Moi, Kayouré Sambo, je vous le dis

Pendant longtemps au « Pays des Hommes intègres », on a cru que cela n’arrivait qu’aux autres. Et, bien blottis dans notre cocon de confort et dans nos certitudes, on se croyait à l’ abri quand, de loin en loin, des bruits de crépitements d’armes, de cris de suppliciés et des images de populations déplacées ont commencé à nous parvenir par les médias du monde globalisé.
Puis, tout doucement, insidieusement, l’ogre s’est rapproché : la Somalie et le Kenya sont face au groupe al-shabaab, le Nigeria face à « Boko Haram », le Maghreb face à AQMI, le Mali est face aux groupes « Ansar Eddine », « Al-Mourabitoune », etc. Sans parler de l’Europe et de l’Amérique confrontées aux attentats répétitifs et les plus fous de l’Etat islamique (EI) ou d’individus fanatisés au nom d’un « Dieu trahi » (François Hollande dans un discours d’après attentat) qui ne se reconnait plus dans ses créatures.
Une vraie guerre mondiale, sans tranchées ni chars, ni même armées au sens classique des mots et des réalités. En lieu et place, les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont utilisées pour recruter, engager des troupes, répandre le venin, enseigner les méthodes, larguer de cruelles vidéos de propagande.
Au Burkina Faso, la peur s’est progressivement installée depuis les incursions violentes et sanglantes de 2015 dans les localités de Samoroguan, Deou, Ourcy, Koutoukou, jusqu’aux récentes attaques de Nassoumbou en passant par celles perpétrées par des djihadistes contre l’hôtel Splendide et le Capuccino en janvier 2016, puis Intangom en octobre. C’est la psychose lorsqu’un conseiller municipal de Soboulé (province du Soum) et son fils ayant réussi à se réfugier loin de chez eux, sont rattrapés et tués vers Titao.
Impuissances nationales, concertations sous régionales entre Etats pour des réponses harmonisées : la CEDEAO se réunit autour de la question. Les chefs d’Etat du Mali, du Niger, du Tchad et du Burkina Faso multiplient les rencontres de voisinage et au sein du Liptako-Gourma, à N’Djamena, Niamey, Bamako…Le Sommet Afrique-France de Bamako en janvier 2017 ne peut éviter le sujet qui l’environnait.
Il faut s’organiser, c’est un impératif. Le hic, c’est le caractère imprévisible des attaques et la diversification des cibles. L’opinion tantôt s’indigne, tantôt se révolte ou dénonce. Elle pleure ses fils massacrés et ne comprend pas.
Si aux premières frappes, le régime déchu de Blaise Compaoré avait été pointé du doigt, l’opinion de la rue, celle des insurgés d’octobre 2014, a rapidement compris que le phénomène était mondial et qu’elle (l’opinion) ferait mieux d’imaginer des solutions sécuritaires appropriées au lieu de politiser toutes les adversités survenant sur le chemin du renouveau démocratique.
Le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré, lui, a préféré revisiter en décembre 2015 la loi antiterroriste de 2009 dont il a élargi le champ, augmenté les moyens d’investigation et durci les peines encourues, avant d’entreprendre une réorganisation de l’armée, toujours en cours, suite aux critiques sur son inefficacité.
Sentant bien le tâtonnement, « l’ennemi » persiste et signe. En janvier 2017, des enseignants de la province du Soum, reçoivent des menaces dont les auteurs dénoncent l’enseignement public laïc prodigué aux enfants scolarisés, qu’ils veulent voir remplacer par un enseignement arabe, évidemment religieux.
Jusqu’où ce serpent de mer étendra ses tentacules et comment envisager le développement économique, social et culturel de notre pays, ou plutôt de nos pays dont les frontières poreuses s’effacent devant une telle hydre à têtes multiples et enfouies ? Comment assurer la nécessaire stabilité d’institutions en permanence occupées à résoudre des problèmes sécuritaires au détriment de ceux de santé, d’éducation, d’énergie et d’environnement ? Moi je vous le demande !

Kayouré Sambo