Les faits Selon une enquête journalistique relayée dimanche 5 mars par une télévision polonaise, le cardinal Karol Wojtyla était au courant d’affaires de pédocriminalité dans l’Église polonaise avant qu’il ne soit élu pape en 1978. S’il existait des soupçons à ce propos, des preuves les étayent désormais.

Le cardinal Karol Wojtyla était au courant d’affaires de pédocriminalité dans l’Église polonaise avant qu’il ne devienne le pape Jean-Paul II en 1978, selon une enquête journalistique présentée dimanche, témoignages à l’appui, par la télévision privée polonaise TVN.

Alors qu’il était cardinal et archevêque de Cracovie, dans le sud du pays, de 1964 à 1978, Karol Wojtyla était au courant de cas de violences sexuelles commises par des prêtres de son diocèse sur des mineurs, qu’il transférait d’une paroisse à l’autre pour éviter le scandale, selon l’auteur de l’enquête Michal Gutowski.

Un des prêtres incriminés a été envoyé par le futur pape en Autriche. Le cardinal Wojtyla a, dans ce cas, écrit une lettre de recommandation au cardinal de Vienne de l’époque, Franz König, sans l’informer des accusations pesant contre le prêtre.

Dans le cadre de l’enquête, Michal Gutowski a rencontré des victimes de prêtres pédophiles, leurs proches, ainsi que d’anciens employés du diocèse. Il cite aussi des documents de l’ancienne police secrète communiste SB, mais aussi de rares documents de l’Église auxquels il a pu accéder.

Le diocèse de Cracovie lui a refusé l’accès à ses archives, selon le journaliste. Il est déjà arrivé que l’Église polonaise refuse de fournir des documents, même à la justice ou à une commission publique d’enquête sur les cas de pédophilie.

Une preuve

Jusqu’à présent, beaucoup mettaient le silence de Wojtyla sur ces affaires sur le compte du contexte de l’époque en Pologne : son expérience sous le joug des nazis puis des communistes qui, pareillement, n’hésitaient pas à répandre de fausses accusations d’abus sexuels pour piéger des prêtres et réduire l’influence de l’Église catholique, ennemie de ces régimes, aurait sous-tendu son attitude de défense à l’égard du clergé et son aveuglement.

Souhaitant garder l’anonymat, un témoin interrogé par Michal Gutowski a confirmé avoir personnellement rapporté au cardinal Wojtyla les agressions sexuelles d’un prêtre en 1973. « Wojtyla voulait d’abord s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un bluff. Il a demandé de ne le rapporter nulle part, il a dit qu’il s’en occuperait », a déclaré cet homme, ajoutant que le cardinal lui avait explicitement demandé si l’affaire pouvait rester étouffée.

« Ce que vous avez découvert est révolutionnaire car cela montre ce que beaucoup de gens soupçonnaient depuis des années, que Jean-Paul II savait que ce problème existait avant même qu’il ne devienne pape », a déclaré dans le reportage Thomas Doyle, ancien prêtre catholique américain, auteur d’un des premiers rapports sur les abus du clergé catholique aux États-Unis. « Il devait savoir mais il n’y avait pas de preuves. Et là, on a une preuve », a-t-il relevé.

En 1985, Thomas Doyle, alors dominicain, spécialiste de droit canonique pour la nonciature, avait adressé un rapport de près de 100 pages rédigé avec un autre prêtre et un avocat. Selon lui, le pape Jean-Paul II, mis au courant, avait envoyé sur place un évêque régler les choses, sans publicité, pensant qu’elles se résoudraient en interne.
Un livre comportant de semblables accusations contre Karol Wojtyla doit paraître mercredi 8 mars en Pologne. Résultat d’une enquête du journaliste néerlandais Ekke Overbeek, il est intitulé Maxima Culpa. Jean-Paul II savait.

Plusieurs affaires de pédocriminalité au sein du clergé, révélées principalement par les médias, ont secoué l’Église polonaise ces dernières années. Plusieurs hauts responsables polonais ont été sanctionnés par le Vatican.

La Croix