Le Commandant Abdoul Aziz Korogo a déclaré lundi, n’avoir « jamais ordonné ni approuvé l’arrestation des autorités de la Transition ». Il a assuré avoir voulu démissionner mais en a été dissuadé par la hiérarchie militaire.

« Je n’ai jamais ordonné ni approuvé l’arrestation des autorités de la Transition », a déclaré lundi devant le Tribunal militaire de Ouagadougou, l’ex chef de corps du défunt régiment de sécurité présidentielle (RSP) le Commandant Abdoul Aziz Korogo.

Il a précisé avoir été « personnellement touché » par la nouvelle de l’arrestation qui lui a été annoncée par le Général Gilbert Diendéré dans l’après-midi du 16 septembre 2015 au camp Naba Koom, arrestation menée par des éléments de son régiment.

Pour cela, le Commandant Abdoul Aziz Korogo a présenté ce lundi, ses excuses au président de la Transition Michel Kafando pour « avoir échoué à le protéger » et pour tous les torts que le régiment qu’il commandait leur ont causés, lui et son gouvernement.

Dans la nuit du 16 septembre 2015, face à la hiérarchie militaire et des personnalités comme l’ancien président Jean Baptiste Ouédraogo et monseigneur Paul Ouédraogo venus au camp Naba Koom, pour demander la libération des autorités de la Transition, l’ex chef de corps dit avoir été surpris d’entendre des soldats et des sous-officiers de son régiment évoqué des problèmes politiques.

Certes, le Commandant Abdoul Aziz Korogo dit déplorer comme ses hommes, « la stigmatisation » dont était victime le RSP, mais estime pour autant que cela ne justifiait pas que des militaires prennent des positions politiques comme exiger l’inclusion aux élections car selon lui, « le militaire doit obéissance au politique ».

Au matin du 17 septembre 2015, après la proclamation du putsch à la télévision nationale, l’ex chef de corps dit avoir constaté que plusieurs éléments du RSP étaient en ville avec des matériels roulants et des armes sans aucune autorisation.

Pour son honneur, il dit avoir envisagé démissionner de son poste de chef de corps du RSP qu’il occupait depuis seulement deux semaines avant les événements à savoir depuis le 1er Septembre 2015.

Mais il aurait été dissuadé selon ses dires par des promotionnaires que sont le Lieutenant-colonel Damiba et le Capitaine Abdoulaye Dao « pour sa sécurité », mais surtout par le chef d’Etat-major Général des Armées de l’époque, le Général Pigrenooma Zagré.

« Le Général Zagré m’a dit de rester pour les aider à trouver une solution à la crise », a-t-il affirmé pour démontrer sa fidélité à la hiérarchie militaire et non aux putschistes.

A partir de ce moment, le Commandant Abdoul Aziz Korogo dit avoir œuvré jusqu’au désarmement pour faire rentrer les hommes du RSP à la caserne, car des morts qui étaient déjà enregistrés en ville, leur étaient attribués.

« J’ai regroupé les officiers du RSP, je les ai instruits d’user de toutes leurs influences pour que tout le monde rentre avec les moyens du corps sortis sans autorisation » a-t-il déclaré.

Malgré ses efforts appuyés par ceux de ses officiers, le Commandant Abdoul Aziz Korogo a déclaré que beaucoup de soldats et sous-officiers étaient toujours dehors, ignorant les ordres.

Face à cela, il aurait rendu compte à son supérieur hiérarchique, le colonel-major Boureima Kéré, chef d’Etat-major particulier du président du Faso et proposé que le Général Gilbert Diendéré vienne au camp personnellement pour inviter les soldats à rentrer.

Une proposition acceptée par le colonel-major Kéré, a-t-il expliqué, car le Général Gilbert Diendéré est effectivement venu au camp dans la matinée du 18 septembre pour inviter les soldats à quitter la ville pour rentrer au camp.

Le Commandant Abdoul Aziz Korogo a également affirmé que conformément aux missions du RSP, il a pris des dispositions pour assurer la sécurité des présidents de la CEDEAO venus à Ouagadougou durant la période sensible du putsch.

Pendant qu’il s’évertuait à ces tâches, le Commandant Abdoul Aziz Korogo dit avoir appris dans la journée du 21 septembre 2015, que des troupes d’autres garnisons se mobilisaient pour descendre sur Ouagadougou pour affronter les putschistes.

