Directeur des programmes de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Orcade, également expert sur les questions minières, Jonas Hien, rappelle dans le texte ci-contre le passé douloureux de l’Africain depuis la période esclavagiste jusqu’à l’étape contemporaine en passant par la colonisation. Il pointe du doigt les complicités africaines qui ont permis à l’Occident de mettre le continent noir sous coupe réglée avec une mainmise sur ses ressources et un contrôle de ses leaders. Un passé qui, manifestement ne passe toujours pas et qui explique en partie les souffrances qu’endurent les Africains.

Mon père n’a pas été à l’école du Blanc. Quand on était petit, il nous racontait l’histoire sur la colonisation et ce que son père, donc le grand-père, lui racontait aussi sur le Blanc. Il termina toujours par « Le Blanc n’est pas bon ». Il raconta la cruauté de la colonisation ; ce qu’il a vu lui-même à Bobo-Dioulasso alors qu’il y était pour rendre visite à son petit frère qui fut dans l’armée coloniale : la violence et barbarie du Blanc. Il termina toujours par « Le Blanc n’est pas bon ». Il insista sur le fait que la grande lutte que mène le Blanc est de maintenir toujours le Noir dans l’esclavage. Il ajouta que le Blanc est ingrat et ne sait pas mesurer à juste titre ce que le Noir endure pour assurer son épanouissement au pays du Blanc. Il évoqua la force faite aux Africains pour participer à la deuxième guerre mondiale où ils sont morts en grand nombre pour sauver le Blanc. En retour, il dit ne pas comprendre la méchanceté du Blanc vis-à-vis du Noir ! « Le Blanc n’est pas bon. »
Quand est venu le moment d’envoyer les enfants à l’école du Blanc, je me disais que mon père n’allait pas accepter que ses enfants aillent à cette école. Mais il fut influencé par un oncle, ancien militaire de l’armée française. Cet oncle connaissait par cœur les noms des officiers français coloniaux, à commencer par le Général De Gaulle de qui il parlait à profusion. Il connaissait aussi par cœur les noms des Chefs d’Etats africains juste après les indépendances, couramment appelés « Pères-fondateurs » des pays colonisés. Lui aussi n’appréciait pas bien le Blanc mais il n’était pas opposé non plus à son école.
Plus tard à l’école, on nous a appris beaucoup de choses des pays des Blancs mais très peu de choses de chez nous en Afrique et de nos pays respectifs. Dès le début, il fallait privilégier la langue du Blanc à l’école au risque d’être porteur de ‘’’symbole’’ au coup, de préférence un crane d’animal, ce signe qui criminalisait l’usage de sa propre langue maternelle à l’école. On nous a appris que notre pays est pauvre et que nous aussi sommes pauvres. La référence était le Blanc, riche et sauveur des Africains.
Ainsi, au fur et à mesure qu’on avançait à l’école, on nous apprend à mettre dans la tête que c’est le Blanc qui a les meilleures idées, la meilleure façon de penser. Alors, dans une production, il faut citer à profusion des auteurs et penseurs Blancs nés en 1500, morts en 1570 ou nés vers 1700 et morts dans les années 1800, en précisant avant ou après Jésus-Christ ! Il faut mettre tout ça entre parenthèses. Là, on dit que vous être très cultivé, que vous êtes brillant, que vous êtes intelligent et que vous êtes admis ! Sinon, vous courez le risque d’être renvoyé, de redoubler ou d’être ajourné parce que vous n’avez pas une maîtrise des pensées du Blanc à travers ses romans ou ses œuvres tout court. Les œuvres des Noirs comme les Camara Laye, Patrick Ilboudo, Biton Coulibaly, Nazi Boni, Amadou Hampâté BA, Ignace Hien, Aminata Sow Fall, Jacques Prospère Bazié, Joseph Ki Zerbo, etc., ça ne suffit pas. Il faut mettre l’accent sur les œuvres du Blanc. Et jusqu’à nos jours ça continue dans nos écoles et universités. Le formatage de l’école du Blanc est très ancré malgré les intellectuels de haut vol que nous avons en Afrique et au Burkina Faso.
