Après avoir joué à se faire peur durant plusieurs semaines, les dirigeants du Congrès pour la démocratie et le progrès ont signé la paix des braves hier 25 février en reconnaissant Eddie Komboïgo comme président. Du moins, jusqu’au congrès de mai prochain !

« Y a-t-il encore quelqu’un qui veut intervenir ? Plus de question ? ». Dans la salle de conférence du Conseil burkinabè des chargeurs, il est un peu moins de 17 heures hier, quand le président du Congrès pour la démocratie et le progrès, Eddie Komboïgo pose cette dernière question. Aucun doit ne se lève. « La séance est donc levée. Bon retour dans vos famille respectives », déclare-t-il. On se donne des accolades. Des éclats de rires fusent. « La légalité a triomphé et le CDP est de retour », lance un délégué venu de Bobo-Dioulasso. Fin de la guéguerre pour le contrôle de l’ancien parti au pouvoir à laquelle se sont livrés deux camps, celui des légitimistes dirigé par Achille Tapsoba et Léonce Koné, respectivement premier vice-président du CDP et président de la commission ad’hoc. L’autre camp, celui des légalistes, étant incarné par Eddie Komboïgo, élu président lors du congrès de mai 2015.
Le duo avait été mis en place pour combler l’absence de son président statutaire, qui avait quitté le pays au lendemain du putsch manqué de septembre et n’y est revenu qu’en janvier 2016. Accusé d’avoir trempé dans le « coup d’Etat le plus bête du monde », conduit par le général Gilbert Diendéré, dont le procès demain 27 février, Eddie Komboïgo avait été arrêté et incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), avant d’être blanchi en août dernier.

Au présidium, Eddie Komboïgo, Achille Tapsoba, Léonce Koné, Moïse Traoré, Salif Sawadogo, se congratulent, sourire aux lèvres. En apparence, tout va maintenant bien. On a tourné la page de plusieurs semaines durant lesquelles les principaux dirigeants du CDP ont joué à se faire peur. La réunion du bureau politique convoquée hier au Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) et qui a duré de 11h30 à 17h, a entériné les décisions prises par le Bureau exécutif national le 21 février 2018 : le président du CDP est bel et bien Eddie Komboïgo, Achille Tapsoba garde son poste de 1er vice-président, et Léonce Koné 2è vice-président chargé la commission ad’hoc. Le prochain congrès ordinaire aura lieu les 5 et 6 mai 2018. D’ici là, la commission ad’hoc devra parachever, au plus tard fin mars, la mise en place des structures de base dans certaines provinces qui manquent encore à l’appel.
Rétabli dans son droit, le patron du CDP savoure secrètement sa victoire. A ses camarades, il sonne la mobilisation. « Nous ne sommes pas des adversaires, encore moins des ennemis. Notre seul adversaire s’appelle le MPP », lance-t-il, devant un auditoire tout excité. Pour lui, le seul combat à mener dans un avenir proche, c’est travailler au retour du fondateur du parti, Blaise Compaoré. « Au besoin, on ira le chercher en hélicoptère à Abidjan jusqu’à la frontière, puis, de là, on l’escortera jusqu’à Ouagadougou », dit-il. Eléments de langage très rassembleurs et mobilisateurs. Blaise Compaoré reste le plus petit dénominateur commun dans un parti qui a été durement éprouvé par l’insurrection populaire d’octobre 2014 et du putsch de septembre 2015. Une séquence de l’histoire politique récente du Burkina qui a installé un climat de suspicion entre camarades, et qui ne peut être effacé d’un trait.

Hier, au CBC, tout le monde sait que ce qui vient de se passer n’est qu’une paix des braves qui pourrait durer juste quelques semaines. En vérité, chacun va ranger momentanément son couteau à moitié. Le camp d’Eddie Komboïgo sait qu’en récupérant la présidence du parti, rien n’est pour autant gagné. Le congrès de mai prochain est une étape à risques, et l’unité du parti n’est pas encore totalement acquise. L’enjeu, bien entendu, c’est la présidentielle de 2020 à laquelle tout le monde pense en se rasant le matin. « Il est le président du parti, mais, même s’il conserve son poste à l’issue du congrès, ce qui n’est pas gagné, rien ne dit qu’il sera notre candidat en 2020 », souffle un militant qui avoue travailler à la promotion de la candidature de Kadré Désiré Ouédraogo.
Avant de lever la séance, le président du CDP invite ses camardes à suivre le procès du putsch qui s’ouvre demain, à soutenir les camardes qui sont appelés à comparaître en tant que témoins, dont lui. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, « personnellement, je ne répondrai pas à la convocation », parce dit-il, un mot mal placé peut compliquer les choses.
Assise au premier rang, Juliette Bonkoungou demande le micro et rappelle au président que refuser de répondre à une convocation, c’est s’exposer à des poursuites judiciaires et risquer la prison.

La salle se vide. Ceux qui sont venus de province préfèrent renoncer au pot de affranchissement et s’empressent de regagner leur base avant que la nuit ne tombe.
Comme pour montrer l’unité retrouvée du parti, Eddie Komboïgo, Achille Tapsoba, Léonce Koné, prennent ensemble un bain de foule et se prêtent aux photos et aux selfies. Commentaire d’un militant : "C’est pas mieux comme ça ? De toute façon, si les trois ne s’étaient pas entendus, on allait les chasser tous ; parce que nous, on veut prendre le pouvoir en 2020 et il n’est pas question qu’on s’amuse avec ça".
Au siège du CDP, avenue Kwamé Nkrumah, des jeunes portant des tee-shirts floqués aux couleurs du CDP et des photos du président attendent de faire la fête.

Joachim Vokouma
Kaceto.net