Sayouba Traoré rappelle dans l’analyse ci-contre que la guerre contre les groupes terroristes n’est pas seulement militaire ; elle est aussi et surtout une guerre de communication qu’il faut à tout prix gagner. D’où la prudence que les citoyens doivent observer dans le relai de certaines informations fabriquées par des officines à la solde des acteurs du mal. Pour ne pas être des idiots utiles !

Posons d’abord les fondamentaux ! Des groupes d’hommes nous attaquent. Ces combattants se fondent dans la population. Cela veut dire que, tant qu’ils n’ont pas fait feu, nos hommes ne peuvent pas déterminer qui est ami ou qui est ennemi.
Ce qui complique la donne, c’est que nous devons combattre des groupes disparates. Ces groupes armés connaissent leurs objectifs. Ils ont tout loisir pour déterminer leurs cibles. Comment ils coordonnent leurs actions ? Est-ce que ces groupes se partagent des territoires ? Cela fait partie des éléments de la stratégie militaire. Nos hommes ne peuvent donc pas communiquer là-dessus.
Une guerre, c’est aussi une bataille de l’opinion. Pour des groupes terroristes, l’affaire est simple. Il s’agit de semer le chaos, et de le faire savoir. L’important est de choquer. On fait peur. Pour dire qu’on existe. Pour dire qu’on est une force qui peut faire mal. Pour saper le moral des populations, et de nos hommes au combat.
Il faut le redire. Une guerre, c’est surtout une bataille de communication. Et nous, de notre côté ? Les phrases sont connues. "Tout ça, c’est la faute de l’insurrection". "Nous payons aujourd’hui l’incompétence et l’irresponsabilité du MPP". "Le MPSR, c’est une imposture". "Vous demandez à ce régime de réparer en 7 mois vos conneries de 7 années".
Disons-le tout net. Cette cacophonie fait l’affaire des groupes terroristes. CDP, MPP, ou MPSR, quelle que soit la direction politique, ce sont nos villages qui sont ravagés. Ce sont nos hommes qui meurent au combat. On voit tout de suite que c’est l’essentiel. Mais non ! Ce qui doit mobiliser les énergies, ce qui doit souder tout le monde dans une action commune, tout cela donne lieu à une bataille de supporters.
Comment expliquer que c’est une sublime connerie ? L’ennemi n’a plus besoin de nous diviser. Puisque nous le faisons déjà si bien. Et nous-mêmes. Nous ne gagnerons pas cette guerre en entretenant des rancœurs entre nous. On n’a pas besoin d’être un génie militaire pour le dire. Même dans une cour de récréation, les gamins savent quand lutter ensemble. Nous, non !
Le principal aujourd’hui, ça se joue sur internet. Sur ce média, qu’est-ce que nous avons ? Il y a des officines qui fabriquent des fausses nouvelles et qui les diffusent avec une joie sadique. Qui sont ces gens ? Quelles sont leurs visées ? Nous le savons pas avec précision.
On peut soupçonner le pouvoir militaire de se fabriquer des fausses victoires à mettre à son tableau de chasse. Ce qui serait une idiotie. On peut soupçonner des fractions et des factions qui veulent savonner la planche au MPSR. Inutile de dire que ce n’est vraiment pas le moment. On peut soupçonner des gens à la solde des groupes terroristes. Et là, c’est de bonne guerre, et il y a de quoi faire gaffe.
Dans ce climat où il convient de douter de tout et de tous, qu’est-ce que nous faisons ? Dès qu’il y a une publication, nous sommes engagés dans une course de vitesse pour "Partager". Donc, c’est en toute conscience que nous faisons le jeu de gens que nous ne connaissons pas ! Ces gens qui fabriquent des fake news sont-ils dans notre camp ? Nous ne le savons pas. Sont-ils des alliés de l’ennemi ? Nous le savons pas. Et par réflexe, nous faisons exactement ce qu’ils attendent de nous.
Il me faut prendre le temps pour expliquer mon propos. Des professionnels de l’information ont des connaissances et des moyens pour vérifier une information. Et même avec ça, des journalistes aguerris se font avoir. Parce que ce travail de vérification prend du temps. Cela coûte donc de l’argent et de l’énergie. Et nous avons un ennemi sans visage. On ne peut pas toujours esquiver une manipulation.
Un citoyen qui dispose d’une connexion internet est une cible facile. C’est comme au stand de tir. Il n’a aucun moyen de distinguer une information sourcée, et une vulgaire manipulation. Et il "partage" quand même. Ce qui donne plus de visibilité au groupe terroriste.
Nous avons dit au début qu’une guerre, ça comporte aussi une bataille de l’opinion. En "partageant" à outrance, on donne de l’épaisseur à ce fake news. Donc de la surface pour l’officine qui a généré cette fake news dans l’opinion. Un journaliste, tant qu’il n’a pas réuni des éléments probants, il ne publie pas. Un simple citoyen tombe dans le panneau.
En "partageant" tout ce qui parait sur les réseaux sociaux, vous pouvez faire le jeu de l’ennemi. C’est là où se trouve le piège. Car nous propageons la peur. Et l’objectif d’un groupe terroriste, c’est justement de répandre la terreur. Eux, ils sont tapis dans l’ombre, et ils surfent sur la peur. Et nous, nous entretenons la psychose. Nous leur offrons ce qu’ils veulent. Ebranler nos consciences, c’est leur objectif premier. Et si en plus, il y a la discorde entre nous, c’est magnifique pour eux.

Sayouba Traoré, Journaliste, Ecrivain