Le Burkina a commémoré en différé le 18 novembre dernier à Dori, la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté et lancé le même jour, le Programme d’appui au développement des économies locales (Padel). Zoom sur une piste expérimentale de développement

Réduire considérablement la pauvreté, à défaut de l’éradiquer complètement, en menant le combat à partir de la périphérie vers le centre, telle semble être la stratégie adoptée par le gouvernement en lançant le 18 novembre dernier à Dori, le Programme d’appui au développement des économies locales (Padel). Piloté par la direction générale du développement territorial, une structure du ministère de l’Economie, des finances et du développement, le Padel s’inspire du Plan national de développement économique et social (PNDES), le nouveau référentiel de développement adopté en juillet dernier. Au plan international, le Padel se fonde sur les objectifs du développement durable (ODD) : élimination de la pauvreté sous toutes ses formes, accès à une éducation de qualité, accès à l’énergie durable, abordable et moderne, promotion d’une croissance économique créatrice d’emplois et de travail décents pour tous, en enfin, promotion d’infrastructures résilientes, industrialisation et innovation.

Dans notre pays, la pauvreté a un visage essentiellement rural. Certes, selon les chiffres publiés en avril dernier par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), la pauvreté a reculé de 7% entre 2009 et 2014 et la proportion de Burkinabè confrontés au seuil de pauvreté est passée de 47% à 40,1%. Mais le taux demeure extrêmement élevé. Autrement dit, 40,1% des 19 millions de Burkinabè, c’est-à-dire plus de 7 millions de nos compatriotes ne parviennent pas à accumuler 154 061 FCFA par an !
L’enquête de l’INSD montre que les régions les plus affectées par la pauvreté sont le Nord (70,4%), la Boucle du Mouhoun (59,7%) et le Centre-ouest (51,7%), et frappe particulièrement les zones rurales (92%). Lutter efficacement contre la pauvreté passe donc par la dynamisation des structures locales de production et un soutien adapté aux acteurs qui font vivre les économies locales.
Dans le discours du président lu par la ministre de l’Economie, des finances et du développement, Rosine Coulibaly a indiqué que l’objectif principal du Programme, qui s’inscrit dans le troisième objectif stratégique de l’axe1 du PNDES, était de « booster le développement local » et créer les conditions de l’émergence d’économies locales dynamiques et compétitives. La pauvreté et les inégalités sociales « ne sont ni une fatalité, ni insurmontables », se convainc la ministre, avant d’énumérer les principes qui font du Padel, un outil spécifique de développement.
Il s’agit d’abord de la célérité dans les interventions et de l’orientation axée sur les résultats qui impliquent d’aller vite ; ensuite, la responsabilisation des collectivités territoriales et le principe de la subsidiarité qui veut que les décisions soient prises par les acteurs locaux, l’Etat n’intervenant qu’en cas de défaillance de ces derniers ; la cohérence dans les interventions sectorielles afin d’éviter les duplications, et enfin, la participation des populations vulnérables dans la mise en œuvre du Programme.
Selon la ministre Coulibaly, le Padel est bâti autour d’un Kit de développement local intégré (Kit Deli) et repose sur le postulat selon lequel, le développement n’est possible que si les contraintes sont levées simultanément. Modulable, le Kit Deli commande « de calibrer pour chaque domaine de développement local, le niveau minimum d’équipements et de ressources nécessaires pour permettre aux populations de faire éclore leurs talents ».
La région du Sahel, où les « conditions de vie des populations sont mises à rude épreuve par les effets néfastes des changements climatiques » selon les mots du maire, Aziz Diallo, a été choisie pour le lancement de ce Programme qui se décline en trois sous-programmes : transfert monétaire et inclusion des ménages vulnérables dans les filières porteuses ; l’accès aux services énergétiques modernes et aux infrastructures socioéconomiques de base, et enfin développement des filières économiques porteuses.

Le premier vise à améliorer l’accès équitable aux services sociaux de base de certains ménages éligibles au Programme. Ils bénéficieront de transferts monétaires, de matériel d’éclairage, de formation en nutrition, santé maternelle et infantile et de matériel d’éclairage. 18 000 lampes solaires seront distribuées aux élèves et les premiers Kit ont été symboliquement par le président Kaboré.
D’après la représentante résidente du PNUD au Burkina, Metsi Makhetha, les transferts d’argent au Mexique, en Zambie et au Nicaragua ont permis aux ménages pauvres de créer de microentreprises et d’amorcer leur inclusion socio-économique.
Quant au deuxième sous-programme, l’objectif est de doter les collectivités locales de services énergétiques modernes, le renforcement du réseau routier et la mise en commun des infrastructures marchandes dans les communes.
S’agissant du troisième sous-programme, les populations bénéficieront d’un soutien dans la création de micro et petites entreprises. Le gouvernement entend les aider à se moderniser afin d’améliorer leur compétitivité en leur offrant des formations à la gestion d’entreprise et en facilitant l’accès au crédit.
Combien va coûter la mise en œuvre du Padel ? Où trouver les moyens de le financer et d’assurer son succès ? Sur le coût, les informations rendues publiques sont pour le moins contradictoires. Dans le discours qu’elle a prononcé, la ministre de l’Economie a avancé le chiffre de 309 milliards de F CFA, mais curieusement, dans la version papier qui a été communiquée aux journalistes, le coût s’élève à 339 milliards de F CFA, et à 338 milliards sur le dépliant distribué dans la salle. Lequel des chiffres faut-il retenir ?
Quant aux sources de financement, elles proviennent à 55% des partenaires techniques et financiers, 40% de l’Etat et 5% des collectivités territoriales.

Joachim Vokouma
Kaceto.net