Qui est El-Hadj Alhassan Rouamba ?

Je suis né le 12 janvier 1938 à Koudougou et j’ai grandi avec un oncle avant d’aller faire l’école en Côte d’Ivoire. J’ai rejoint mes parents en 1950 au Ghana où ils étaient installés. A l’époque, le pays s’appelait la Gold-Coast. Je suis marié et j’ai eu 12 enfants dont quatre sont malheureusement décédés. Il reste donc deux garçons et six filles qui vivent tous au Ghana.
En 1956-57, je travaillais à l’ambassade de France comme planton et je représentais déjà les Voltaïques comme on disait à l’époque en tant que Secrétaire général de l’Union des Burkinabè du Ghana. Il y a de nombreuses associations qui sensibilisent nos compatriotes à faire leur carte d’identité, la carte consulaire et les actes de naissance. Pour les passeports, je venais déposer les demandes à Ouaga jusqu’à ce que notre pays accède à l’indépendance en 1960.

Qu’est-ce qui a changé avec l’arrivée du président Maurice Yaméogo ?

Le président Maurice Yaméogo a envoyé son conseiller pour venir nous rencontrer ; il s’appelait Albert Balima. Quand je l’ai rencontré, il a dit qu’il souhaitait voir l’ambassadeur de France et j’ai fait ce qu’il fallait pour que la rencontre ait lieu. A la fin de leur entretien, l’ambassadeur de France m’a dit d’aider Albert Balima a bien remplir sa mission auprès des Voltaïques. Je l’ai donc présenté au président de l’Association Ouédraogo Salfo Guabgtenga. Il voulait savoir comment on vivait, quels étaient nos rapports avec les Ghanéens et quels sont nos problèmes. Le président de l’Association a dit de dire au président Yaméogo que nous avons besoin d’une ambassade au Ghana. Il a promis de plaider notre cause et quelques mois après, nous avons reçu une lettre nous informant que notre requête avait été acceptée et qu’il y aura un ambassadeur voltaïque au Ghana.
En 1962, nous avons reçu le premier ambassadeur qui s’appelait Boureima Kaboré et nous sommes aujourd’hui au 12è ambassadeur.

Combien de Burkinabè vivent-ils au Ghana ?

Nous sommes plus de 4 millions de Burkinabè vivant au Ghana, mais le problème, c’est que nos enfants sont intégrés comme Ghanéens. Ils ont toutes les possibilités qui s’offrent à eux comme à n’importe quel Ghanéen. On a des Généraux dans l’armée, des officiers de police, des ministres dans le gouvernement et des députés au parlement. Toutes les ethnies sont présentes dans la fonction publique parce qu’on y rencontre des Mossis, des Gourounsis, des Dagaras, etc. Seulement, tous ces enfants se considèrent comme Ghanéens et même si nous travaillons ensemble à l’occasion de manifestations, ils ne viennent pas au pays.

Pourquoi ils ne viennent pas au pays ?

D’abord, parce que les parents ne les ont pas éduqués à connaitre le pays ! Or, quand le papa meurt, l’enfant ne parle même pas souvent la langue, excepté des Bissas et les Gourounsis. Ensuite, beaucoup d’enfants sont venus rendre visite à leurs parents au Burkina et ils ont été mal accueillis ; donc, ils n’ont plus envie de revenir une deuxième fois. L’Association des Burkinabè du Ghana et les délégués du Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur (CSBE) se battent pour sensibiliser nos compatriotes vivant dans les 10 régions du Ghana à faire les documents officiels burkinabè.

Avez-vous le sentiment que les préoccupations des Burkinabè du Ghana ont été bien comprises par les autorités à l’occasion du Forum national sur la migration et le développement ?

Le débat s’est bien passé et nous avons expliqué les problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que Burkinabè vivant au Ghana. On verra si nous avons été bien écoutés et compris. Je l’espère bien car actuellement, il y a beaucoup de Burkinabè au Ghana qui sont riches et il faut qu’on parvienne à les intéresser à leur pays d’origine pour qu’ils viennent y investir. Pour les transferts d’argent, nous rencontrons pas mal de problèmes avec les banques, de même qu’avec la douane dans les transactions à cause de la monnaie ghanéenne, le CEDI, qui est difficile à convertir.
Je profite de votre organe pour lancer un message au gouvernement burkinabè : je souhaite qu’il soit très regardant sur les critères avant de nous envoyer un ambassadeur. Il faut nous envoyer quelqu’un qui connait le travail et qui veut travailler avec les Burkinabè vivant sur l’ensemble du territoire ghanéen. Je le dis, parce que franchement, certains ne connaissent pas le travail et ne travaillent pas à rassembler la communauté.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net