Hier après-midi, des chefs d’entreprises réunis dans le "Groupe d’actions spontanées" a organisé une conférence de presse improvisée au siège de l’Association pour le management de a qualité (AMAQ), à Ouagadougou. Très remontés contre les grèves à répétition qui se succèdent au Burkina, en particulier celle des agents du ministère de l’Economie, des finances et du développement qui dure maintenant depuis cinq (5) semaines, les animateurs de la conférence de presse ont poussé un véritable coup de gueule : ça ne peut plus continuer comme ça ; il faut que ça s’arrête !. Le mouvement social est en train du tuer des entreprises qui tentaient de se relever après les soubresauts socio-politiques que notre pays a connus depuis 2011. "La grève est un droit constitutionnel et nous soutenons toute lutte sociale légitime" écrivent-ils dans un document distribué à la presse. "Cependant, nuancent-ils, nous pensons que toute lutte ayant pour objectif d’améliorer les conditions de vie des uns, ne devrait pas dans un autre sens, détruire les conditions de vie des autres". Or, soutient le Groupe d’actions spontanées, "le secteur privé burkinabè souffre ; il se porte mal, très mal du fait de cette longue grève. Il est paralysé, bloqué du fait de cette situation qui n’a que trop duré". Le président du Groupe, Labidi Naba, directeur général d’APEX Projects Sarl et ses camarades ont expliqué dans le détail les préjudices que la grève au ministère de Economie leur cause. La non parution de la Revue des marchés publics depuis plus d’un mois, un outil clé dans la chaîne de passation des marchés publics en est l’exemple le plus visible. Sans la publication des marchés, impossible de soumissionner, donc pas de marchés à exécuter, donc pas d’activités dans les entreprises. Pis, "même un marché exécuté ne peut pas être réceptionné, donc pas de paiement. Tout le circuit de la dépense publique est en panne et c’est le meilleur moyen de tuer le secteur privé".
Pédagogues, les animateurs de la conférence de presse ont insisté sur la place importante du secteur privé dans le fonctionnement de l’économie et le rôle que jouent les entreprises dans l’alimentation des finances publiques. Les recettes de l’Etat, rappellent-ils, reposent sur la fiscalité de porte, c’est à dire les droits de douane, puis les impôts et taxes divers payés par le contribuable, dont les entreprises privées. "C’est sur la base des contributions de nos entreprises que les agents de l’administration publique perçoivent régulièrement leurs salaires le 25 de chaque mois", insiste le Groupe. Même si le mouvement social s’arrête maintenant, une hypothèse pour le moins très optimiste tant le dialogue entre les agents et leur ministère fonctionne a minima, "il est à craindre qu’au sortir de cette grève, nos entreprises ne soient plus en mesure de s’acquitter de leurs obligations fiscales et sociales". Autrement dit, va t-on assister dans les semaines à venir au refus des chefs d’entreprises de payer les impôts et autres taxes ? Les organisateurs de la conférence de presse ne l’ont pas dit expressément, mais la menace est à peine voilée. En attendant, ils demandent solennellement au gouvernement "de prendre des mesures courageuses" pour trouver une solution à la grève, et aux grévistes, "nous leur disons qu’ils peuvent mener leur lutte avec patriotisme sans porter atteinte aux activités de nos entreprises, comme ils le font sans qu’il n’y ait point d’interruption de paiement de leurs salaires".
Que se passera t-il dans l’hypothèse où la grève devait perdurer ? Le Groupe, qui comme son nom l’indique, est pour l’instant "spontané" et qui revendique une centaine de membres, va mieux s’organiser dans les jours à venir "pour mieux défendre nos intérêts parce qu’on ne peut pas rester les mains croisées face à ce qui se passe".
Issaka Sanfo, président de GIP-Africa, un groupe spécialisé dans la fabrication de produits médicaux, n’en peut plus de cette grève. "J’ai des partenaires coréens avec lesquels nous avons un projet de construction du premier grand laboratoire d’Afrique de l’ouest ; nous avons mobilisé 10 milliards pour le financement, et cette grève tombe très mal pour nous. J’ai le sommeil difficile parce qu’à deux heures du matin, mes partenaires coréens m’appellent pour s’inquiéter de ce qui se passe au Burkina. Ils veulent savoir si les grèves vont s’arrêter et se demandent est-ce qu’il y aura encore des troubles", a t-il témoigné. "Ce que les gens doivent savoir, c’est qu’à partir de juin, on ne peut plus exécuter des marchés dans certaines parties du Burkina à cause des pluies. Nous sommes au mois de mars, et compte tenu de la complexité des procédures de passation des marchés, on peut craindre que des entreprises ne puissent pas faire correctement leur travail dans les délais en raison de cette grève", explique un membre du Groupe.
En grève depuis le 6 février, les agents du ministère de l’Economie demandent, entre autres, une correction dans la répartition du fonds commun, estimant très injuste l’écart avec leurs collègues des impôts, du trésor et des domaines. Le Groupe d’action spontané demande à la Chambre de commerce et d’industrie de s’impliquer davantage dans la recherche d’une solution de sortie de crise.

Kaceto.net