Qu’est-ce qu’un enfant ? Un petit homme ou un grand en devenir ? Que représente t-il dans l’organisation et le fonctionnement des sociétés humaines ? Eléments de réponse avec notre chroniqueur, Boubacar Ouédraogo inspecteur et chercheur en Education et en Innovation pédagogique.

En Afrique, il n’y a pas une paidologique systématique, car la conception de l’enfant varie selon les cultures et les milieux. Pour Pierre Erny, les cultures africaines ont cependant un dénominateur commun en ce qui concerne le questionnement sur la nature de l’enfant qu’elles désignent comme une force vitale qui est en liaison avec d’autres forces. Il ajoute que la personnalité de l’enfant a tout de même une spécificité car, « celle-ci se distingue de la personne adulte par le fait qu’elle n’est pas encore parvenue à maturité…. elle est essentiellement dynamisme, tension, acheminement vers un état plus parfait. »
Il y a dans les cultures africaine, une approche mystique et mythologique de l’enfant qui fait de lui un être pur, non encore souillé par les déchets de la société car venant d’arriver du monde céleste. Cette divination de l’enfant fait de lui un sage dans beaucoup de traditions. ENRY a pu constater que : « dans les traditions mystiques, les plus différentes, on affirme la nécessité, pour celui qui veut réintégrer le divin, de redevenir petit enfant, de redécouvrir une enfance spirituelle. »
L’enfant est dans cette conception traditionnelle, une marque de bénédiction par laquelle la société se perpétue par une sorte de métempsychose, voie par laquelle les ancêtres reviendraient pour un nouveau parcours terrestre. Dans ce sens, « la naissance d’un enfant dans une famille africaine est toujours saluée avec joie et reconnaissance ; reconnaissance envers Dieu et reconnaissance envers les divinités tutélaires de la famille qui a enregistré cet heureux événement. »
L’enfant dans ce contexte africain est la perpétuation du sang, du sang de la famille, du sang du clan et un trait d’union entre les vivants et les morts, qui, mérite d’être bien traité.

Cette appellation affective et identitaire peut survivre à l’enfant c’est-à-dire du petit de l’homme pour concerner l’adulte africain. C’est pourquoi, pour montrer les origines d’un homme ou d’une femme on dit qu’il est le fils ou qu’elle est fille de telle région. Cette appellation est en même temps une reconnaissance de toute la communauté envers un des leurs, une marque d’affection et un témoignage d’une union sacrée autour de la même identité. Dans ces conditions, on peut être vieux ou vielle et être enfant toujours appelé enfant.
Cette acception de l’enfant échappant aux segments de la temporalité se trouve aussi dans la conception religieuse de l’enfance. Pour certaines religions, l’enfant est la manifestation de l’amour incarné. Ainsi, la notion de l’enfant échappe aux segments de l’âge pour concerner tout Homme. Nous pouvons dans ce sens lire dans la Bible le passage suivant : « Nous sommes tous enfants de Dieu. »
Etre enfant dans ce cas, c’est reconnaître sa faible condition de créature mortelle
et « passagère sur la terre », c’est rechercher même étant adulte, la protection et l’affection d’un père (céleste). C’est aussi admettre l’omnipotence d’une force transcendantale par laquelle on justifie l’existence, c’est enfin la manifestation de la foi. Certains intellectuels africains sont beaucoup travaillé sur la conception de l’enfant et son éducabilité à partir des traditionnelles. C’est le cas du Professeur Amadé Badini dont le résumé de ses réflexions fera l’objet de notre prochain article.

Boubacar Ouédraogo
Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré
En service Direction Générale de la Recherche en Education et de l’Innovation Pédagogique (DGREIP) Ouagadougou
Kaceto.net