Le 7 novembre dernier, l’Assemblée générale du Haut conseil national de la recherche scientifique et de l’innovation (HCNRI), composée de 78 membres, tenait sa première session ordinaire dans la salle de conférence du ministère des Affaires étrangères, de la coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur sous le thème : "Mécanisme de transfert des résultats de la recherche : enjeux et perspectives des financements ». La cérémonie qui rassemble tout ce que notre pays compte de chercheurs et de professeurs d’université, est présidée par le premier ministre Apollinaire Joachim Kyélèm de Tambèla.
"Nous avons choisi de focaliser les débats lors de cette Assemblée générale du HCNRI sur ce thème, car nous souhaitons qu’on aille au fond de ce qui préoccupe les chercheurs, à savoir les contraintes juridiques qui empêchent les chercheurs burkinabè de faire fructifier les résultats de leurs recherches et de générer des revenus qui leur permettraient de ne plus être totalement dépendants des financements publics", explique un chercheur en toxicologie.
Le Haut Conseil National de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, faut-il le rappeler, est une instance étatique de prospective, de réflexion et de concertation en matière de recherche et de technologie. Et pour que la recherche scientifique joue pleinement son rôle de moteur du développement dans notre pays, il importe que les actions de recherche soient encadrées et surtout centrées sur les préoccupations nationales.
A l’issue des communications suivis de débats de haut niveau, des recommandations ont été adoptées en vue de donner plus de moyens aux chercheurs d’accomplir leur mission. Il s’agit entre autres,
– d’améliorer le cadre juridique de la recherche et de l’innovation en y introduisant de la souplesse dans le processus d’acquisition des moyens mis à la disposition des chercheurs ;
– accroitre les ressources sur investissements au profit des structures de recherche ;
– renforcer les capacités des structures de recherche en ressources humaines, en qualité et en quantité pour la vulgarisation des résultats de la recherche ;
– améliorer la participation du secteur productif aux activités de recherche développement au service du développement socio-économique de notre pays, assurer la promotion des produits locaux issus de la recherche ainsi que l’exploitation des produits et avantages des titres de propriété obtenus des travaux de recherche.
Prenant la parole, le premier ministre a rappelé que la recherche doit viser les priorités nationales qui sont actuellement la sécurité, la refondation et le développement. "Sur ces trois points, on ne semble pas trop sentir la recherche" a t-il déploré, avant de poursuivre : "Sur le plan de la sécurité, actuellement nous achetons des drones, surtout des drones turcs, Akinsi. Celui qui l’a construit est un ingénieur qui a fait ses études aux Etats-Unis et qui convaincu les autorités turques qui l’ont financé et voilà maintenant qu’il fabrique des drones les plus performants au monde. Ici n’a pas encore vu un chercheur qui nous a proposé des drones", a t-il relevé.
Pareil sur la refondation où "on n’a pas vu un chercheur qui est venu nous proposer comment je conçois la refondation de notre constitution, de notre société, alors qu’on a des enseignants chercheurs en droit mais qui ne font que reproduire, des ouvrages qu’ils ont lus qui n’est que la reproduction systématique du système Français".
Sur le développement, il attend des proposition de nos scientifiques pour dire comment on peut avance sans nécessairement passer là où les autres sont passés et éviter de retourner 400 ans en arrière".
Devant un auditoire visiblement surpris par la tonalité de son discours, le premier ministre enfonce le clou : "Qu’est-ce que vous proposez pour qu’on puisse avancer et que vous méritiez votre titre de chercheur ? " interroge t-il, indiquant aux chercheurs qu’ils sont maintenant au pied du mur. "On va observer et voir, et si ça n’avance pas, on va dissoudre le haut conseil. Vous savez que nous sommes spécialistes dans la dissolution des institutions ?" a t-il mis en garde les chercheurs.
Car, poursuit-il, " certains sont dans la recherche par carriérisme, c’est-à-dire qu’ils veulent avancer, avoir un grade, avoir plus de rémunérations, plus d’indemnités, et non par vocation. Les financements c’est important, mais ce n’est pas l’essentiel. Les premiers inventeurs n’ont pas eu de financement ».
