Du 29 juillet au 3 août s’est déroulée au Rwanda, la 10ème édition du Festival panafricain de danse (FESPAD), une manifestation initiée en 1998 par l’Union africaine dans le but de promouvoir la culture et la paix sur le continent.
Le Burkina était représenté à ce rendez-vous du donner et du recevoir par l’ensemble artistique « Bolomakoté », une troupe qui a collectionné des trophées à l’occasion des éditions de la semaine nationale de la culture.
C’est le ministre de la Culture, des arts et du tourisme, Abdoul Karim Sango qui a conduit la délégation burkinabè, un séjour qui lui a permis de découvrir, au-delà de la qualité des prestations artistiques proposées, le niveau d’organisation et de développement auquel ce pays est parvenu, 24 ans après le génocide qui avait ébranlé les consciences.
Sur sa page Facebook, le ministre Sango partage ses impressions et surtout ses convictions : contrairement aux négrologues et autres afro pessimistes, l’Africain est bien capable d’assumer son destin

Je partage avec vous ce qui m’a impressionné au cours de ce séjour rwandais où nous avions été invité pour célébrer le festival panafricain de danse (Fespad) et l’Umuganura, fête nationale pour dire merci à Dieu et aux ancêtres pour les récoltes qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C’est aussi le lieu pour ceux qui ont fait une bonne production de la partager avec ceux qui en ont eu moins. La solidarité institutionnalisée et non proclamée comme dans beaucoup de pays africains.
Pour un Burkinabè, on est fier de noter que Thomas Sankara et le peuple burkinabè sont une source d’inspiration pour les Rwandais. Mais je dirais plutôt que c’est Thomas Sankara la principale source d’inspiration ! Après lui, les bobodioufs figurent parmi les burkinabè les plus connus dans ce pays. Le Rwanda contredit toutes les analyses racistes et pessimistes sur l’avenir de l’Afrique et de l’homme noir, incapable de se développer en se prenant en charge.
En moins de 30 ans, le Rwanda est le pays disposant de la marge de progression de développement la plus importante. Dans quelles conditions ?
Le Rwanda c’est seulement 26000 km2 soit moins du1/10 ème du Burkina, 12000 000 d’habitants et enclavé (ne disposant pas d’accès à la mer). Tout le pays est fait de collines ! L’appellation pays de 1000 collines provient du fait que les Rwandais sont incapables de dénombrer en réalité le nombre de collines existant sur leur territoire.
Dans cet environnement austère, le Rwanda semble avoir réussi le défi de l’autosuffisance alimentaire. Chaque millimètre de pluie est récupéré et exploité rationnellement dans des systèmes de barrage. Le professeur Laurent Bado, théoricien du tercerisme serait fier de voir que cette idée qui lui est chère est mise en œuvre dans ce pays frère. Chaque famille au village dispose d’un casier de conservation de l’eau pour le jardinage. Les Rwandais ont découvert la culture de riz il y a à peine 10 ans selon nos informations mais à voir les populations dans leur rizière, on croirait qu’elles en ont une longue pratique.
Des efforts effectifs de transformation des produits agricoles que l’on trouve un peu partout dans les super marchés. C’est le cas du cas du café, et du thé.
Au plan du transport, on est impressionné par la qualité de la flotte aérienne composée de plusieurs avions avec des vols vers des destinations comme Londres. Rien à envier aux aéroports des pays dits développés. Tout étranger désirant se rendre dans ce pays, peut obtenir son visa par une procédure électronique en ligne et récupérer le visa à l’arrivée au montant uniforme pour tout le monde de 30 dollars. Ce mécanisme a permis d’augmenter considérablement le nombre de touristes s’y rendant en visite. L’accès à internet haut débit est une réalité pour plus de 95% de la population sur l’ensemble du territoire. Quand on pense que dans certaines capitales africaines, l’Internet reste encore un luxe !
Pour désengorger Kigali, l’Etat a entrepris une politique volontariste de construction de 8 villes moyennes. J’en ai visité quelques-unes (Rwamangana, Huye, Nyanza…), ces villes n’ont rien à envier à la capitale. Le Rwanda doit être le seul pays africain où on a compris que la ville ne peut pas se limiter qu’aux capitales.
La corruption est quasi inexistante. Toutes les procédures administratives sont dématérialisées. Pas de service de douane et des impôts en charge de collecter des recettes. C’est un travail qui est fait par un service unique dont la mission est de simplement s’assurer que l’argent des taxes et impôts est régulièrement payé. Aucune possibilité de manipulation de deniers par les fonctionnaires. Devant la qualité de la prestation de l’agent de police à l’aéroport, j’ai été gêne de lui remettre un pourboire. Cette pratique aurait scandalisé les gens m’a t-on dit.
Quel peut être le secret de tout cela :
 la discipline est un principe intégré au sein du peuple, au marché on s’aligne tranquillement pour attendre son tour ;
 la bonne gouvernance, une vertu exigée premièrement des gouvernants. Le président rappelle aux gouvernants qu’ils sont là d’abord pour être au service des populations. L’intérêt général doit primer sur tout.
 l’histoire du génocide. Les Rwandais ont compris qu’il est inutile de ruminer cette histoire. Mais de l’assumer et construire un pays fort au service de tous sur les cendres fumantes de cette histoire tragique. À la différence d’autres peuples, ils croient en l’avenir de leur pays. Le passé c’est le passé ! Sans l’oublier, projetons-nous dans l’avenir tel semble être leur secret.

Abdoul Karim SANGO
Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme