Située à 105 kilomètres au Sud de Banfora, chef-lieu de la région des Cascades, la commune rurale de Mangodara possède de véritables atouts agricoles pour lui insuffler un véritable essor économique. Cependant, depuis des décennies, cette localité a longtemps souffert et souffre encore de l’état impraticable de sa principale voie d’accès, la route départementale n°30 qui la relie à Banfora. Constat.

Réputée pour sa forte potentialité agricole notamment en tubercules, la localité de Mangodara a été longtemps plombée par son inaccessibilité. 3 heures 30 minutes en moyenne, c’est ce qu’il faut à un véhicule pick-up pour relier le chef-lieu de région, Banfora à cette cité. Pour ce même circuit, les camions 10 tonnes y consacrent 5 à 6 heures, sinon plus. « Il y a problème », confie tout de suite la voix rauque, Famoro Ouattara, le maire de Mangodara. On peut déjà imaginer le calvaire de celui qui veut découvrir la « cité des danseurs de Koto » (danse traditionnelle), sur cette route plongée dans une dégradation inouïe après sa réfection en 2004. Et en plus des ignames, la cité de Mangodara a fini par forger une autre réputation liée à l’état de la route qui la relie à Banfora. En effet, à la faveur d’une causerie débats sur les pires formes de travail des enfants, nous avons découvert la dure réalité de ce tronçon qui, à vrai dire, est devenue un cauchemar pour les rares chauffeurs qui s’y aventurent encore. Jugez-en vous-mêmes : les nids de poule d’alors ont fait place à des creux et des trous béants, et par endroits, le conducteur plonge dans des mares de boue comme c’est le cas à Nianagara (15 km de Banfora). Plus loin à l’entrée de Boulo, localité située à une cinquantaine de kilomètres, la situation est encore plus intenable : ce qui reste de la voie est carrément défoncé, et le chauffeur est obligé, soit de rouler sur le bas côté, soit se frayer une déviation improvisée au milieu des herbes et des flaques d’eau, avec tous les risques de s’embourber ou d’escamoter son véhicule. Pourtant en 2004, ce tronçon avait été réhabilité par l’Etat burkinabè. Les travaux qui ont donné du fil à retordre au gouvernement, ont englouti quelque 2 milliards de F CFA, avec la promesse d’y couler le bitume quelques années plus tard. En 2011, il a été question de bitumer l’axe Mangodara-Banfora-Sindou par le Millénium Challenge Account dans le cadre du Compact, mais en dernier ressort, c’est le tronçon reliant Banfora à Sindou, long de 55 kilomètres, qui a bénéficié de la générosité américaine. Mais très vite, du fait de l’intensité du trafic sur cet axe, la route départementale n°30 est tombée dans une dégradation avancée. Depuis trois décennies, les populations de cette contrée rêvent d’obtenir un jour, une route digne de se nom et qui leur ouvrira le chemin du développement. Toujours objet de promesse électorale, l’espoir des populations a fini par s’effondrer avec le temps. En 2005, se souvient encore Jacob Ouattara, un habitant de Mangodara résidant à Banfora, une mise en scène « d’un folklore inouï » a été servie aux populations pour les besoins de la campagne présidentielle, avec le lancement des travaux d’aménagement et de reprofilage des routes Banfora-Mangodara et Banfora-Sindou, assorti d’une promesse de démarrage des travaux en décembre 2005, juste après les votes.

Cri de cœur

Plus de 10 ans après, c’est le statut quo, du moins pour Mangodara. Et les populations devront se contenter de végéter entre la boue et les trous. La localité se révèle de plus en plus inaccessible, à cause du mauvais état du tronçon, si bien que ses terres fertiles, ses céréales, ses ignames ou du moins le socle de son développement, semblent comme plongés dans « un trou sans fond ». « Ceci est un cri de cœur pour que cette route puisse avoir un meilleur sort », a martelé la mort dans l’âme, le maire Ouattara, l’ancien garde de corps de Thomas Sankara. En juillet 2017, s’est-il souvenu, une ambulance avec à son bord une femme en grossesse qui devait subir une césarienne, a perdu la vie, suite au dérapage du véhicule sur cette voie accidentée. Et Famoro Ouattara de rappeler au souvenir que « pendant des années, on nous a promis le goudron » avant de renchérir que « c’est un cri de cœur, et le dernier ». Autant le dire, depuis 2014, cet axe n’a bénéficié d’aucun entretien courant.
« Nous courons chaque jour le risque de voir nos camions se renverser », confie ce chauffeur de mini car appelé « Dina », Abou Barro qui finit par lâcher d’un ton amer : « A quoi sert un grenier s’il n’y a pas de route pour y accéder ? ».
Propriétaire d’un mini car, Abou Ouattara est devenu par la force des choses, un simple chauffeur et conduit à présent un « Dina »appartenant à quelqu’un d’autre. La cause, il pointe du doigt l’état de cette route qu’il accuse d’être à l’origine de la dégradation précipitée de son bloc moteur. D’une quinzaine de mini cars il y a quelques années, toujours selon Abou Barro, il ne reste plus que trois seulement sur cet axe, la plupart ayant été amorti par l’état de la route. Le seul car digne de ce nom (de 70 places) est « La Société de transport Mangodara-Bobo » qui, tant bien que mal, arrive à desservir encore la localité. Pourtant, la commune de Mangodara est toujours citée comme une référence dans la production de l’igname et des céréales. Les beaux champs et les impressionnants vergers d’agrumes et de manguiers qui bordent la route en question illustrent s’il en était besoin, le potentiel agricole et fruitier dont regorge la contrée, une des plus prospères des Cascades, voire du Burkina Faso. A l’époque, une dizaine de camions communément appelés 10 tonnes, venaient chaque jour ici, selon les habitants, pour enlever les ignames pendant les récoltes. Les acheteurs affluaient de partout au Burkina Faso et même du Mali et du Niger. La production annuelle de l’igname dans cette commune est estimée à environ 100 000 tonnes par an. C’est donc tout naturellement que le petit commerce qui existe pourrait connaitre un boom avec une voie d’accès plus carrossable, et surtout la mise en marche future du réseau électrique de la SONABEL. Les poteaux sont déjà implantés et les câbles fixés, il ne manque que le jus.

Frédéric OUEDRAOGO/AIB