La dissolution du conseil municipal de la commune de Saponé le 14 décembre en conseil des ministres et la décision du gouvernement de mettre en place une délégation spéciale continuent de susciter la polémique.
Pour l’auteur de la tribune ci-contre, le gouvernement fait fausse route

Le 14 décembre 2017, après la tenue du Conseil des ministres, Monsieur le Ministre chargé des collectivités locales avait laissé entendre qu’un projet de décret dissolvait le conseil municipal de Saponé, sur la base de son rapport. Un deuxième décret sera pris, a-t-il poursuivi, pour nommer un représentant de l’Etat à travers une délégation spéciale et ce pour le reste du mandat du conseil municipal.

Depuis la dissolution du conseil municipal, soit plus de 6 semaines après, les 2 décrets sont introuvables. Aucune trace d’un décret qui dissout le conseil encore moins celui qui nomme le représentant de l’Etat, si bien que tout est bloqué à Saponé.

Pour qui a suivi le développement des évènements de Saponé, Monsieur le Ministre de l’Administration territoriale, en visant l’article 251 du code général des collectivités territoriales qui stipule qu’ « en cas de dysfonctionnement grave pouvant porter à l’intégrité et à la cohésion sociale, un conseil municipal peut être dissout » n’a pas visé juste. Bien que 3 sessions du conseil municipal soient reportées, et ce, sur instructions persistantes de l’Administration, le conseil municipal de saponé fonctionnait, puisque 2 sessions ont été tenues. Les sessions des 14 et 15 novembre 2017 ont regroupé 55 conseillers et celle du 12 décembre 2017, 60 conseillers sur 80. Au regard de la loi, le conseil municipal de Saponé fonctionnait.

Or, le Gouvernement prétend le contraire. S’il voulait prouver que le Conseil municipal ne fonctionne pas, la première précaution qu’il devait prendre était de conduire une mission de médiation présidée par le Haut-Commissaire, l’autorité de tutelle, aux fins de produire un ou des rapports. De toutes nos recherches, aucun rapport n’existe. Rien ! Ni à la préfecture de Saponé, ni au Haut-Commissariat du Bazèga, ni au Gouvernorat du Centre Sud encore moins au Ministère de l’Administration territoriale. D’ailleurs les deux camps, chacun de son côté, sont formels : « depuis l’élection du Maire et sa contestation, nous n’avons jamais reçu une délégation du Gouvernement à Saponé ». Alors quand le Ministre de l’Administration territoriale fait état, à la sortie du Conseil des ministres qui dissolvait le Conseil municipal de Saponé, d’une tentative « d’inciter au dialogue et aux échanges », est-ce une grosse blague ? Si oui, comment va-t-il rédiger son décret en le motivant ? On peut imaginer aisément que si les deux décrets ne paraissent pas c’est parce que le Ministre a conscience qu’il ne peut pas entraîner le Président du Faso dans un parjure, en lui faisant signer un décret basé sur du faux.

Reste la cause de l’incendie de la Mairie de Saponé. Bien que l’origine criminelle de cet incendie ne fait l’ombre d’aucun doute, si le Gouvernement l’évoque pour justifier la dissolution du conseil municipal, il avoue explicitement qu’il sait qui a brûlé la Mairie avant le démarrage de l’enquête. Or, comme dirait l’autre, « dans une République normale » la première tâche du Gouvernement aurait été de mettre hors d’état de nuire, celui ou ceux qui ont porté atteinte aux bien publics et non pas légitimer son action en punissant les populations innocentes de Saponé. On a beau donc retourner le problème dans tous les sens, l’argument de l’incendie de la Mairie est tellement léger pour justifier à lui seul la dissolution du Conseil.

Il reste le deuxième décret qui tarde aussi à voir le jour. Et ce décret ne peut pas voir le jour. Pour une simple raison. La loi 055-2004 du 21 décembre 2004, portant Code général des collectivités territoriales au Burkina Faso a été modifiée le 18 mai 2017. En effet, l’alinéa 6 de l’article 252 de la loi 027-2017 stipule qu’« en cas de crise répétée entraînant pour le même conseil municipal une seconde dissolution (…), il est procédé à l’installation d’une délégation spéciale présidée par un membre désigné en son sein dans les conditions fixées par décret pris en conseil de ministres ». Or le Ministre « veut nommer son gars » comme représentant. Si cela est, fort probablement, le Ministre ne maîtrise pas lui-même ses propres textes. Dans le cas de Saponé, il n’en n’a pas le droit et ne peut pas par « le seul fait du prince » nommer « son » représentant.

Il reste alors l’application de l’alinéa 7 de l’article ci-dessus cité : « si au terme d’un nouveau conseil municipal, les conseillers élus ne peuvent pas mettre en place les organes dirigeants de l’Assemblée délibérante et/ou ceux de l’exécutif, il est procédé à l’installation d’une délégation spéciale présidée par le représentant de l’Etat dans les conditions fixées par décret pris en conseil de ministres ». Or, si la délégation spéciale est maintenue, contre toute logique et en toute illégalité par le Gouvernement, l’Administration s’est suffisamment mis à dos presque toute la population de Saponé, qu’il ne reste qu’à cette population de reconduire les mêmes conseillers municipaux comme membres de la délégation spéciale et de reconduire tel quel le bureau actuel. Et le pied de nez sera parfait vis-à-vis du Gouvernement.

Quelque soit donc la couture sous laquelle on examine le problème, le Gouvernement s’est laissé véritablement entraîner dans un vrai imbroglio. Il s’est vraiment pris les pieds dans le tapis.

Il reste alors la troisième solution : garder la décision de la délégation spéciale et reprogrammer une troisième élection à Saponé. Or, si le Gouvernement persiste dans ses propres erreurs à vouloir jeter de l’argent par la fenêtre pour résoudre un problème qui n’en est pas un, il y a de très grandes chances que les Burkinabè poussent un cri de désapprobation d’une telle gestion. On ne peut pas Gouverner une République comme l’on gouverne un parti, en faisant ce qui semble bon à ses dirigeants, fussent-ils tout puissants.

Enfin, mieux ou pire, c’est selon, c’est l’incapacité du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) à gérer ses propres contradictions internes qui a provoqué toute cette chienlit à Saponé. Il est fort probable que la sanction contre ce parti soit sans appel à Saponé, si l’on reprenait les votes.

Qu’en sera-t-il enfin de la médiation entreprise par le Médiateur du Faso ? Très certainement, entre deux mots, la Samo ne manquera pas de demander à ceux qu’elle considère comme ses esclaves « d’obéir à ses ordres de réconciliation ». Et les esclaves obéiront à leur chef ! Vivement donc que le Médiateur aide le Gouvernement à sortir de ce bourbier, pour la paix à Saponé.

Kuilga Bonkoungou