Après s’être imposé sur la scène burkinabè, décrochant un Kundé d’or en 2015, le Crieur public nourrit désormais de nouvelles ambitions : conquérir le public européen

12 août dernier à Asnières/Seine, dans la banlieue Nord-Ouest de Paris. Il est un peu moins de 2 heures du matin. L’artiste Sana Bob, qui anime un concert co-organisé par Yelkayé Reccords et Ditanyè Managment International à l’occasion de la première édition de « Burkina Fashion Night » vient de présenter ses musiciens, signe qu’on s’achemine vers la fin. Les notes continuent de faire bouger des mélomanes sur la piste (1). Puis, le Crieur public -c’est ainsi qu’il se définit-, se saisit de son mégaphone, cet outil qui fait désormais partie de son identité artistique, et comme s’il sortait d’un starting-block, entame un sprint qui aurait inquiété Usain Bolt. Sortie de scène toute « bobienne ». Energique !

De l’énergie, il en a dépensé et transmis au public, durant près de deux heures en reprenant l’essentiel de son répertoire. « Il faut que ça change », « Mon pays », entres autres tubes qui l’ont rendu célèbre, ont été repris en chœur par le public.
Il faut dire que la salle avait été chauffée avec la prestation en avant-première de Rasteva, un compatriote artiste multiinstrumentiste (bass, piano, cora, lounga, etc.), et par un slameur dont la beauté poétique des textes a déclenché à plusieurs reprises des applaudissements.
Pour la première prestation live de Sana Bob à Paris, ce n’était pas vraiment la grande mobilisation dans la diaspora. La faute sans doute à une programmation qui est tombée en plein Eté, période où de nombreux Burkinabè, Africains et Européens partent en vacances hors de France et de Paris. « Je suis très content d’être avec vous ce soir. On n’est pas nombreux, mais si on commence petit, c’est qu’on peut grandir et je suis convaincu que la prochaine fois, on sera plus que ça », a lancé, philosophe, Sana Bob. Tout de blanc vêtu, le Crieur public et ses six musiciens, habillés pour l’occasion par le créateur burkinabè Georges Kaboré, promoteur de la marque GX226, ont tenu le public en haleine.
En fait, le rendez-vous de Paris s’inscrit dans le cadre d’une tournée européenne qu’il a entreprise durant le mois de juillet, qui l’a conduit en Belgique, en Hollande et en France. Depuis le 12 juillet, Sana Bob n’a pas chômé, enchainant prestation sur prestation, parfois quotidiennement : Le 12 juillet, il s’était produit à Paris au bénéfice d’une Association d’infirmiers travaillent sur le Burkina, le 21 juillet, il était à Ahstière (Belgique) lors d’un festival, le 22 juillet à Liège dans la Brasserie Sauvenière, le 23 à Gand dans la partie flamande de la Belgique lors d’un festival pour les migrants. Après une pause d’une semaine, le « Kundé d’or 2015 » faisait partie du plateau artistique de « Reggae in the River », un concert organisé sur un bateau à Namur le 29 juillet ; le 5 août, c’est à Amsterdam (Hollande) qu’il célèbre l’anniversaire de l’indépendance du Burkina avec l’Association des Burkinabè de la région, puis le 13 août à Fleurus, à Charleroi (Belgique) à l’occasion d’un mini Festival.

Lentement, mais sûrement, Sana Bob est en train de conquérir un public international, européen en l’occurrence, qui lui manque pour l’instant. C’est d’ailleurs le Talon d’Achille des artistes-musiciens Burkinabè : Talentueux, appréciés par le public national, ils peinent à imposer leur musique hors des frontières. « J’ai un manager au Burkina, mais hors des frontières, ce sont des bonnes volontés qui m’aident à participer à des festivals ou animer des concerts », avait confié Sana Bob à Lefaso.net en février dernier lors d’un passage à Paris, regrettant que « nos compatriotes à l’étranger ne sont pas comme les Maliens, les Sénégalais, les Ivoiriens ou les Congolais qui sont bien organisés et qui font venir des artistes de leur pays ».
Les choses sont peut-être en train de changer pour lui. Depuis deux ans, ses tournées en Europe ont été organisées par Yelkayé Reccords, un label créé pour assurer la promotion de la musique de Sana Bob en Europe. Mieux, « Le Label a l’ambition de constituer un portefeuille de musiciens ayant le même genre musical que Bob », explique Véronique Jassogne, manager de l’artiste et pièce maitresse du projet.
Musicienne de formation, cette Belge reconnaissable à sa coiffure Rasta a croisé le chemin de Sana Bob lors du Festival Dilembu au Gulmu (Fesdig) en 2012 à Fada, et depuis lors, est née une collaboration qui commence à porter ses fruits. La région Wallonie-Bruxelles et le centre musical Fleurus apportent un soutien à l’artiste burkinabè en termes de formation à la musique, à l’art de la scène, la danse et la régie. Sana Bob bénéficie également d’un coaching en diction française « afin que le public européen puisse comprendre ses paroles sur scènes ». Enfin, grâce à un accord avec Tunis Air, la compagnie tunisienne transporte avec soins les instruments de Sana Bob dans les villes desservies par la compagnie.
Sana Bob sera sans doute encore très présent dans l’actualité artistique dans les mois à venir. En plus des concerts et autres prestations pour lesquelles il est sollicité au Burkina et dans la sous-région ouest-africaine, il prépare activement son 6e album avec en avant-goût, un sigle en 2017.

(1) https://www.youtube.com/watch?v=wMFvDraQbR8

Joachim Vokouma
Kaceto.net