Absent de Ouagadougou, dès les premières heures du putsch manqué du 16 septembre 2015, le capitaine Abdoulaye Dao, revenu de Bobo-Dioulasso vers 23 heures le même jour, semble y avoir joué un rôle crucial selon le parquet militaire. Mais l’accusé clame le contraire.

Devant la barre du Tribunal militaire de Ouagadougou, mercredi, le capitaine Abdoulaye Dao reconnait avoir échangé dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015, au téléphone avec le médecin-colonel Mamadou Bamba sur le putsch et le communiqué de proclamation du Conseil national de la démocratie (CND).

Selon le capitaine Abdoulaye Dao, dans les échanges, il a informé le médecin-colonel Mamadou Bamba que c’est le sous-lieutenant Boureima Zagré qui a été désigné par le commandement de l’armée pour annoncer la prise de pouvoir.

Un choix auquel, lui avait émis des réserves jugeant le concerné trop jeune pour assumer de telles responsabilités.

Le capitaine a alors expliqué devant le Tribunal militaire que face à ses réserves, le médecin-colonel Mamadou Bamba s’était proposé pour lire la proclamation de prise de pouvoir.

Une requête que lui Dao selon ses dires, a transmis au général Gilbert Dienderé et au colonel-major Boureima Kéré qui l’ont validée.

Une version battue en brèche par les propos du médecin-colonel Mamadou Bamba devant le juge d’instruction.

Selon le parquet militaire, le médecin-colonel Mamadou Bamba aurait déclaré devant le juge d’instruction, qu’il était couché chez lui quand il a reçu un appel du capitaine Abdoulaye Dao qui l’a informé que c’est lui Bamba qui a été choisi pour lire la déclaration de prise de pouvoir.

Une information à laquelle, le médecin-colonel Mamadou Bamba selon le parquet militaire, aurait mesuré le pour et le contre et estimé qu’il n’avait pas le choix avant d’accepter la mission qui lui était assignée par les chefs militaires.

Quoi qu’il en soit, le médecin-colonel Mamadou Bamba a retrouvé le capitaine Abdoulaye Dao le 17 septembre 2015 matin, dans les locaux de la Télévision nationale qui lui a remis la déclaration que Bamba a lue annonçant la prise de pouvoir par le CND présidé par le général Gilbert Diendéré.

Devant la barre du Tribunal militaire, le capitaine Abdoulaye Dao a déclaré qu’il ignorait que la déclaration qu’il venait de remettre au médecin-colonel Bamba annonçait un coup d’Etat.

Il a expliqué que c’est à la lecture de cette déclaration par le médecin-colonel Mamadou qu’il a su comme la plupart des Burkinabè, que les évènements en cours depuis la veille, étaient un coup d’Etat.

Pour le parquet militaire, l’accusé en désignant le médecin-colonel Mamadou Bamba pour la lecture de la déclaration, devrait normalement savoir qu’un coup d’Etat était en cours d’exécution.

« Selon moi, l’arrestation du président Michel Kafando la veille avec certains de ses ministres, était le déroulement d’une autre crise à laquelle toute la hiérarchie militaire s’attelait pour la résolution », s’est justifié l’accusé.

Aussi la déclaration qu’on lui a remise pour lecture à la télévision nationale, pense-t-il, était l’accord trouvé après les concertations sur la crise comme il en a été lors des précédentes crises.

Il était loin selon lui, de s’imaginer que c’était une déclaration de prise de pouvoir.

« Vous étiez absent aux moments des faits, pourtant à votre retour, vous avez joué les premiers rôles », a déclaré le parquet militaire.

Le capitaine Abdoulaye Dao a expliqué qu’à son retour, il a exécuté des instructions qui lui ont été données en tant qu’officier le plus ancien après le chef de corps par intérim.

« J’ai envoyé la déclaration au colonel-major Boureima Kéré et au médecin-colonel Bamba. J’ai organisé le cortège du président Kafando pour le raccompagner chez lui après sa libération et j’ai œuvré pour le désarmement », a-t-il expliqué.

« Vous ne maitrisez pas le contenu d’un document mais vous estimez que celui qui était chargé de le lire à savoir le sous-lieutenant Zagré ne peut pas le faire mais plutôt une autre personne. Est-ce possible ? », a de nouveau interrogé le parquet militaire.

« J’ai jugé que le sous-lieutenant était jeune pour lire la déclaration en me basant sur ma propre expérience. Lors de la crise de février 2015, c’est moi qui avais lu la déclaration de sortie de crise sans savoir le contenu. Mais finalement, les chefs militaires s’étaient désolidarisés de moi comme si j’avais pris une initiative personnelle. Je ne voulais pas que la même chose arrive à Zagré », a-t-il répondu.

« Qui sont les instigateurs du putsch ? », a également demandé le parquet militaire.

« Ce n’est pas le colonel-major Boureima Kéré, ni le chef de corps par intérim le commandant Korogo parce que nous partageons les mêmes points de vue à savoir que nous ne voulions plus d’une autre crise au Régiment de sécurité présidentiel (RSP). Mais je ne peux rien dire en ce qui concerne le général Gilbert Diendéré », a répondu l’accusé.

« Vous étiez le premier responsable de la sécurité du président Kafando. Vous vous êtes préoccupé de son sort après son arrestation ? », a également demandé le parquet militaire.

Le capitaine Abdoulaye Dao a expliqué que le 16 septembre 2015, depuis Bobo-Dioulasso, il a appelé son adjoint l’adjudant-chef major Eloi Badiel pour savoir où se trouvait le président Michel Kafando.

Comme, toute réponse, ce dernier, lui aurait rétorqué « ils sont là » sans plus de précision.

Il a ensuite joint le chef d’escorte de la sécurité du président Kafando, l’adjudant-chef major Moutuan Coumbia qui lui aurait expliqué que ce sont les éléments de leur corps qui ont arrêtés le président de la Transition.

Il a donc appelé son supérieur hiérarchique, le chef de corps par intérim du RSP, le commandant Abdoul Aziz Korogo pour lui rendre compte.

A son retour de Bobo-Dioulasso, le Capitaine Abdoulaye Dao dit qu’il a rendu visite avec le médecin-colonel Saïdou Yonaba, au président Kafando qui était en détention.

« Quand je l’ai vu avec Yonaba, on a dit qu’il faut qu’on le fasse quitter ici » a-t-il déclaré.

Le capitaine Abdoulaye Dao dit qu’il en a parlé au colonel-major Boureima Kéré qui en a parlé au général Diendéré et l’ordre lui a été donné de prendre les dispositions pour conduire le président Kafando, chez lui à la maison.

« Est-ce que votre groupement a failli à sa mission ? », a aussi demandé le parquet militaire.

« Le dispositif de protection du chef de l’Etat était en place mais s’il a été arrêté c’est parce que des gens à l’intérieur de ce dispositif ont facilité cela », a répondu le capitaine Abdoulaye Dao.

Le parquet a demandé à l’accusé s’il a été sincère dans l’accomplissement du désarmement.

« Il n’y avait pas de raison que nous ne voulions pas le désarmement », a déclaré le capitaine Abdoulaye Dao précisant qu’avant même l’annonce du désarmement, quand le général Diendéré était venu au camp annoncer qu’il allait remettre le pouvoir, lui et ses éléments ont relayé l’information.

« Mon groupement était le plus avancé dans la restitution des armes », a-t-il expliqué.

Le capitaine Abdoulaye Dao est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre sur 13 personnes, coups et blessures sur 42 personnes, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline.

Agence d’information du Burkina