Un juge de la Cour suprême a ordonné, vendredi 30 août, la suspension sous 24 heures du réseau social du milliardaire américain Elon Musk.

Engagée dans un bras de fer avec Elon Musk, la Cour suprême brésilienne a mis à exécution ses menaces de suspendre le réseau social X, propriété du milliardaire américain, ce samedi 31 août. Dès l’aube, l’accès à l’ancien Twitter, qui compte 22 millions d’utilisateurs dans le pays, a commencé à être bloqué, certains rencontrant un message d’erreur leur demandant de rafraîchir leur navigateur lorsqu’ils entrent sur le portail, sans jamais réussir à se connecter. Selon la presse locale, la coupure de X a commencé chez certains fournisseurs d’accès à Internet et devrait être complètement réalisée dans la journée.

À la suite d’infractions judiciaires de la part de la plateforme, Alexandre de Moraes, juge du Tribunal fédéral suprême, avait en effet ordonné vendredi sa suspension dans les 24 heures, si celle-ci ne nommait pas un représentant légal dans le pays. Après le rejet par le réseau social de l’ultimatum, le juge a décidé la "suspension immédiate, complète et intégrale du fonctionnement de ’X Brasil Internet LTDA’", et ordonné à l’Agence nationale des télécommunications (Anatel) d’"adopter toutes les mesures nécessaires" pour qu’elle entre en vigueur dans la journée. Peu après, l’Anatel avait indiqué "mettre en œuvre" cette décision.

Le juge a également demandé aux géants de la tech Google et Apple, ainsi qu’aux fournisseurs d’accès Internet, d’"introduire des obstacles technologiques capables d’empêcher l’utilisation" de X.

"Pour qui se prend-il ?"

Il s’agit d’"une escalade spectaculaire dans un conflit de plusieurs mois avec le propriétaire de la plateforme Elon Musk sur les limites de la liberté d’expression", analyse le quotidien américain Washington Post. Cette joute entre Alexandre de Moraes, figure de la lutte contre la désinformation au Brésil, et le milliardaire américain intervient, en effet, un peu plus d’un mois avant des élections municipales qui permettront de mesurer le rapport de force entre le camp du président de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, et la droite, qui fait volontiers d’Elon Musk son champion. Le juge Moraes a dénoncé la "tentative" de X d’échapper à "l’ordre juridique et au pouvoir judiciaire brésiliens, pour instaurer un climat de totale impunité et d’anarchie sur les réseaux sociaux brésiliens, notamment durant les élections municipales de 2024".
Selon Alexandre de Moraes, il existe un danger imminent d’instrumentalisation de X par "des groupes extrémistes et des milices numériques sur les réseaux sociaux, avec la diffusion massive de discours nazis, racistes, fascistes, haineux, antidémocratiques", rapporte le média brésilien O Globo.

Elon Musk a quant à lui fustigé la décision de la Cour suprême. "La liberté d’expression est le fondement de la démocratie et, au Brésil, un pseudo-juge non élu est en train de la détruire à cause de motivations politiques", a-t-il tonné. "Pour qui se prend-il ?", a réagi le président Lula, en évoquant le milliardaire américain. "Tout citoyen de n’importe quelle partie du monde qui a des investissements au Brésil est soumis à la Constitution et aux lois brésiliennes", a-t-il dit.

Autres enquêtes sur Musk

La suspension doit rester en vigueur jusqu’à ce que la plateforme obtempère, paie les amendes qui lui ont été infligées et nomme un représentant légal. Le juge Moraes a aussi bloqué récemment les comptes de Starlink, fournisseur d’accès à Internet par satellite dont Elon Musk est propriétaire, pour récupérer le montant d’amendes non payées par X. Quiconque tenterait de contourner le blocage du réseau social par "des subterfuges technologiques", en utilisant par exemple un réseau privé virtuel (VPN), s’expose désormais au Brésil à une amende de 50 000 reais (environ 8 000 euros) par jour.
Le 17 août, Elon Musk avait annoncé la fermeture des bureaux de X au Brésil en invoquant les actions du juge Moraes, tout en y maintenant le service disponible. Le haut magistrat a ouvert en avril une enquête sur le milliardaire, l’accusant d’avoir réactivé des comptes suspendus sur décision de la justice brésilienne. X avait admis que des utilisateurs avaient réussi à contourner les restrictions. Le juge a ordonné ces dernières années le blocage des comptes de figures influentes des mouvements ultra-conservateurs brésiliens pour avoir disséminé des "fake news".

Et ce, en particulier depuis les tentatives de partisans de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022) de discréditer le système de vote électronique lors de l’élection remportée par Lula en 2022. Elon Musk fait également l’objet au Brésil d’une enquête dans l’affaire des "milices numériques", soupçonnées d’avoir utilisé de l’argent public pour orchestrer des campagnes de désinformation en faveur de Jair Bolsonaro et de ses proches.

L’express