Avec le temps, j’ai compris que le Blanc dont parlait mon père, c’est la France que l’Afrique a eu le malheur de rencontrer sur son chemin de l’histoire. Mais à l’époque, un Blanc est un Blanc. Si le père devait dire les choses de façon ‘’scientifique’’, c’était pour dire que la politique française en Afrique n’est pas bonne. C’est ça qu’il traduisait par ‘’Le Blanc n’est pas bon’’. On peut lui emprunter cette expression dans la compréhension que la politique française en Afrique n’est pas bonne.
Et en effet, le Blanc n’est pas bon. Passons sur la cruauté de plusieurs siècles d’esclavage, le crime de la colonisation, le vol et le pillage des économies et des ressources naturelles extractives de la période dite des indépendances pour nous arrêter à ce que nous vivons de nos jours : le terrorisme. Il n’y a plus de secret. Il est établi que le terrorisme a été pensé, déclenché, soutenu et encadré par le Blanc. Et pour le cas du Sahel, disons-le tout net, par la France. Le gouvernement du Mali cherche vainement un cadre auprès de l’Organisation des Nations unies pour en fournir les preuves. Personne ne veut qu’il parle. Il va jeter une bombe sur la France. Ça va mettre toute l’Europe mal à l’aise, ça risque de révéler des choses similaires en Occident !
Au Burkina Faso aussi, ce n’était plus un secret. Les soldats qui revenaient du Mali dans le cadre de la MINUSMA, en parlaient. Les militaires qui combattent sur place au pays ont des éléments que les terroristes ont un lien fort avec la France. Le milieu militaire savait donc le rôle trouble que la France joue dans les attaques terroristes dans le Sahel. Au Niger, rien non plus n’était à cacher. Il est évident que les Chefs d’Etat des trois pays déchus par les Coups d’Etats militaires avaient tous ces éléments de par le renseignement. Seulement, ils n’étaient pas dans une position de faire autrement.
La raison du terrorisme est aussi connue : retour à l’esclavage et à la colonisation pour occuper à nouveau le terrain, éviter l’influence de la Russie et de la Chine en Afrique et renforcer le pillage des ressources africaines. Il faut donc revenir en force, brutalement comme avant, faire peur aux africains, leur imposer la terreur, occuper le terrain et piller. Les propos dans les réseaux sociaux de personnalités en France l’affirment clairement : il n’est pas question de partir de l’Afrique et laisser la Russie et la Chine prendre le terrain ! Il faut y rester, même s’il faut mettre à contribution l’armée de toute l’Europe, dans dix ou vingt ans, pour recoloniser l’Afrique de force !
Les enjeux sont devenus énormes. La géopolitique est là. Mais la France n’a pas compté avec les nouvelles générations africaines. Elle sait que l’Afrique compte beaucoup de traitres prêts à vendre leurs pays. Elle n’imagine même pas que les Africains soient capables de se révolter contre elle et de surcroit chasser l’Armée française de son territoire. Elle était toujours persuadée que ‘’ces gens’’ seront esclaves à vie. Et avec le terrorisme, le retour est assuré.
Ces millions de morts, forces combattantes et populations civiles, ces millions de veuves, d’orphelins, d’handicapés de guerres, au Sahel, sont du fait du Blanc, notamment français et alliés qui, par l’autre porte, revient en assistant humanitaire. Comment peut-on avoir un cœur pareil : recruter, former, armer, tuer au nom de la domination ; faire la force pour exister. Vraiment, « Le Blanc n’est pas bon ». Mais, la stratégie de retour a été auparavant bien peaufinée en mettant à profit des institutions internationales dites d’aide au développement. Prenons le cas du Burkina Faso. Il fallait commencer par tuer toutes les industries et unités économiques pour mettre l’économie du pays à terre, rendre le pays fragile par un accroissement continu du taux de chômage pour le rendre dépendant à vie et piller à souhait.
Ce n’est pas tout. Ils avaient détruit l’armée nationale avec impossibilité de s’équiper en armement de pointe. Il fallait nous empêcher d’être au même niveau qu’eux, créer des problèmes pour faire appel à eux et montrer qu’ils sont importants. L’Armée et les corps paramilitaires étaient inondés de soi-disant conseillers ou experts, parfois sans expertises, juste pour être là pour faire de l’espionnage, contrôler tout et préparer le retour à l’esclavage.
