Dans leurs campagnes de promotion, le client est plus que roi. Ouvrir un compte ? ça ne pend même pas une minute. Un prêt pour s’équiper, construire une maison, ou se marier ? Pas de soucis à se faire. Une fois le compte ouvert, les choses se compliquent. Le client a parfois le sentiment d’être un nécessiteux venu quémander l’aumône. Témoignage !

En septembre 2014, Bank OF Africa a ouvert une agence à Kossodo, sur l’axe Ouaga-Ziniaré, près de la zone industrielle. Pour les clients habitant la partie Est de la capitale, c’est une très bonne nouvelle. Ils n’auront plus à parcourir de longues distances pour faire leurs opérations. Du temps gagné pour faire autre chose. Du moins, en théorie. Le temps gagné en distance peut être triplement perdu une fois dans les locaux de la banque. Un conseil : avant d’y aller, prenez une natte, ou un matelas, ou encore un fauteuil pliable ; ça pourrait drôlement servir. Pour une bonne sieste. Autre conseil, si vous comptez vous rendre à un rendez-vous après la banque, décaler-le d’au moins deux heures. N’ayant pas été averti, l’auteur de ces lignes en a fait l’amer expérience hier 26 septembre.
Il est 11h15mn pile quand je repends mon ticket sur lequel j’apprends que « 40 visiteurs sont en attente pour cette caisse ». J’ai conscience que je ne serai pas servi toute suite, mais d’après des amis qui sont dans d’autres banques, « c’est pareil ». La salle est bondée de monde et des gens continuent d’arriver. Les hôtesses qui sont à l’accueil, des stagiaires, m’a-t-on dit, s’affairent pour satisfaire les clients. Comme elles peuvent. Elles font des va-et-vient incessants entre les bureaux et leur poste d’attache. Il y a de l’animation.
Pour ceux qui attendent de faire des retraits, il faut plus que de la patience. A mon arrivée, deux guichets fonctionnent. Une dame et un monsieur sont à la tâche. Mais à peine 10 mn plus tard, la dame se lève, range ses affaires et disparait. On croit qu’elle est allée quelque part vérifier quelque chose ou chercher des informations ; enfin, faire quelque chose avant de revenir. Elle ne reviendra pas avant plus de deux heures d’absence ! Pendant ce temps, seul son collègue homme continue de servir les clients qui affluent. Comme d’autres clients, je commence à manifester mon impatience. Un voisin secoue la tête en signe de mécontentement. Aucune information n’est donnée aux clients, assis comme des mendiants venus solliciter l’aumône ! Rien. Il faut seulement attendre son tour. Pourquoi, à cette heure d’affluence, dans cette tranche horaire qui ne correspond nullement à la pause, Bank OF Africa Kossodo traite-t-elle ainsi ses clients ? J’interpelle une des employées de la banque : « Regardez, seul un guichet fonctionne alors qu’il y a du monde. Pouvez-vous dire à votre chef de faire quelque chose ? ». Elle promet de faire la commission. Mais on ne voit rien venir. Je vais donc me plaindre à l’accueil. Une des stagiaires, à qui on apprend à gérer la colère des clients en leur racontant des bobards, me dit que la dame qui était au guichet est allée réparer le distributeur de billets, tombé en panne. Comme elle constate que je n’y crois pas, elle m’indique le bureau de la chargée de clientèle : « Allez voir cette dame, monsieur, c’est elle qui s’occupe de ça ». Il y a déjà un client dans son bureau. Je fais donc le gué et j’attends. De dehors, je vois que son téléphone ne la quitte pas pendant qu’elle pianote sur son clavier d’ordinateur. Le client finit par sortir et j’en profite pour entrer en même temps qu’une demoiselle arrivée avant moi.
Sans perdre de temps, je lui demande pourquoi « vous traitez ainsi les clients. Depuis plus d’une heure, seul un guichet fonctionne. N’est-il pas possible d’ouvrir un deuxième guichet ? ». La dame me répond qu’elle n’a pas la solution, qu’elle n’y est pour rien. « Je comprends votre mécontentement, mais je vous dis que ça ne dépend pas de moi », me lance-t-elle, manifestement excédée par la récurrence de ce type de récrimination. J’ose cette vraie fausse question : « On m’a dit que la dame qui était à l’autre guichet est allée réparer le distributeur de billets tombé en panne. Combien de temps a-t-elle besoin pour ça ? ». Les salariés d’BOA seraient-ils polyvalents, gestionnaires de comptes et bricoleurs sur machines ? J’étouffe de rire quand sa réponse tombe : « Quel distributeur en panne ? Elle est allée allaiter son enfant ». Je me doutais bien qu’on ne m’avait pas dit la vérité, mais je tombe quand même des nues. Donc, à Bank OF Africa, en début de semaine et en fin de mois, aux heures normales de service, un (e) salarié (e) peut abandonner son poste et aller vaquer à ses obligations privées ! Sans être remplacé (e). Quel sens de la gestion du temps professionnel ! Voilà la découverte que je partage généreusement avec vous, lecteurs et peut-être clients de BOA.
