Alors que la commission constitutionnelle mise en place n’a pas encore commencé ses travaux, l’idée même d’une nouvelle constitution ne fait pas l’unanimité. Le texte ci-contre en donne l’exemple. Il émane d’un de nos juristes les plus en vue depuis plusieurs années et par ailleurs ancien ministre de la Fonction publique sous la Transition

Personnellement, après des mois de réflexion, je me suis posé la question : une révision de la Constitution, pourquoi pas ? Parce qu’on peut toujours améliorer nos textes fondamentaux. Quand on prend la Constitution originelle, celle qui a été adoptée par référendum le 2 juin 1991, et quand on prend la même Constitution révisée, la dernière révision étant celle opérée par le Conseil national de la Transition en novembre 2015, ce n’est pas la même chose. C’est un texte qui s’est bonifié. Dans cette perspective, je me dis qu’une révision de la Constitution pour bonifier davantage la Loi fondamentale ne sera pas de trop. D’ailleurs, la Constitution prévoit la possibilité d’une révision et donc, dans ce sens, je ne suis pas opposé à ce qu’il y ait une révision de la Constitution. Mais un changement de Constitution, c’est un autre débat. Il y a le débat que l’on peut mener sur le plan juridique et celui que l’on peut mener sur le plan politique. Je m’en tiendrai seulement au débat sur le plan juridique, mais ce n’est pas parce que je n’ai pas d’arguments sur le plan politique. Quand on prend notre Constitution, il n’y a aucune disposition qui prévoit la possibilité d’une révision intégrale. Ce que la Constitution en vigueur prévoit, c’est qu’on puise les modalités de sa propre révision. En tant que juriste, cela me pose un problème lorsqu’on veut changer de Constitution alors que la Loi fondamentale qui est la loi suprême du pays, ne le prévoit pas. C’est un casse-tête juridique auquel il n’y a pas de solutions juridiques. C’est une problématique que l’on a rencontrée dans beaucoup de pays africains. Par exemple, au Niger, lorsque le président de l’époque voulait réviser intégralement la Constitution, c’est-à-dire laisser la Constitution en vigueur pour en élaborer une autre, la Cour constitutionnelle s’était opposée en disant que cette hypothèse n’est pas prévue par la Constitution en vigueur. Par conséquent, envisager une révision intégrale de la Constitution, c’est-à-dire la remplacer par une autre, serait violer la Constitution dans la mesure où une telle hypothèse n’est pas prévue. Indépendamment des intentions de l’ancien président du Niger, la question juridique que la Cour constitutionnelle avait à trancher, était de savoir si c’est possible de laisser une Constitution en vigueur pour élaborer une nouvelle Constitution. Et à cette question, la Cour Constitutionnelle du Niger a répondu « non ». Et c’est le même problème juridique qui va se poser au Burkina Faso, s’il s’agit d’élaborer une nouvelle Constitution. Ce que nous enseignons en droit constitutionnel, c’est qu’il y a d’une part le pouvoir constituant originaire et d’autre part le pouvoir constituant dérivé. Le pouvoir constituant originaire est le pouvoir d’établir une nouvelle constituante, mais nous enseignons qu’on établit une nouvelle Constitution lorsqu’il y a un changement de régime. Par exemple, lorsque nous sommes dans une situation de régime d’exception et l’on veut passer à un régime constitutionnel. Ou bien, il y a un nouvel Etat qui émerge à la suite d’une décolonisation et l’on veut marquer la rupture avec l’ordre politique antérieure. La théorie du pouvoir constituant originaire est une problématique qui se pose d’un point de vue politique, mais pas d’un point de vue juridique parce que, généralement, ce sont des situations de fait qui amènent à élaborer une nouvelle Constitution. Le pouvoir constituant dérivé ou institué, c’est le pouvoir de réviser la Constitution et c’est un pouvoir qui est régi par la Constitution en vigueur. Je suis très perplexe par rapport à cette idée de remplacer la Constitution en vigueur par une nouvelle

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