Alors que le ministère de l’Economie et des finances est sorti de son silence aujourd’hui pour s’exprimer sur la grève annoncée par les syndicats du trésor, les responsables de deux structures syndicales ont révélé dans un texte rendu public, des pratiques pour le moins douteuses au sein des services des impôts et du trésor.
Une (voir ci-contre) charge qui va sans doute rendre un peu difficile le dialogue qui peine déjà à s’installer entre les deux parties.

Le dimanche 17 juillet 2017, le Gouvernement par voie de presse a fait une déclaration relative à un mouvement annoncé par le Syndicat autonome des agents du trésor du Burkina (SATB). Dans sa déclaration, le Gouvernement a annoncé qu’il voudrait « apporter l’information juste aux travailleurs du Trésor public, aux usagers et à l’opinion nationale » sur un présumé appel du SATB à un mouvement de débrayage général dans tous les services de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP) au motif d’une remise en cause du Protocole d’accord signé le 29 mai 2017.

Dans la suite de sa déclaration, évoquant la question de relecture des textes portant conditions et modalités de répartition du Fonds commun des agents de la DGTCP et de la Direction générale des impôts (DGI), le gouvernement a :

reconnu que la question est un des points du Protocole d’accord qu’il a signé avec le SATB suite à la lutte que celui-ci a mené en mai 2017 et que le SNAID a également demandé la relecture de l’arrêté portant conditions et modalités de répartition du FC des agents de la DGI ;
relevé que les syndicats sont restés inflexibles sur leurs positions lors des concertations avec l’administration ;
conclu sur ce point en soulignant que faute de consensus entre l’administration avec ces deux syndicats sur le contenu des textes, le Ministre en charge des finances a instruit le Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique et le Directeur Général des Impôts de procéder au paiement du Fonds Commun selon les modalités de répartition définies par les arrêtés en vigueur.
Par la suite, le Gouvernement a déclaré illégal le « mouvement de débrayage général initié par le SATB car n’ayant fait l’objet d’aucune autorisation préalable comme l’exigent les textes en la matière et dénonce toute velléité d’extension de ce mouvement à tout autre syndicat ».

Le Gouvernement a tenu à informer l’opinion que les motivations de ce mouvement « comportent entre autres exigences le départ de certains responsables administratifs, comme l’ont demandé le SATB et le SNAID dans une lettre conjointe adressée au Chef du gouvernement, ainsi que les velléités d’extension de cette liste, portent en elles-mêmes des signaux d’une tentative de déstabilisation que le Gouvernement ne saurait tolérer ». Il a ajouté qu’il a fait d’énormes sacrifices pour satisfaire les revendications des deux (02) syndicats et par conséquent, ne saurait « tolérer que pour des questions de répartition interne des éléments de motivation, le fonctionnement des structures publiques soit pris en otage, à des desseins inavoués ». De ce fait, il annonce que toute absence non justifiée sera sanctionnée avant de conclure par sa disposition au dialogue.

La gravité du ton et l’inexactitude des faits, nous amènent à vous adresser la présente lettre ouverte afin de rectifier certains faits et d’éclairer davantage les travailleurs du Trésor et ceux des impôts ainsi que l’opinion publique nationale.

Du prétendu mouvement de débrayage du SATB
Le SATB et le SNAID tiennent à préciser que plutôt qu’un débrayage général, les bureaux nationaux avaient juste prévu des meetings pour le lundi 17 juillet 2017 afin d’une part, de faire le point à leurs militants respectifs sur l’état de mise en œuvre des protocoles d’accord signés avec le Gouvernement et d’autre part, d’expliquer les conséquences désastreuses de la décision unilatérale de Madame le Ministre de l’économie, des finances et du développement de payer les fonds communs sur la base des arrêtés caduques. Quand le gouvernement dit que le débrayage général initié par le SATB est illégal car « n’ayant fait l’objet d’aucune autorisation préalable comme l’exigent les textes en la matière », il ne peut nous citer un quelconque texte qui oblige les syndicats à attendre une autorisation du gouvernement même pour une grève.

II- De la question de relecture des textes portant FC

Le Gouvernement tente, à travers ce communiqué, de jeter les travailleurs du Trésor et ceux des Impôts du Burkina Faso et leurs syndicats respectifs à la vindicte populaire tout simplement.

En ce qui concerne la relecture des textes du FC des travailleurs du Trésor, il convient de rappeler que sur ce point qui figurait dans la Plateforme du SATB lors des négociations à l’issue desquelles, le Gouvernement s’y est engagé dans le Protocole d’accord avec pour échéance le 30 juin 2017. Ainsi, après la signature du Protocole d’accord le 29 mai 2017, le Syndicat a transmis les propositions de relecture exprimées par l’ensemble des travailleurs à la Direction du Trésor. Après des concertations avec le Syndicat, le Directeur général du Trésor et de la comptabilité s’est opposé à la relecture quand bien même cela est un engagement gouvernemental. Ce qui a amené le SATB à adresser une lettre de protestation au Premier ministre le 10 juillet 2017 qui est restée sans suite. Finalement, le 10 juillet 2017, le Ministre de l’économie, des finances et du développement a reçu le SATB avec tous les syndicats du Ministère pour imposer une vision unilatérale de relecture des textes du FC.

