En décidant de faire rejouer le match Afrique du Sud-Sénégal remporté en novembre 2016 par les Bafana Bafana sur le score de 2-1, la FIFA vient de créer un précédent dangereux, au-delà de l’injustice dont pourraient être victimes les Etalons du Burkina, leader du Groupe D

Le 14 septembre, c’est à dire jeudi prochain, la Commission d’organisation des compétitions de la Fédération internationale de football association (FIFA) décidera définitivement, si le match ayant opposé l’Afrique du Sud au Sénégal le 12 novembre 2016, comptant pour les éliminatoires de la coupe du monde de football "Russie 2018", et qui s’était soldé sur le core de 2-1, sera rejoué ou pas. Le 7 septembre dernier, le secrétaire général adjoint de la FIFA avait notifié à la Fédération burkinabè de football (FBF) la décision prise la veille par la faîtière du football mondial d’annuler le résultat du match cité plus haut et le faire rejouer en novembre prochain lors des journées FIFA.
Pour justifier cette décision inédite dans les annales du football mondial, la FIFA argue que l’arbitre de la rencontre, le Ghanéen Joseph Lamptey a commis une faute en sifflant un penalty inexistant en faveur de l’Afrique du Sud. Dans la foulée, Joseph Lamptey a été radié à vie, coupable d’avoir sciemment manipulé le match.
Une décision qui pourrait occasionner de graves conséquences pour les Etalons du Burkina, leader du groupe D avec 6 points devant le Cap-Vert (6 points) à la différence du goal-average, le Sénégal (5 points) et l’Afrique du Sud (4 points). La FBF a donc en toute logique exprimé son mécontentement en contestant la compétence juridique du Bureau des qualifications de la Coupe du monde FIFA à prendre une telle décision. Et la cause des Etalons aurait pu être bien entendue s’ils avaient le soutien des Banafa Bafana. Mais voilà, contre toute attente, l’Association sud-africaine de football (SAFA) a accepté aujourd’hui 12 septembre de se soumettre à la décision de la FIFA, et consent à rejouer le match.
Mais comme pour atténuer le trouble que sa soumission à la décision de la FIFA pourrait susciter dans l’opinion, la SAFA indique que ses "droits de poursuite pour dommages restent ouverts". De la pure diversion ! Sportivement, que gagne l’Afrique du Sud à rejouer un match qu’elle avait remporté si ce n’est prendre le risque, au mieux, de faire match nul, au pire de perdre ? En s’alignant derrière la FIFA, la SAFA espère t-elle en tirer des dividendes extra-sportives ? L’Afrique du Sud a t-elle renoncé à mener le combat de la qualification à la phase finale du mondial 2018 et à monnayer sa capitulation au profit du Sénégal ?.
Car, le grand gagnant de ce micmac de la FIFA est bien le Sénégal, très mal en point à l’issue du troisième tour des éliminatoires, alors que les Lions de la Téranga étaient donnés comme favoris du groupe. En cas de victoire, voire de large victoire, les Lions prendraient la première place devant les Etalons. Est-ce le but visé par cette honteuse manœuvre de la FIFA, et l’aplatissement de la SAFA face à ce qui ressemble bien à une escroquerie ? On peut légitimement se poser ces questions.

Disons-le tout net : on avait très naïvement pensé que la bourrasque qui a balayé Joseph Blatter et sa clique, y compris l’ex patron de la CAF, Issa Hayatou, tous englués dans des affaires de corruption, puis l’élection de Gianni Infantino le 26 février 2016, avait ouvert une ère nouvelle où sport rimerait avec éthique. Cette affaire constitue une douche froide pour ceux qui croient à une esthétique du sport, y compris dans le sport de haut niveau. La décision de rejouer le match brouille tous les repères qu’on croyait solidement encrés dans les esprits. D’autant que la FIFA a clairement indiqué qu’après enquête, elle était parvenue à la conclusion selon laquelle, l’arbitre ghanéen n’a pas été corrompu pour fausser le résultat du match. Autrement dit, l’arbitre n’a pas agi pour faire gagner des parieurs, ces individus qui ont investi le sport professionnel depuis qu’il brasse des milliards de dollars.
Joseph Lamptey a donc commis une faute d’arbitrage, comme le Suédois Martin Hansson n’avait pas vu la main de Thierry Henry lors du match France-Irlande en novembre 2009 ; comme aussi le tunisien Ali Bennaceur n’avait pas vu la "main de Dieu" le 22 juin 1986 qui permit à Diego Maradona, 1,65m, de battre de la "tête" le gigantesque Peter Shilton, 1,85m à la Coupe du monde à Mexico. Au passage, on peut s’interroger sur le comportement très douteux de la FIFA qui a radié l’arbitre ghanéen alors que le suédois avait été sélectionné pour officier lors des phases finales en Afrique du Sud en 2010.
La FIFA vient de créer un précédent dangereux pour du football mondial. Désormais, on pourra remettre en cause les résultats d’un match qui aura été mal arbitré. On ne pourra plus invoquer le "fait de jeu" pour entériner définitivement l’issue d’une compétition. Si les Etalons devaient être éliminés du fait de ce "lib-lib" de la FIFA, le monde entier aura été témoin de l’injustice qui leur est faite. Et si au final les Lions de la Téranga se qualifient, ils iront en Russie avec l’infâme marque de la sélection ayant bénéficié d’un généreux coup de main de la FIFA.
Mais au-delà du cas du Burkina, c’est une certaine conception du sport et le rôle des l’arbitres dans les compétitions qui sont en jeu. La FIFA en a t-elle conscience ?

Joachim Vokouma
Kaceto.net