Des troupes qui avaient à leur tête le commandant Evrard Somda, patron de l’Unité spéciale d’intervention de la Gendarmerie nationale (USIGN).

Le commandant Evrard Somda est en fait un promotionnaire de même classe que le Commandant Abdoul Aziz Korogo.

Tous deux étaient des anciens élèves au Prytanée militaire de Kadiogo (PMK), dirigé à l’époque par l’ex secrétaire général du ministère de la Défense, le colonel-major Alassane Moné.

C’est donc sur instruction du colonel-major Alassane Moné que ses deux anciens élèves vont se rencontrer pour trouver une solution pacifique eut égard à leur passé, a déclaré le Commandant Abdoul Aziz Korogo.

Les deux commandants se rencontrent donc dans la journée du 21 septembre 2015 au camp Général Aboubacar Sangoulé Lamizana et s’accordent sur trois points.

Il s’agit de la libération du Premier ministre Yacouba Isaac Zida (qui était toujours détenu au camp Naba Koom), de l’acceptation par toutes les Forces de se mettre sous les ordres du Chef d’Etat-major Général des Armées (CMGA) et de la réforme du RSP.

A la suite de cette rencontre, le Lieutenant-colonel Zida sera relâché et une commission sera mis en place pour les reformes du RSP a affirmé le Commandant Korogo.

Les négociations entre l’armée régulière et le RSP vont se poursuivre le lendemain 22 septembre 2015, en portant sur quatre points.

Il s’agit du cantonnement des éléments du RSP, de l’abandon des postes de gardes du RSP en ville (Yimdi, radio et télévision nationale), du retrait sur une distance de 50 kms de Ouagadougou des unités des autres garnisons et de la question du désarmement du RSP.

« Nous avons pris l’engagement de respecter les quatre points », a affirmé le Commandant Abdoul Aziz Korogo.

A la suite de l’accord, l’officier dit être retourné au camp pour faire le point au Général Diendéré. Il dit avoir également contacté le Mogho Naaba (Empereur traditionnel très écouté), afin que les deux parties viennent signer l’accord devant lui. Et c’est ce qui a été fait.

Malgré la signature de l’accord devant l’autorité coutumière moaga, le Commandant Abdoul Aziz Korogo reconnait que sa mise en œuvre notamment le processus du désarmement, a connu des difficultés à savoir plusieurs interruptions.

De son avis, des soldats et sous-officiers du RSP qui empêchaient le désarmement, lui ont affirmé que pendant qu’on leur demande de désarmer, la Gendarmerie est en train de les arrêter dès qu’ils sortent en ville. Le Commandant Korogo dit avoir verifié la véracité de l’information.

L’ex chef de corps du RSP a déploré que pendant qu’il œuvrait pour convaincre ses hommes au désarmement conformément à l’accord signé, le gouvernement de la Transition qui venait de reprendre du service a dissous le régiment et affirmé que le RSP gagnait du temps en espérant un appui extérieur.

Au premier conseil des ministres d’après putsch, le président Michel Kafando a instruit le Général Zagré de procéder au désarmement sans délai du RSP.

Selon le Commandant Korogo, lorsque la décision a été portée au camp par le CMGA, cela a braqué des soldats et des sous-officiers du RSP contre lui et les officiers qui obéissaient à ses ordres et certains soldats n’ont pas hésité à les menacer.

« J’ai dit aux éléments du RSP, le corps est dissous, nous ne pouvons plus rester ici. Nous devons remettre le matériel sinon, nous serons matés » a-t-il affirmé.

« Mon Commandant, si vous ne quittez pas ici, on va tirer », aurait répondu le soldat de première classe Amado Zongo au chef de corps du RSP.

Celui-ci dit avoir répliqué : « Si tu tires, tu as intérêt à ne pas me rater car moi, je ne vais pas te rater ».

Face à ses menaces, le Commandant Korogo dit avoir invité ses officiers à abandonner leur position et quitter les camps pour se mettre à l’abri.

Le parquet militaire a remercié l’accusé pour « la sincérité qui semble se dégager » de son récit.

Le Commandant Abdoul Aziz Korogo est poursuivi pour trois chefs d’accusations qui sont complicité d’attentat à la sureté de l’Etat, meurtre sur 13 personnes et coups et blessures sur 42 personnes.

Son interrogatoire se poursuit ce mardi 6 Novembre 2018 au Tribunal militaire de Ouagadougou.

Agence d’Information du Burkina