Avant de quitter le bureau de la chargée de clientèle, j’ai bien retenu ses conseils : « Monsieur, il n’y a que les clients qui peuvent faire bouger les choses. La direction a mis à votre disposition une boite à idées ; écrivez et mettez ça dedans ; comme ça, quand ils vont lire, ils réagiront ». C’est ce que j’ai fait. J’ai rempli recto verso, (sans intercalaire), une feuille de mon carnet de notes où j’ai écrit l’essentiel de ce que vous lisez. Puis, en attendant mon tour, je me connecte sur Internet pour m’informer des dernières actualités. Un vigile, équipé d’un gilet-pare balle et d’une arme de pointe se dirige vers moi et me dit que « c’est interdit d’utiliser le téléphone portable ici. Pour des raisons de sécurité ». J’obtempère sans broncher. Je constate qu’il est néanmoins sélectif dans l’application de ses consignes de sécurité.
Entre-temps, la dame est revenue et a rejoint son poste. Ils sont maintenant deux à s’occuper de nous. On se dit ça ira plus vite. Mais cet espoir sera de courte durée. A peine 5 mn. Le monsieur, qui s’est coltiné tout seul le boulot en l’absence de sa collègue a aussi le droit de faire autre chose que s’occuper des clients, surtout qu’il était 13 heures passés. C’est à son tour de disparaitre. Puis, comme si la banque jouait avec nos nerfs, une personne est venue s’asseoir devant le guichet N°1, exactement dans la même posture que sa voisine. Sauf qu’elle n’était pas venue pour s’occuper des clients. Juste pour le décor !
C’est donc toujours à compte-goutte que les clients se succèdent devant le seul guichet opérationnel. C’est exactement à 13h33mn que le tableau électronique a affiché mon numéro, m’invitant devant le guichet N°3. Soulagement. Parfois, il ne faut pas aller chercher trop loin le bonheur. En l’occurrence, quel a été le bonheur pour moi de me retrouver devant ce guichet que j’ai longuement regardé de loin sans jamais m’en a approcher ! A l’instant T, je suis épicurien, savourant le plaisir d’être là. Après 2 heures et 18 mn d’attente, je mérite amplement cette récompense ! La dame me lance un « bonjour monsieur », sourire en plus. Je lui rends la gentillesse. Je profite même demander les nouvelles de son enfant. J’apprends alors qu’elle habite dans un quartier loin de Kossodo. Ce qui explique qu’elle ait eu besoin de plus deux heures pour effectuer le trajet aller-retour.
Il me faudra encore un bout de temps pour être servi. La faute à la connexion internet très médiocre que nous offre l’ONATEL depuis des mois, voire des années. En toute impunité. Ou presque.
Je suis à présent un client « comblé », je quitte le hall de l’établissement sans regret. Pas certain que j’y remettrai les pieds. Dehors, je vérifie le fonctionnent des distributeurs de billets : toujours hors service. Une dame, sortie dégourdir ses jambes ne décolère pas contre la banque. « Ces gens-là, c’est pas la peine même quoi. Tu es obligé d’attendre des heures », grogne-t-elle.
Après huit ans passés au Burkina en tant que directeur général, Sébastien Toni a passé le relais le 9 septembre dernier à Faustin Amousseau, un fin connaisseur de la banque puisqu’il a occupé le même poste au Sénégal et au Bénin. Il arrive à Ouaga au moment où les fondamentaux de cette filiale de la Banque commerciale marocaine pour le commerce extérieure (BCME) sont au vert. BOA est une des trois sociétés de droit burkinabè cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) basée à Abidjan et a réalisé au premier semestre 2017, un produit net bancaire de 17,2 milliards de F CFA, le nombre d’agence passé de 25 à 52 et un résultat net de 12,443 milliards de F CFA en 2016. Voilà pour les chiffres.
Il hérite aussi d’agences où les clients attendent plus de deux heures avant d’être être servis ! Où sont les associations de défense des consommateurs ?

Joachim Vokouma
Kaceto.net