Pour ceux qui s’intéressent à l’artisanat burkinabè, le nom Stella Tapsoba ne leur est pas étranger. Depuis plusieurs années, c’est elle qui s’occupe de la communication du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) et c’est elle qui gère les humeurs des journalistes souhaitant obtenir des accréditations ou des informations à l’occasion de ce rendez-vous de l’artisanat africain. Ce qu’on sait moins, c’est que Stella Tapsoba est aussi une passionnée de sport, et qu’elle a été une handballeuse de haut niveau.
Membre de la Fédération burkinabè de Handball, elle est aussi membre du bureau de l’Union nationale des supporters des Etalons, la structure faitière qui coiffe les fédérations sportives burkinabè. C’est à ce titre qu’elle a participé à la dernière édition de la CAN qui s’est tenue au Gabon, remportée par les Lions indomptables du Cameroun.
Organisation du voyage, conditions d’hébergement et de déplacement sur place, restauration, animations de soutien au Onze national, rapports avec les collègues hommes, etc., retour sur ce qui a été pour elle, « une expérience sociale très enrichissante

Vous étiez au Gabon lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations (CAN2017). A quel titre ?

En qualité deuxième adjointe à la communication du bureau de l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE) qui a été mis en place en janvier 2015. L’esprit de l’UNSE est d’accompagner les Etalons toutes disciplines confondues, parce qu’il n’y pas que le foot, mais il y a aussi le basket, le handball, le volley-ball, etc., toutes les disciplines dans lesquelles le Burkina est représenté dans les compétitions sportives. Beaucoup ne savent pas que toutes les disciplines sont soutenues, et c’est la raison pour laquelle, ils sont étonnés de voir des handballeurs qui suivent des footballeurs et les encouragent. L’esprit du bureau, c’est ça, et c’est une recommandation du Comité national olympique des sports, qui a souhaité que toutes les disciplines soient prises en compte.

Faut-il nécessairement être sportif pour être dans le bureau ?

Je ne sais pas, mais pour ce qui me concerne, j’ai joué durant plusieurs années au handball au haut niveau, notamment dans le championnat de première division, à la Sonabhy, ASFA, USO et l’AS-Sonabel pour ne citer que ces clubs. J’ai arrêté la compétition il y a deux ans avec l’AS Sagesse, un club qui rassemble les anciens et qui leur permet de participer aux compétitions, histoire de garder le contact avec le milieu du handball et se rencontrer.

Toutes les disciplines sont-elles représentées dans l’UNSE ?

Pas toutes les disciplines, mais on travaille à ce qu’il y ait les sports de mains comme le handball. En plus moi, le secrétaire général est aussi un handballeur. En revanche, le championnat de rugby côté fille, qui a un président et un calendrier des compétitions, n’y est pas. Mais la vocation de l’UNSE est d’accompagner également les Etalons en rugby lors des compétitions.

Avez-vous pris une disponibilité ou des congés sans solde, pour pouvoir être au Gabon durant toute la CAN 2017 ?

Nous avons reçu un ordre de mission du ministère des Sports et des loisirs en notre qualité de supporters des Etalons, au même titre que les membres de la Fédération burkinabè de football et les agents du ministère. Nous avons informé nos chefs de service de cette réquisition afin qu’ils prennent des dispositions pour nous permettre de nous absenter. Nous avons quitté Ouaga le 12 janvier 2017 et l’ordre de mission indiquait que nous devions revenir le 7 février, c’est-à-dire après la finale. Autrement dit, le ministère des Sports avait foi en l’équipe nationale et pensait qu’elle irait jusqu’en finale.
Nous sommes partis à bord d’un avion spécialement affrété par la Fédération et le ministère. Nous étions au total 180 personnes composant la délégation, les supporters étant au nombre de 57, dont 10 de la diaspora en Côte d’Ivoire. Ils sont venus prendre l’avion à Ouaga et c’est de Ouaga également qu’ils sont rentrés chez eux. Je dois souligner que tous les membres du bureau ne sont pas partis.

Quels sont les accessoires que tout bon supporter doit avoir ?

L’UNSE a ses outils d’animation (tam-tam, sifflets, castagnettes, etc.) et chacun a sa tenue et autres accoutrements aux couleurs nationales.

Comment avez-vous été hébergés ?

Dans l’ensemble, tout s’est bien passé (sourire) ! On a été logé dans le même hôtel pour faciliter les rencontres, les regroupements et les départs pour les matchs et les après matchs. On a occupé les chambres à deux, mais ce n’était pas obligé puisque celui qui le souhaitait pouvait choisir de dormir seul. A deux, ça vous coûte moins cher et en plus, on vous remet la différence.
Pour le match à Port-Gentil, tous les supporters ne sont pas allés à cause des problèmes de logistique. A Franceville, nous étions une quarantaine de supporters présents dans le stade. Quant à la nourriture, chacun se prenait en charge et je peux vous dire que la vie coûte chère au Gabon. On ne prenait même pas le petit déjeuner à l’hôtel et pour les déjeuners et les diners, nous avions repéré des restaurants où on pouvait manger à 2000 F CFA, y compris le prix de l’eau qui coûte 1000 F et qu’il faut payer. Franchement, c’est avec plaisir qu’on a retrouvé notre Ouagadougou.
Pour les déplacements d’un endroit à un autre, on partait ensemble si on avait le car, et je pense qu’il y a toujours eu le car (rire). [NDDR ; la communication étant aussi non verbale, le sourire de l’interviewée dans certaines réponses semble cacher une gêne à dire ce qui s’est passé réellement]. Quand il y a des difficultés, certains se débrouillaient pour aller au stade, mais globalement, on a travaillé à amener les animateurs par car quand il y avait un match.

Comment vous organisiez-vous les jours de match ?

Le président de l’UNSE, Ablassé Yaméogo et ses collaborateurs organisent des rencontres avec l’ensemble des supporters pour préparer les matchs aussi bien au niveau de l’animation, mais aussi pour donner des consignes à tenir ; par exemple, ne pas répondre aux provocations et rester concentrés sur le jeu.
Résultat, nous avons été désignés meilleurs supporters 5 fois sur 6 pendant la CAN, même si nous n’étions pas les plus nombreux. Tout le monde reconnait que nous avons marqué le public gabonais. Nous avons reçu du renfort avec nos compatriotes installés au Gabon et en plus, ils nous aidaient à avoir les tickets d’entrée, lesquels étaient achetés par le ministère. Celui qui souhaitait voir un match autre que celui des Etalons devait acheter son ticket de sa poche. Lorsque le Gabon a été éliminé, tout le state était favorable aux Etalons par sympathie.

Pouvez-vous décrire l’ambiance d’après match ?

En cas de victoire, nous étions bien évidemment contents, mais on ne faisait pas la fête jusqu’au matin comme on pourrait le croire, parce qu’on était fatigué. Il faut savoir que nous arrivons au stade au moins deux heures avant le début du match, commençons l’animation, et restons débout jusqu’à la fin. Plus de deux heures sans s’assoir, c’est fatiguant et quand on arrive tard à l’hôtel, on n’a pas envie de faire la fête surtout qu’il fallait chercher à manger, ce qui n’était pas une mince affaire après minuit. En cas de victoire, on chante dans le car sur la route du retour et le quartier sait que le Burkina a gagné, mais sans plus. Etre supporter des Etalons, c’est être en bonne condition physique. Après la défaite contre l’Egypte, c’était la tristesse, mais on était fier du parcours des Etalons et on espérait occuper la 3ème place, ce qui a été le cas.

Avez-vous eu des contacts avec les joueurs ?

Non, pas de contact avec les joueurs à part certaines séances d’entrainement qui étaient ouverts pour quelques minutes ; mais tout le monde n’avait pas l’information au bon moment. Nous n’avons jamais été officiellement invités à les rencontrer et on ne les voyait que sur le terrain. C’est individuellement que certains ont cherché à rencontrer des joueurs

En cas de maladie, comment étiez-vous soignés ?

Il y avait des médecins parmi la délégation et tout le monde le savait, mais beaucoup préféraient se débrouiller pour se soigner sans recourir à eux.

Quel bilan pouvez-vous faire de la CAN ?

Nous avons dressé le bilan de notre participation lors d’une conférence de presse organisée à Koudougou, une décision du bureau sur invitation d’un de ses membres.
Les autorités ont reconnu notre rôle dans le bon parcours des Etalons, puisque nous avons été aussi décorés par le président du Faso. Malheureusement, à Ouaga aussi, on n’a pas pu rencontrer les joueurs parce que certains devaient rejoindre rapidement leur club.
A titre personnel, le Gabon a été pour moi une belle expérience sociale très enrichissante. On rencontre beaucoup de personnes et on apprend à s’intégrer dans le milieu masculin où il faut s’imposer en tant que femme. Les hommes ne nous laissent pas beaucoup de place, et il faut vraiment se battre pour se faire respecter. Mais globalement, tout s’est bien passé ; il n’y pas eu d’agressions durant notre séjour et avec nos collègues hommes, nous nous sommes baladés pour découvrir la ville quand nous avions du temps.

Quelles sont les images qui vous ont le plus marqué durant la compétition ?

Incontestablement, c’est la joie après la victoire face à la Tunisie, puis aussi, le but de Aristide Bancé contre l’Egypte en demi-finale, et la réaction des supportes burkinabè et étrangers dans le stade. C’était vraiment magnifique et on voyait bien que tout le monde attendait ce but.
J’ai apprécié le jeu de groupe et on aurait pu faire mieux si on évitait certaines individualités. Je sais qu’en tant que compétiteur, on n’accepte difficilement d’être remplaçant, mais il faut accepter le choix de l’entraineur. En 2013, on était en finale ; en 2015, on est sorti dès le premier tour et cette année, on termine troisième, une place honorable. Les Etalons nous ont fait plaisir et je leur souhaite de ramener le trophée à Ouaga en 2019.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net