Mariée de force, une adolescente de 17 ans du village de Yéguéré Badala, dans la commune rurale de Karangasso Vigué, n’entend pas se laisser faire.

Orpheline de père, Martine* et ses huit frères et sœurs sont sous la tutelle de l’oncle paternel à Yéguéré, un hameau de culture à quelques encablures de Yéguéré- Badala. Dans ce village comme dans la plupart des villages de la région des Hauts Bassins, les mariages précoces et forcés sont une pratique courante, en violation flagrante de la loi. Dès sa naissance, l’oncle de Martine la promise à une famille, à charge pour cette dernière, de choisir le futur mari quand viendra le moment de célébrer les noces. Trois sœurs de Martine se sont déjà mariées dans ces conditions dont deux du vivant du père, sans qu’aucune voix discordante n’ait été enregistrée. Pourquoi donc se préoccuper du consentement d’une adolescente qui n’a rien à dire sur un registre relevant d’abord de la seule prérogative de la famille ? Mais, manifestement, l’oncle de Martine savait bien que le mariage était interdit avant l’âge de 17 ans pour les filles. Il a donc patienté jusqu’à ce qu’elle souffle ses 17 bougies avant de lancer le processus devant conduire au mariage. Sauf qu’après quelques cours de catéchèse et un baptême reçu à Yéguérosso, Martine avait une idée de ses droits de jeune fille et était décidée à ne pas se soumettre aux désidératas de son oncle.
Après concertations, les deux familles décident que le mariage aura lieu le dimanche 26 juin 2016. Au lever du jour, deux hommes commis à la tâche arrivent et l’emmènent de force, sous le regard impuissant de toute sa famille. Les pleurs et autres supplications de ses frères et sœurs n’y firent rien. Martine est conduite à pied contre son gré dans le hameau de culture où réside le prétendant, à 5 km de chez elle. Elle passe une semaine sous haute surveillance, repoussant de toutes ses forces les avances du « mari », décidé à consommer sa chose. La nuit tombée, profitant d’un moment d’inattention, Martine noue quelques habits qu’elle passe par-dessus bord le mûr. Puis, munie d’un sceau d’eau, elle simula sa toilette hors de la concession comme c’est la pratique, et une fois dehors, se sauva. Elle passe la nuit en brousse et au petit matin du 3 juillet, rejoint la route nationale d’où elle saute dans un car à destination de Yéguéresso. Elle se confie au curé de la paroisse de la localité, lequel pour des raisons de sécurité et sans doute de commodité, la place chez les bonnes sœurs au secteur 25 de la ville de Bobo-Dioulasso. Le lendemain, il entreprend, avec le soutien du catéchiste et du comité villageois de développement, une médiation chez l’oncle de Martine. Sans succès. Celui-ci tient mordicus au respect de sa décision et de la coutume. Face à sa détermination à faire appliquer sa décision, le curé demande aux bonnes sœurs de confier l’adolescente aux services de l’action sociale, plus habilités à traiter ce type de problème.
Depuis le 08 juillet 2016, Martine est donc sous la protection de l’action sociale, et le Réseau de protection de l’enfance de la province du Houet s’active pour assurer sa sécurité et l’accompagner dans l’accomplissement de son projet personnel. Les réseaux de protection de l’enfance ont été mis en place dans toutes les régions du Burkina et comprennent une équipe pluridisciplinaire faite de professionnels du droit, de la santé, de psychologues et d’éducateurs sociaux etc. Ces réseaux sont créés pour lutter contre toutes les formes de maltraitance dont sont victimes les enfants.
Aux dernières nouvelles, les lignes semblent bouger. Entendu par les services de l’action sociale, l’oncle serait prêt à revoir sa position, mais Martine ne veut plus avoir à faire à lui. Elle insiste pour rester sous la protection des autorités dans l’entente d’un accompagnement pour plus d’autonomie.

L’arsenal juridique burkinabè comprend des textes visant à protéger les enfants et bannir la pratique des unions forcées au Burkina Faso. Cependant, des adolescentes sont toujours violentées et brimées dans leur droit dans le silence coupable de tout un système. Combien de jeunes filles osent, comme Martine, s’érigerer contre des coutumes et pratiques dignes d’une autre époque ? Le cas de cette jeune fille rend plus que jamais actuelles, les recommandations du Comité des droits de l’homme de l’Onu adressées au Burkina. Après l’examen du rapport du Burkina (Voir http://kaceto.net/spip.php?article190) fin juin dernier, l’Onu a salué le 15 juillet l’adoption en novembre 2015 de la Stratégie nationale de prévention et d’élimination du mariage d’enfants (2016-2025), puis déploré la prévalence des mariages forcés et des mariages précoce, et recommandé l’élargissement et l’interdiction des mariages forcés aux mariages traditionnels ou religieux.

*Le prénom a été modifié
Wendbenedo Zanguin,
Kaceto.net (Bobo-Dioulasso)