Ce qui a été rejeté par la quasi-totalité des syndicats du Ministère. D’où la mise en place d’un groupe de négociations par le Ministre. Ce groupe a reçu le SATB pour comprendre les propositions des travailleurs du Trésor le 11 juillet 2017 et le 13 juillet 2017 pour lui exposer un projet d’arrêté de répartition. Le SATB a fait des amendements séance tenante au projet car il comportait beaucoup d’iniquités.

Le groupe en question a aussi procédé de la même façon avec le SNAID qui a également fait des amendements au projet de répartition. Aux deux (02) syndicats, le groupe avait promis de leur revenir. En lieu et place de ce retour, nous avons eu droit à une décision unilatérale du Ministre en charge des finances de payer le FC des travailleurs des impôts et de ceux du Trésor sur la base d’une simple circulaire en lieu et place des arrêtés. Toute chose qui constitue une violation flagrante des textes qui régissent la gestion des finances publiques et un abus d’autorité.

Relevons qu’avant d’être reçu par le groupe de négociations, le SNAID, à la suite d’une tournée syndicale, a transmis les propositions des travailleurs des impôts au Directeur général des impôts, M. Adama BADOLO depuis le 15 juin 2017. Ce dernier à fait savoir au SNAID, qu’ à priori, il n’avait pas d’objection particulière mais qu’il devait attendre des instructions du Ministre.

Les deux (02) Directeurs généraux au lieu de se pencher sur ces préoccupations, ont instrumentalisé et financé des groupuscules de travailleurs notamment les agents d’appui contre nos syndicats et l’ensemble des travailleurs. Ils ont travaillé à ce que ces groupuscules soient reçus par le Ministre parallèlement aux syndicats.

Leur objectif est de diviser les travailleurs, fragiliser voire liquider leurs organisations syndicales et garder le statut quo en matière de gestion des motivations financières avec le soutien du Ministre en charge des finances, Mme Hadizatou Rosine COULIBALY/SORI. En effet, ces autorités veulent maintenir une gestion opaque, inique et anti-travailleur du FC. Cela se comprend aisément dans la mesure où le Ministère en charge des finances en général et la DGI et la DGTCP en particulier reçoivent du personnel en inadéquation totale avec les besoins réels en personnel.

La plupart des Directeurs généraux du Trésor ou des Impôts ont fait parachuter leurs proches (femmes, maîtresses, frères, amis politiques…) sans respect des textes régissant la Fonction publique. A ce personnel, ils sont prêts à verser la totalité des avantages au détriment des agents des cadres des impôts ou du Trésor. D’où leur volonté d’empêcher toute relecture des textes du FC.

Le cas de la DGI est encore plus grave : c’est la seule Direction du Ministère qui continue de recruter des contractuels souvent dans l’opacité totale et cela en violation flagrante de la Loi 081-2015/CNT du 24 novembre2015 portant statut général de la fonction publique de l’Etat. Pour ces recrutements, le DGI se substitue à la Fonction publique en signant des contrats de travail. En 2017, le DGI Adama BADOLO a procédé au recrutement d’Informaticiens contractuels alors que la DGI pouvait disposer de ce type de personnel pour peu qu’il en fasse la demande au Ministère en charge de la Fonction publique. . A ce jour, la DGI comprend près de 70 contractuels et plus de 75 bénévoles. Du reste, le SNAID solidaire de la lutte des masses opprimées, a lutté et a pu obtenir dans le protocole d’accord le principe de la régularisation de leur situation administrative.

La lutte du SATB et du SNAID vise entre autres à assainir la gestion du FC à travers l’équité, la justice et la transparence. Ce fonds, destiné à motiver les travailleurs du Ministère en général et en particulier ceux des régies de recettes, leur permet de faire face aux risques de leur métier (corruption, détournements de fonds…) comme l’a reconnu le Ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale Pengdwendé Clément Sawadogo, dans le journal Sidwaya du 19 juin 2017.

Malheureusement, le Ministre en charge des finances, le DGI Adama BADOLO et le DGTCP Naby Abraham OUATTARA gèrent ce fonds commun en violation des règles élémentaires de l’orthodoxie financière. Pour continuer ce pillage, ils ont f ait la répartition des fonds en ignorant les textes régissant leur gestion.