Les grands projets financés par eux sont exécutés par leurs entreprises. Ils avaient un œil particulier sur les marchés des travaux de câblage en rapport avec la sécurité de notre pays. Ils tenaient à ces marchés, pour placer des ‘’trucs’’ d’espionnage de sorte que tous nos éléments du renseignement tombent dans leurs serveurs. Rien ne devait les échapper. Même dans des dons de certains équipements, rien ne disait que ce n’était pas tracé, pour tout suivre (engins militaires, ordinateurs, etc.) Dans les grands projets financés et gérer dans les structures de l’Etat, ils sont là aussi en tant qu’Experts, conseillers et autres titres ronflants donnant lieu à des indemnités de soleil, de poussière, mais en réalité avec un rôle d’espionnage.
Ce n’est pas fini. Les grandes entreprises commerciales ne devaient pas payer les impôts chez nous mais en France. Il fallait passer obligatoirement par la France pour vendre et acheter ce qu’on veut et même pour parler à d’autres pays occidentaux. Laissons tomber le crime organisé du franc CFA. C’est connu. Avec tous les pillages en Afrique qui ont donné à la France une place qu’elle ne mérite pas au plan international, elle prélève des miettes pour nous ‘’aider’’. De vieux matériels passés en peinture pour nos armées et les forces paramilitaires ; des bourses d’études dans le but de constituer des répertoires de placements à utiliser en cas de besoin. Que dire de la fameuse démocratie selon son modèle si l’on veut avoir son ‘’aide’’. La France est le porte-parole des pays dits francophones auprès de l’ONU sans être mandatée par aucun de ces pays. Du banditisme à la limite !
En somme, on se rend compte aujourd’hui que la France s’est bien moquée de nous pendant des siècles. Elle s’est vraiment foutue de nous ! Les Africains en ont souffert. Et voyant venir l’imminence d’un nouvel ordre mondial avec les influences russe et chinoise, il fallait recréer le chaos, se rendre importante pour que les Africains fassent appel à son ‘’aide’’ pour ainsi trouver l’occasion d’asseoir à nouveau l’esclavage. Plus de dix années passées au Mali avec les armées les plus puissantes au monde, dit-on, à entretenir les terroristes. Vraiment, « Le Blanc n’est pas bon ».
Le Mali a eu des difficultés à faire partir la France de son territoire amenant le Président français, Emmanuel MACRON, a déclaré que « Le Mali n’appartient pas à la Russie. Le Mali appartient à la France ». Sic. Ah ! oui ! Au Niger, c’est la même difficulté à les faire partir. Au Burkina Faso, ils n’ont pas eu la même attitude. Entre deux fous, il y a toujours un qui est le plus fou. Ici, il y a des enfants qui ont surgi de on ne sait où et qui ne sont pas venus pour s’amuser avec la France. La France a très vite compris car ‘’l’enfant là’’ répond du tic au tac. On ne le piétine pas impunément et il est foncièrement contre l’esclavage. Ils sont donc partis dans le délai exigé sans broncher mais dans la colère. Ils ne sont donc pas partis.
Le serpent est mort mais la tête n’est pas coupée. Il faut donc de la vigilance. « Le Blanc n’est pas bon ». Mais on peut en dire autant pour le Noir. Le Noir aussi n’est pas bon. L’esclavage a prospéré et demeure du fait du Noir. Des héros africains ont été assassinés par le Noir sur ordre du Blanc. Dire donc que le Blanc n’est pas bon est une façon de parler car il y a des Blancs grands défenseurs de l’Afrique et des Africains aussi bien dans les peuples que chez les dirigeants. Sans certains Blancs, l’Afrique serait encore dans l’esclavage le plus cruel.
L’ennemi de premier plan de l’Afrique c’est donc l’Africain. Le Burkina Faso est actuellement dans une dynamique de se reconstruire, de recouvrer sa dignité, de redonner la fierté de notre Armée par une force de frappe. Les industries et unités économiques, savamment détruites par le programme d’ajustement structurelle (PAS), qui n’a rien ajuster du tout, sont en train de se reconstruire. Il faut rendre hommage aux syndicats burkinabè qui avaient combattu avec force le PAS décrivant les conséquences que nous vivons aujourd’hui. L’histoire leur a donné raison.
