Les 5 et 6 mai prochain, le Congrès pour la démocratie et le progrès tient son 7è congrès ordinaire à Ouagadougou. Un rendez-vous qui pourrait sceller l’unité retrouvée des militants, mais qui pourrait aussi être consacrer l’implosion du parti tant les rivalités internes dépassent parfois les divergences idéologiques de ceux qui le dirigent.

Quel visage prendra le CDP après son 7è Congrès ?

Après le traumatisme causé par la perte brutale du pouvoir en octobre 2014 et le coup d’état de septembre 2015, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a réussi l’exploit d’engranger 18 sièges à l’Assemblée nationale, et contrôle beaucoup de mairie suite aux dernières municipales. A présent, le CDP, qui renaît de ses cendres est en train de prendre son envol et aborde avec sérénité les échéances électorales de 2020.
Bien sûr, les velléités récentes de certains responsables qui voulaient confisquer la présidence au nom d’une légitimité interne au détriment de la légalité, tentative qui n’a pas abouti, sont encore présentes dans les esprits. L’opinion publique et des personnes ressources internes ont permis au parti de retrouver sa direction légale, d’entamer sa restructuration pour aller vers son 7è congrès prévu les 5 et 6 mai 2018 au palais des sports de Ouaga2000.
La question qui pose est de savoir quel visage prendra le CDP après ce congrès qui devrait sceller l’unité retrouvée des militants. Cette question, loin de poser un problème de cohésion du parti, interpelle par rapport à un leadership affirmé.
Le congrès du week-end prochain permettra de savoir si le CDP a les ressources nécessaires pour survivre à son père fondateur. Si face aux caméras, l’union des dirigeants a été réalisée, il semble que certains barons n’aient pas digéré le retour du président statutaire. Les dernières sorties du parti sur le terrain pour se rendre visible ont certes mobilisé les foules, mais elles ont été aussi l’occasion de remarquer la grande absence de ces barrons opposés au président actuel. Et c’est cette situation de fait qui légitime l’interrogation sur l’issue du 7è congrès en termes de leadership.
Cette situation est le propre d’une mutation vers la maturation d’un parti qui, en atteignant la vingtaine, se voit privé de son père fondateur. Il est donc normal que le contrôle de ce parti suscite tant de convoitises. Des barrons qui ont vécu aux côtés du père se sentent plus légitimes à la succession, pendant que des jeunes sont prêts à s’émanciper et à reconditionner le parti par rapport à leur époque.
Le fait d’avoir plusieurs manifestations de candidatures pour la direction du parti révèle son dynamisme et montre aussi qu’il est devenu un cadre libéré pour l’expression des ambitions plurielles, ce qui, apparemment a manqué dans un passé récent.
Les premières crises d’adolescences du CDP se sont manifestées véritablement en 2009 avec les propos du Feu Salifou Diallo, qui avait pointé du doigt la gestion paternaliste et patrimoniale du pouvoir.
Il avait été vite rappelé à l’ordre par une suspension. En clair, peu de militants se sont exprimés sur la crise d’adolescence de ce parti en présence de son père fondateur. Certains ont préféré démissionné pour se réaliser politiquement, pendant que d’autres ont joué la compagnie, renonçant à influencer la transformation du parti, n’en parlons pas de commettre un parricide !
Mais, le vrai problème de cette guerre de succession tient à la personnalité singulière du fondateur, qui a gouverné un pays avec un parti et une majorité sans une véritable idéologie. En fait, Blaise Compaoré ne s’est jamais enfermé dans une idéologie pour gouverner le Burkina Faso. Comme à la De Gaulle, il fonctionné par son propre charisme au service d’un Etat. En l’absence d’une idéologie dans la gouvernance, tous les successeurs potentiels de Compaoré peuvent s’en réclamer sans pour autant prouver l’ordonnancement des liens objectifs et s’en dédouaner si son héritage devenait encombrant.
Le CDP en tant que parti a certainement de la ressource pour se reconstruire et aller à la conquête du pouvoir. Mais il doit savoir assumer son histoire même lourde et en même tant savoir tourner la page pour proposer une véritable alternative politique du futur.
Pour ce faire, le CDP a besoin d’un leader qui tient sa légitimité de sa capacité à proposer une vision et donner à cette vision de la réalité. Cette légitimité ne peut pas provenir de la seule caution ni d’un père fondateur ni de certains barrons qui ont visiblement conduit leur fondateur à l’exil. Son leadership devra venir de son authenticité à communiquer, de ses réelles compétences et de ses capacités à fédérer et à développer des réseaux, et surtout de se son pouvoir à déjouer les pièges de ses camarades challengers et des ses adversaires politiques.
Du fait que le départ du père fondateur du CDP se soit déroulé dans des conditions d’insurrection comme une forme de rejet brutale de sa gouvernance, les barrons qui l’ont accompagné jusqu’à cette chute, peuvent perdre triplement leur crédibilité du côté de ce dernier, mais aussi du côté de l’opinion publique et de côté de la jeunesse montante du parti.
Premièrement, en se proposant de diriger le CDP, les barrons voudront certainement faire mieux que celui avec lequel ils ont travaillé. De ce fait, ils montrent leur manque de courage de n’avoir pas osé lui affirmer ce qui était nécessaire pour éviter l’insurrection.
Deuxièmement, la même opinion qui a prévalu au départ du père fondateur aura du mal à accepter ses fidèles barrons.
Troisièmement, les jeunes qui aspirent au changement auront du mal à comprendre la position de ces barrons à vouloir rediriger un appareil qu’ils n’ont pas su transformer pour éviter l’insurrection.
Les militants de ce parti ont toutes les cartes pour proposer à l’ensemble des Burkinabè une organisation moderne, débarrassée de ses tendances lourdes qui ont souvent plombé son fonctionnement. Ils doivent aussi avoir le courage de se doter d’une direction qui rompt avec les pratiques d’un fonctionnement au bon vouloir du prince et qui représente les aspirations de la majorité de la population.

Yves Millogo ; Militant CDP, ancien secrétaire général de la section France
Kaceto.net