Manifestement, ses propos n’ont été que fraichement accueillis par les destinataires, lesquels, par la voix de leur syndicat lui répond dans une déclaration parvenue à notre rédaction. "La recherche et l’innovation constituent un domaine de souveraineté nationale", écrit le syndicat, ajoutant "qu’à qu’à ce titre le gouvernement dont il a la charge est celui qui doit définir les programmes prioritaires de recherche, mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires pour la conduite d’une recherche nationale centrée sur le développement, les défis du moment et le mieux-être des populations burkinabè". Et comme pour lui rendre ses aimabilités, l’interpelle : "Peut-il faire un bilan des actions de son gouvernement dans ce domaine au peuple burkinabè ?"
Ambiance !
Kaceto.net
DECLARATION DE RENTREE 2024-2025
Camarades militantes et militants,
Chercheurs, enseignants-chercheurs et enseignants hospitalo-universitaires,
La Coordination Nationale des Enseignants-Chercheurs et des Chercheurs (CNEC) souhaite une bonne année académique 2024-2025 à l’ensemble des travailleurs du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Cette rentrée se déroule dans un contexte de tension exacerbée au niveau international, ce qui on ne le dira jamais assez, est la résultante de la crise du système capitaliste impérialiste dont les contradictions s’approfondissent chaque jour entrainant l’humanité dans de graves problèmes de paix et de sécurité (terrorisme au sahel, guerre en Ukraine, crise au Moyen Orient…). Dans notre pays, la situation reste caractérisée par le contexte du terrorisme avec des groupes armés terroristes qui continuent d’endeuiller quotidiennement nos populations, les privant de leurs terres, de leurs bétails, de leurs écoles, etc et ce dans des proportions toujours inquiétantes malgré les efforts et les sacrifices des FDS, des VDP et de l’ensemble du peuple burkinabè.
Dans les universités publiques, cette rentrée se fait sans interruption d’activités car il faut le rappeler, sous l’instigation du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, les enseignants chercheurs des universités publiques n’ont pas eu de vacances et ont dû poursuivre leurs activités académiques en août et septembre dans le cadre de la mise en œuvre au forceps d’un plan dit de résorption des retards et de normalisation des années académiques. Malgré les réserves objectives formulées à l’égard de ce plan, les enseignants chercheurs ont fait preuve de responsabilité et d’esprit de sacrifice et sont toujours sur la brèche en fournissant d’énormes sacrifices.
Ce plan de résorption comme nous l’avons déjà souligné ne peut pas être la solution durable aux problèmes structurels qui tenaillent l’enseignement supérieur et la recherche eu égard aux conséquences des choix politiques hasardeux faits depuis longtemps à travers l’application aveugle des recettes proposées par les institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds Monétaire International...) ajoutées à l’implémentation tout aussi hasardeuse et sans ressources adéquates du système Licence-Master-Doctorat (LMD).
Si les causes systémiques ayant entrainé l’enlisement dans les retards et chevauchement dans les universités publiques ne sont pas adressées, il est à craindre que malgré la rentrée à temps des nouveaux bacheliers en octobre 2024, montée en épingle dans une propagande savamment orchestrée, le système ne se grippe de nouveau au regard des nombreuses difficultés auxquelles les universités et les enseignants-chercheurs continuent de faire face :
– insuffisance des infrastructures adéquates dans un contexte d’accroissement continu du nombre d’étudiants et une dégradation continue de leurs conditions d’étude (environ 50 000 nouveaux bacheliers cette année) entrainant des surcharges des salles de cours et des amphis),
– absence d’infrastructures dans les centres universitaires régionaux,
– insuffisance ou tout simplement absence de bureaux pour les enseignants,
– absence de matériels et de produits de laboratoires ralentissant ou bloquant des activités académiques,
– insuffisance du personnel d’encadrement,
– insuffisance de ressources financières illustrée par la baisse des budgets des universités malgré des effectifs croissants d’étudiants (à l’université Joseph KI-ZERBO, le budget annuel est passé d’environ 19,8 milliards en 2020 à environ 14 milliards FCFA en 2024).
En plus de ces problèmes récurrents, l’application de nombreux textes est faite loin de l’esprit qui les a sous-tendus comme ce fut le cas tout le long de l’année 2023-2024 avec l’arrêté conjoint N° 2023-374/MESRI/MEFP du 25 octobre 2023 portant réglementation des taux de prise en charge afférentes aux actes académiques. C’est aussi le cas avec le nouveau décret N° 2024-1085/PRES/PM/MEF du 17 septembre 2024 portant détermination et modalités de prise en charge des prestations spécifiques des agents publics et des personnes ressources qui ne prend pas en compte certains actes pourtant nécessaires à la bonne marche des activités académiques et de recherche. Quand on ajoute à cela l’élaboration/relecture/ refonte projetées des textes régissant les enseignants chercheurs et chercheurs sans une implication franche de leurs syndicats de la part du MESRI, il est à craindre que des raisons de crispation viennent dégrader le climat social dans les universités.