De l’accusation de déstabilisation
Cette accusation part du fait que le SATB et le SNAID ont demandé le départ des deux (02) Directeurs généraux. Cette exigence est liée au fait que ces responsables ont entrepris des actions graves de division des travailleurs, de blocage de l’exécution des Protocoles d’accord et de liquidation des deux (02) syndicats. Pour preuve, le chauffeur du DGI a menacé publiquement de mort le secrétaire général adjoint du SNAID. Pire, le premier jour du sit-in, le 18 juillet 2017, le DGI a armé des chauffeurs contre les travailleurs en lutte. Ainsi, deux chauffeurs ont failli ouvrir le feu sur des militants du SNAID dans la cour de la DGI sous le regard bienveillant du DGI et de la CRS qui a été déployée pour empêcher le sit-in du SNAID.

Du non-respect des engagements
Le Gouvernement a l’habitude de ne pas respecter ses engagements vis-à-vis des syndicats. Ainsi, signe-t-il des Protocoles d’accord pour les ranger ensuite dans les tiroirs. Ce qui se passe à la DGTCP et à la DGI rentre dans cette « logique ». En effet, les Directeurs généraux des impôts et du trésor ainsi que le Ministre en charge des finances ne font qu’exécuter un plan savamment préparé pour remettre en cause les protocoles d’accord signés avec nos deux syndicats.

Au sujet du protocole d’accord signé avec le SNAID, le Gouvernement n’a pas pu mettre entièrement en œuvre un seul point alors que les échéances pour plusieurs engagements sont passées (cas du plan d’investissement, du carburant, du plan de carrière, des postes de nomination, de la sécurisation des services).

C’est le lieu de rappeler également, le refus de dialogue sincère des premières autorités du Ministère et le recours systématique aux forces de sécurité pour réprimer les luttes des travailleurs pendant qu’au même moment les services des finances sont constamment cambriolés par manque de sécurisation.

Au sujet des traitements de salaires en général et des fonds communs en particulier, il convient de rappeler que ce ne sont pas ces motivations qui du reste existent depuis les indépendances, qui sont à l’origine du sous-développement de notre pays mais plutôt la mauvaise gestion des finances publiques à travers le pillage des ressources naturelles, les détournements de deniers publics, la corruption etc. Les fonds communs existent sous plusieurs formes dans la quasi-totalité des pays du monde entier et ne sauraient être un tabou au Burkina Faso. Au titre des salaires, les fonctionnaires burkinabè ne sont pas les mieux payés de la sous-région et voire le reste du monde.

Excellence, Monsieur le Premier Ministre,

Nos organisations syndicales comprendraient aisément votre fermeté si elle était fondée sur des bases justes et si la même fermeté était tenue pour la bonne gestion des finances publiques. Ainsi, dites à l’opinion :

dans le domaine de la fraude fiscale combien de francs les institutions que vous nous accusez de déstabiliser ont pu recouvrer ? A la DGI, rien qu’entre 2016 et 2017, les révélations de fraudes et les redressements fiscaux illégalement abandonnés par les premières autorités se chiffrent à des dizaines de milliards ;
le contrôle de la production et de l’exportation de l’or n’est pas assuré au Burkina de façon transparente ;
les marchés et yaards de la ville de Ouagadougou ne paient pas d’impôts à la DGI ;
combien d’impôts paient par an les membres du gouvernement et les députés au titre des centaines de millions ou de milliards de fortunes dans le cadre de la déclaration de leurs biens ? Certains n’ont même pas payé leur taxe de résidence à la hauteur de leurs biens immobiliers à fortiori la taxe sur les immeubles bâtis et non bâtis institués en octobre 2016 ;
pourquoi versez-vous plus d’un milliard FCFA par an à vos amis banquiers comme frais pour l’encaissement de chèques servant de paiement des impôts des contribuables au lieu de faire appliquer la règlementation visant à faire sanctionner les auteurs de chèques impayés. Ces frais sont une charge supplémentaire pour le contribuable burkinabè.
pourquoi l’ASCE-LC ne fait-elle pas l’audit de la DGTCP, de la DGI ou de la Douane ?
pourquoi le budget de l’Assemblée Nationale est-il passé du simple à près du double en 2016, au moment où les députés affirment avoir consenti une diminution de leurs émoluments ? .
Excellence, Monsieur le Première Ministre,

Les légers réajustements des motivations financières consentis par votre gouvernement suite aux luttes récentes des travailleurs ne sauraient constituer une prime de compromission pour nos organisations syndicales dans la lutte contre la mal gouvernance administrative et financière.

Nos organisations syndicales exigent le départ des forces de sécurités de nos directions au profit de la lutte contre la délinquance fiscale, de la sécurisation des biens et services des populations et de la lutte contre le terrorisme.

Nous restons disponibles jour et nuit pour un dialogue sociale franc et sincère pour une amélioration des performances des deux (02) importantes Directions que sont la DGI et la DGTCP.

Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Premier Ministre, l’assurance de notre considération distinguée.

Pour le SATB
Séini KOANDA
Secrétaire général

Pour le SNAID
Nongo Grégoire TRAORE
Secrétaire général