Le président turc, au pouvoir depuis vingt ans, est sorti vainqueur dimanche du second tour de l’élection présidentielle. Recep Tayyip Erdogan, qui a surfé sur la vague nationaliste, l’a emporté malgré l’union inédite de ses opposants
Il n’y a pas eu de miracle pour l’opposition turque. Kemal Kiliçdaroglu, le premier candidat à avoir uni derrière lui les anti-Erdogan et forcé le président turc à disputer un second tour, s’est finalement incliné dimanche, enterrant les espoirs de dizaines de millions de Turcs – du moins pour les cinq prochaines années.
Déclaré vainqueur par la commission électorale, Recep Tayyip Erdogan, qui récolte 52% des voix selon des résultats partiels publiés dans la soirée, entame un nouveau mandat et une troisième décennie au pouvoir. Kemal Kiliçdaroglu, quant à lui, améliore d’environ trois points son score du premier tour et termine la course à 48%, selon les mêmes résultats partiels.
Les voix des nationalistes
La tâche s’annonçait difficile. Pour crier victoire, Recep Tayyip Erdogan n’avait besoin de rallier que 264 000 électeurs supplémentaires dans l’entre-deux-tours, soit dix fois moins que son rival. Le chef de l’Etat est en partie allé chercher des voix chez les Turcs qui avaient voté au premier tour pour Sinan Ogan, un ultranationaliste arrivé troisième le 14 mai avec 5,2 %.
Le président sortant n’a pas eu à beaucoup se fatiguer : il fait campagne depuis des mois sur les thèmes nationalistes, son Parti de la justice et du développement (AKP) est allié au plus grand parti nationaliste turc (MHP), et Sinan Ogan avait appelé ses électeurs à reporter leur vote vers Recep Tayyip Erdogan. Après avoir confirmé sa majorité absolue au Parlement lors des législatives qui se tenaient le 14 mai, il a plaidé dans l’entre-deux-tours pour la « stabilité » et appelé les électeurs à écarter la perspective d’une cohabitation entre l’exécutif et le législatif.
Kemal Kiliçdaroglu a tenté l’impossible
Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu a tenté l’impossible : séduire une large part de ces mêmes nationalistes turcs sans perdre – ou malgré – le soutien des électeurs du parti prokurde HDP (Parti démocratique des peuples), qui avaient massivement voté pour lui au premier tour de l’élection. Pour courtiser les nationalistes, l’opposant a revu sa stratégie de fond en comble, et passé les quinze derniers jours à s’en prendre aux trois millions et demi de Syriens réfugiés dans le pays. Les qualifiant de « machines à crime » et de « menaces » pour les femmes turques, il a promis de les expulser « en un an maximum ». En échange de cette promesse, et d’autres concessions au camp nationaliste, il a obtenu le soutien du Parti de la victoire, une formation anti-réfugiés. Ce ralliement de dernière minute n’aura pas été suffisant.
A court de réserves de voix, l’opposition misait aussi sur une forte mobilisation des abstentionnistes du 14 mai, pensant qu’une partie de ses soutiens – sûrs d’une victoire au premier tour – n’avaient pas fait l’effort de se déplacer jusqu’au bureau de vote. Mais le raz-de-marée espéré au second tour n’a finalement pas eu lieu. Le taux de participation dimanche a atteint 85,6%, en baisse par rapport aux 87 % du premier tour.
Vingt années de règne ininterrompu
En octobre prochain, c’est donc encore et toujours dirigée par Recep Tayyip Erdogan que la Turquie fêtera le centenaire de sa République, fondée en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk. En déjà vingt années de règne ininterrompu – un record – l’actuel président turc a profondément changé son pays et son image sur la scène internationale.
L’instauration d’un régime hyperprésidentiel s’est faite au prix d’une disparition de la séparation des pouvoirs, des droits et des libertés à l’intérieur du pays. A l’extérieur, la Turquie est devenue un acteur régional incontournable, capable de provoquer des crises et d’en résoudre d’autres. Les Occidentaux devront donc continuer de compter avec ce partenaire imprévisible et sur cet homme, Recep Tayyip Erdogan, qui laisse entendre que ce nouveau mandat sera son dernier.
Le Temps
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