Les machinations ont déjà commencé pour chercher à freiner l’élan de souveraineté totale. Et c’est le Noir qui est utilisé, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ce sont des Burkinabè qui sont utilisés, dans tous les milieux, dans tous les corps socioprofessionnels. C’est triste ! Détruire son propre pays, être complice pour faire tuer ses propres compatriotes parce qu’on n’aime pas un individu au pouvoir ou pour de l’argent, ou pour le retour au pouvoir. Cela relève de la malédiction. Je n’avais jamais aimé la politique du CDP sous le Président Blaise Compaoré. Je l’exprimais sans crainte dans les médias. Mais, il ne m’était jamais venu à l’idée que chasser Blaise Compaoré du pouvoir devait passer par la destruction de mon pays, même au plan matériel. C’est pourquoi, je n’étais pas d’accord avec la destruction des édifices publics et privés ainsi que les incendies des domiciles privés lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 quand bien même j’étais pressé de la chute de ce régime et étais aussi dans la rue.
Le pouvoir de Blaise Compaoré ne pouvait pas survivre au monde qui était dehors les 30 et 31 octobre 2014. On n’avait donc pas besoin de dégâts pour le faire partir. De même, j’étais triste de la tentative d’assassinat du Président Roch Marc Christian KABORE lors du coup d’Etat contre lui en 2022, un homme qui n’est pas capable de faire verser le sang d’un Burkinabè sur son ordre. On retourne l’arme contre l’ennemi et non entre citoyens. C’est pour protéger le peuple que les citoyens acquièrent les armes, donc pour assurer leur sécurité contre l’ennemi et les envahisseurs. J’ai été soulagé par les enfants là (c’est comme ça que je les appelle) qui ont fait preuve de maturité lors du deuxième coup d’Etat pour éviter de détruire une partie du pays et faire couler du sang inutilement en restant aussi à l’écoute des forces morales impliquées dans la crise. On n’est pas aujourd’hui étonné de leur degré de patriotisme. On a l’obligation d’aimer son pays. Un citoyen, une citoyenne n’est pas autorisé (e) à se mettre avec l’ennemi contre son propre pays, que l’on vit dans le pays ou hors du pays. On n’est donc pas obligé d’aimer des dirigeants au pouvoir mais pour le pays c’est une obligation. On n’a pas besoin de le dire. C’est cette obligation qui interdit de coaliser avec l’ennemi contre son pays et pis de faire tuer ses propres compatriotiques. Quand j’apprends que le massacre de Barsalogho est du fait de complicité de Burkinabè contre ses propres frères, sœurs, pères, oncles, tantes, neveux, nièces, filles, fils…pour le compte du Blanc…. Vraiment, « Le Noir n’est pas bon ».
Avez-vous entendu qu’aux pays de Blancs, des Blancs se sont coalisés avec des Noirs pour massacrer des Blancs avec Blancs comme complices ! Quelles malédictions ! Ressaisissons-nous et évitons des amalgames. Faire massacrer des populations pour qu’on dise que le Président est incapable !? Vous êtes alors contre le Président ou contre une population innocente ! C’est vraiment triste ! Il faut savoir une chose. Le Burkina Faso a actuellement une jeunesse consciente. Elle a décidé de récupérer le pouvoir d’Etat et de la confier à celle ou à celui qu’elle juge répondre aux aspirations du peuple. On ne peut pas construire un pays sans mettre en avant les jeunes qui doivent continuer les affaires publiques demain. Cette jeunesse d’aujourd’hui est donc bien imprégnée des enjeux actuels et des défis à relever pour la souveraineté totale du Burkina Faso. Elle sait aussi qui fait quoi, pourquoi, contre qui, pour qui. Même en période de vote, elle saurait voter utile. Il ne sert donc à rien de penser qu’on peut prendre le pouvoir aujourd’hui par la force et s’asseoir par la force. Demandez à un Général du pays.
Il ne suffit pas aussi de tuer les Burkinabè pour prendre le pouvoir et espérer faire revenir la France. Oui, on peut prendre le pouvoir, mais on s’assoit où ! Vraiment, « Le Noir n’est pas bon ». Il est lâche et traitre.

Jonas HIEN