Samedi 20 mai. Il est 21h dans le quartier Wemtenga de Ouagadougou. Le parking du maquis Concerto Inn commence à se remplir de motos. Ceux qui sont en véhicule ont du mal à se garer. En couple ou par groupes, dans leur tenue traditionnelle reconnaissable à la coupe large, les gens se dirigent vers l’entrée de cet espace culturel bien connu des Ouagalais. Le rendez-vous avait été fixé à 20h, mais comme ailleurs, chez les Dagara, les grands-parents des Mossés, l’heure est bien élastique !
Tous viennent voir et soutenir l’artiste musicienne Alice Kpoda, qui vient de publier son troisième album, « Révolution d’esprit », un opus de 8 titres arrangés par Isaïe Soulga, « un homme qui fait beaucoup pour la promotion de la musique burkinabè », selon les propos du Maitre de cérémonie (MC). Hier soir, le Concerto Inn a vibré au rythme de la musique et de l’ambiance dagara.
Certes, ce n’était pas la grande affluence comme l’auraient espéré les organisateurs, mais ceux qui ont fait le déplacement n’ont pas perdu leur soirée. « Le ministre Barry m’a désignée pour le représenter à cette soirée parce qu’il soutient les artistes burkinabè comme Alice Kpoda, une brave femme qui se bat pour la promotion de sa culture », a déclaré la directrice générale des Arts, Mme Sawadogo.

En levée de rideau, le public a eu droit à deux prestations : celle de Abou, un talentueux danseur venu tout droit de Dissin, et qui réussit un parfait mélange de pas hip-hop et de danse traditionnelle, puis celle du « Binguiste », terme par lequel on désigne ceux qui ont séjournée en Occident et qui sont de retour au pays natal. Poète, chansonnier et véritable ambassadeur des sons et rythmes de son terroir, il a arraché les applaudissements du public en entonnant le Ditanyè, l’hymne national burkinabè, en langue dagara.
Le MC présente ensuite la vedette de la soirée. Elle porte un impeccable ensemble Faso dan Fani, à la coupe bien évidemment dagara. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, Alice Kpoda a déjà 19 ans de carrière musicale, entrecoupée par une histoire d’amour qui l’a éloignée du pays pendant quelques années. C’est aussi une histoire d’amour qui a ramené cette mère de deux enfants au pays où en tant qu’artiste, elle veut « contribuer à soigner et rendre le pays meilleur ».
Au ministère de la culture, assure la directrice des Arts, on suit avec intérêt la carrière de Alice Kpoda. Pour preuve, le ministre Tahirou Barry, a envoyé un sms à sa représentante pour s’assurer que la soirée se déroulait bien. Mieux, cette dernière a annoncé que le ministère allait lui apporter un soutien pour la réalisation de son prochain clip-vidéo, une nouvelle accueillie par des applaudissements.
Place à la musique et à la danse. L’artiste est en permanence rejointe sur scène par ses « frères et sœurs », tous trempés dans le rythme. Les liens avec la tradition ne sont pas encore trop altérés. La culture, dit-on, c’est ce qui nous reste quand on a tout oublié. En observant le sérieux, l’implication et la facilité avec lesquels les citadins originaires du Sud-ouest exécutent les pas de danse de chez eux, on se rassure à l’idée que les identités résisteront encore pour longtemps à l’uniformisation des cultures et des modes de vie.

Après trois heures de show dagara, les invités qui ont « mouillé » le maillot commencent à partir, non sans se donner rendez-vous pour d’autres occasions du même genre. En dépit des nombreux délestages qui ont failli plomber l’ambiance ils repartent satisfaits d’avoir passé de bons moments.
« Elle n’était pas la bienvenue, mais la Sonavilaine s’est quand-même invitée à notre soirée », ironise un cadre de l’administration burkinabè.

Salam Sondé
Kaceto.net