L’île a perdu le soutien du Salvador qui a cessé ses relations avec elle pour établir des liens officiels avec Pékin, lancé dans une série d’opérations pour isoler la présidente Tsai Ing-wen

La métaphore pourrait être médicale : étouffement, hémorragie, mort lente. Avec la nouvelle perte d’un allié diplomatique, Taiwan voit sa représentation internationale se réduire comme une peau de chagrin. Mardi, le Salvador a officiellement établi des relations avec la Chine, devenant depuis l’élection de la présidente autonomiste taïwanaise, Tsai Ing-wen, en janvier 2016, le cinquième Etat à faire défection. La reconnaissance de la Chine populaire par le Salvador met fin à cinquante-huit années d’alliance entre le pays d’Amérique centrale et le gouvernement taïwanais.
En deux ans et demi, Taipei a perdu la reconnaissance du Burkina Faso, du Panama, de la République dominicaine, de Sao Tomé-et-Principe qui ont choisi de répondre aux appels sonnants et trébuchants de la Chine continentale. Seulement 17 Etats (essentiellement des micro-Etats et des petites nations comme le Vatican) ont des relations diplomatiques avec Taiwan, en froid avec Pékin depuis 1949. Cette année-là, après avoir perdu face aux communistes de Mao Zedong, les nationalistes de Tchang Kaï-chek se sont repliés à Taipei. Depuis, l’île, qui n’a jamais formellement demandé l’indépendance, se gère d’une façon autonome et bénéficie de tous les attributs d’une réelle démocratie avec des élections, une société civile active, une presse libre et une liberté d’expression qui sont loin d’être des valeurs et des pratiques communément admises en Asie.

Giron et ambitions

Comme elle le fait à chaque défection, la présidente Tsai Ing-wen a regretté mardi la fin des relations avec le Salvador, victime, selon elle, d’une « guerre diplomatique entre les deux rives » du détroit de Formose. En froid avec les autorités chinoises qui cherchent à réintégrer l’île dans son giron, Tsai Ing-wen, première présidente du monde chinois, a dénoncé les « pressions » répétées de Pékin qu’elle accuse d’être une « menace pour la paix dans le détroit » et la cause d’une « grave instabilité mondiale. […] La force de l’offensive de la Chine contre la souveraineté de Taiwan est sans précédent. » Fin juin déjà, cette Angela Merkel d’Asie avait raconté à l’AFP comment son pays faisait face à des « pressions énormes » de la part de la Chine, appelant la communauté internationale à « contenir » les ambitions de Pékin.

Le ministre taïwanais des Affaires étrangères, Joseph Wu, s’est montré explicite dans le chantage au porte-monnaie de la Chine, en indiquant que le régime communiste chinois avait fait miroiter des financements aux alliés de Taipei : « Nous n’allons pas nous engager dans une diplomatie du dollar contre la Chine. » Le Salvador avait réclamé « des financements colossaux », selon lui, pour le développement d’infrastructures portuaires, un projet que les autorités taïwanaises ont refusé de financer au motif qu’il était économiquement infaisable. Pékin a répondu présent. Tout comme pour le Panama l’année dernière qui avait demandé des investissements chinois.

« Guerre psychologique »

« La rupture des relations diplomatiques n’est pas un incident isolé, a déclaré mardi Tsai Ing-wen. Tout cela fait partie d’une série d’actes de coercition diplomatiques et militaires. Cela comprend l’envoi d’avions militaires pour encercler Taiwan, contraindre les compagnies aériennes internationales à changer de désignation pour Taiwan, priver la ville de Taichung de son droit d’accueillir les Jeux de la jeunesse de l’Asie de l’Est […]. La Chine n’a jamais assoupli son emprise. »

Ces derniers mois, Taipei a dénoncé à plusieurs reprises les menaces et les intimidations de Pékin. En début d’année, les Taïwanais ont dénoncé l’ouverture par les Chinois de couloirs aériens qui présentent des « risques sécuritaires » dans le détroit de Formose. L’année dernière, ils critiquaient la « guerre psychologique » de la Chine en listant les violations de son espace aérien, la multiplication des opérations militaires au large de ses côtes et les intimidations à répétition à l’encontre de ses alliés, ses soutiens et ses intérêts économiques. Pékin continue à avancer ses pions et à priver peu à peu Taiwan de ses soutiens.

Arnaud Vaulerin
Liberation