Par ailleurs, de nombreux problèmes de gouvernance se posent au ministère et dans les universités dont l’illustration la plus détestable et inacceptable a été l’implication zélée du ¨Président de l’université Norbert Zongo de Koudougou ainsi que du ministre de l’enseignement supérieur dans la traque et le licenciement arbitraire de notre camarade Diallo Moussa par ailleurs SG de la CGTB.
La situation des centres et instituts de recherche n’est guère plus reluisante. Malgré l’engagement de l’état à travers la loi N° 38/AN du 26 novembre 2013 (LORSI) à consacrer 1% de son PIB à la recherche, dans les faits ce taux oscille entre 0,3 et 0,4%. Cette contribution budgétaire de l’état permet juste de prendre en charge les salaires et quelques autres charges de fonctionnement. Ce financement se révèle même insuffisant pour payer les factures d’eau et d’électricité.
La plupart des projets significatifs de recherche mis en œuvre dans les centres de recherche le sont grâce à la compétitivité des chercheurs burkinabè qui participent à des appels d’offre sur le plan international et obtiennent des financements. On peut sans risque de se tromper dire que sans ces financements extérieurs mobilisés par les chercheurs, la recherche serait quasi inexistante dans notre pays. Or ceux qui financent le font dans les domaines qui sont d’intérêt pour eux et non forcément pour nous.
Par conséquent, on aurait pu rire de la méprise du Dr Apollinaire KYELEM de TAMBELA, s’il n’était pas le Premier Ministre actuel du pays, pour les propos du genre « Au Burkina Faso, jusque-là on n’a pas vu un chercheur qui nous a proposé des drones », « Ils sont dans la recherche par carriérisme ... », ou encore « les financements c’est important, mais ce n’est pas l’essentiel. Les premiers inventeurs n’ont pas eu de financement... » tenus le 07 novembre dernier devant le haut conseil national de la recherche et de l’innovation (HCNRSI).
Nous voudrions lui rappeler que la recherche et l’innovation constituent un domaine de souveraineté nationale et qu’à ce titre le gouvernement dont il a la charge est celui qui doit définir les programmes prioritaires de recherche, mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires pour la conduite d’une recherche nationale centrée sur le développement, les défis du moment et le mieux-être des populations burkinabè. Peut-il faire un bilan des actions de son gouvernement dans ce domaine au peuple burkinabè ?
Jusqu’ici les chercheurs jouent assez bien leur partition dans les limites de leurs capacités, et dans bien de domaines il existe à foison au Burkina Faso des exemples d’applications concrètes de résultats de recherche. Au lieu donc de jeter en pâture les chercheurs pour des desseins populistes, le premier ministre et son gouvernement seraient plutôt inspirés de les encourager et de leur offrir un minimum de conditions favorables afin qu’ils puissent développer pleinement leurs capacités pour le bonheur de nos populations.
La recherche est un domaine tellement important qu’il faut la soustraire de la politique du coup de menton permanent dont le Premier Ministre est passé maître.
En tout état de cause cette sortie du PM et les autres problèmes évoqués plus haut concernant les IESR montrent à souhait la place qu’occupent l’enseignement supérieur et la recherche dans l’échelle des priorités de nos gouvernants. Cette situation d’ensemble nous invite à plus d’engagement autour des préoccupations légitimes de notre secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche mais en la liant à la lutte de notre peuple contre l’obscurantisme et contre le terrorisme, contre la remise en cause des droits et libertés fondamentaux et pour le progrès social.
C’est pourquoi la CNEC / F SYNTER lance un appel à l’ensemble des travailleurs de l’enseignement supérieur et de la recherche afin qu’ils se mobilisent dans leurs IESR pour renforcer ses structures afin :
– de défendre des universités et centres de recherche de grande qualité ;
– de lutter avec l’ensemble du peuple contre les dérives liberticides ;
– de continuer à témoigner notre solidarité et soutenir les personnes victimes des exactions du terrorisme.
Pain et Liberté pour le Peuple !
Le Bureau de la CNEC
Recent Comments
Un message, un commentaire ?