nouveau pour saccager la paix et la sécurité du pays pour conforter la force destructrice ? L’euphorie fugace de 2014 a généré de la dysphorie générale. La liberté et démocratie disent le droit des gens. Pardonner assume l’intemporel de la bravoure des peuples, du droit des gens et de l’état de droit. Pardon burkindi au lyncheur de pardon !

Mamadou Djibo Baanè-Badikiranè
Philosophe