Le colonel-major Boureima Kéré a reconnu lundi devant la barre du Tribunal militaire de Ouagadougou, avoir signé le communiqué de la proclamation du putsch de septembre 2015, mais précise qu’il était sous une « forte pression ».

Ce lundi, devant le Tribunal militaire de Ouagadougou, l’ex chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso sous la Transition, le colonel-major Boureima Kéré a reconnu avoir exécuté deux ordres du général Gilbert Diendéré au moment du putsch de septembre 2015.

Cependant, l’officier supérieur a justifié ses actes par le contexte qui prévalait et par l’attitude « pas nette » du Chef d’Etat-major général des Armées (CEMGA) d’alors, le général Pigrenooma Zagré.

Selon l’explication du Colonel-major Boureima Kéré, il était à une réunion à l’Etat-major des Armées, dans l’après-midi du 16 septembre 2015, quand il a appris l’arrestation de celui dont il est le premier responsable chargé de la sécurité (le président Michel Kafando).

Immédiatement, il se serait rendu à Kosyam et là le général Gilbert Diendéré aurait justifié l’acte par la volonté d’exclusion de la Transition de certains leaders politiques des élections de novembre 2015.

Mis devant le fait accompli, le colonel-major Boureima Kéré dit qu’il a donc suivi le général Diendéré au ministère de la Défense pour comprendre la position de la hiérarchie militaire.

Sur place, le colonel-major Boureima Kéré dit que le Général Diendéré, l’a instruit de lire le communiqué annonçant la prise du pouvoir par un Conseil national de la démocratie (CND) devant le général Zagré et le secrétaire général d’alors du ministère de la Défense, le colonel-major Alassane Monè.

Le général Diendéré aurait ensuite demandé au Commandement de l’Armée d’assumer la paternité du putsch.

Une demande refusée par le général Zagré, qui s’est plutôt engagé devant le général Diendéré à assurer le maintien d’ordre par l’armée.

Une position du général Zagré que le colonel-major Boureima L’été dit avoir trouvé « pas nette ».

« Le général Zagré dit que l’Etat-major n’assume pas la responsabilité du coup d’Etat mais assume le maintien d’ordre. A la sortie de cette réunion, j’étais bouleversé. La position du général Zagré n’était pas nette. Je ne pense pas que l’on puisse être contre le putsch et accepter de maintenir l’ordre » a-t-il affirmé.

Le colonel-major Boureima Kéré dit que l’interprétation qu’il a fait de la « position pas nette » du Général Zagré, c’est que « l’Armée a donné son accord pour accompagner le putsch ».

Aussi, face à cette position de l’armée, il a estimé qu’il ne pouvait que s’exécuter quand le général Diendéré l’a instruit de signer le communiqué du putsch qui a été lu par le médecin Lieutenant-colonel Mamadou Bamba à la télévision nationale.

Et quand le parquet militaire, lui demande s’il n’a pas « obéi à un ordre manifestement illégal », en signant le communiqué, l’accusé répond :

« Je suis d’accord mais comprenez-moi, la pression était forte. La signature de la proclamation était aussi pour moi comme un accompagnement », a-t-il affirmé.

Une autre preuve que l’armée a accompagné le putsch, selon le Colonel-major Boureima Kéré, c’est que les responsables de la police et de la gendarmerie ont même demandé du matériel de maintien d’ordre au Général Diendéré qui a pris les dispositions pour le leur fournir.

Le colonel-major Boureima Kéré justifie ainsi sa seconde mission sur instruction du général Diendéré.

A la demande de ce dernier, il a envoyé le capitaine Gaston Ouédraogo à la frontière ivoirienne pour récupérer du matériel de maintien d’ordre et une valise qui s’est avérée contenir de l’argent.

Du matériel, dont sont venus se servir la police et la gendarmerie nationale pour assurer la mission de maintien d’ordre dont le général Zagre aurait pris l’engagement devant le Général Diendéré, a expliqué le Colonel-major Boureima Kéré.

Le parquet militaire a demandé à l’accusé en quelle qualité le général Diendéré lui a instruit d’envoyer quelqu’un récupérer du matériel à la frontière Ivoirienne d’autant plus qu’il n’occupait aucune fonction officielle au Régiment de sécurité présidentiel.

« Il m’a instruit en tant que mon supérieur hiérarchique », a répondu le colonel-major Boureima Kéré après un long silence avant de poursuivre.

« Il m’a instruit d’une mission officielle de l’armée qui a nécessité la réquisition d’un hélicoptère de l’Armée de l’air ».

« Si la mission était officielle, pourquoi, n’est-elle pas venue du chef d’Etat-major Général des Armées ? », a répliqué le parquet militaire.

« Je me suis dit qu’il y a eu une coordination entre lui et le chef d’Etat-major Général des Armées », a répondu l’accusé.

Le parquet a rappelé que le Général Zagré a affirmé qu’il n’était pas au courant de cette mission.

Pour le Colonel-major Boureima Kéré, le Général Zagré pouvait ne pas être au courant s’il avait d’autres choses à faire mais estime que quoi qu’il en soit, il est probable que le général Diendéré en a parlé avec un de ses adjoints (du général Zagré) qui lui a donné son ok.

Quant à la position de la hiérarchie militaire au moment des faits, le parquet militaire a lu les déclarations du directeur général de la police de l’époque Lazare Tarpaga, devant le juge d’instruction.

Lazare Tarpaga a expliqué que le Général Diendéré l’a appelé à plusieurs reprises après l’arrestation des autorités de la Transition pour lui confier des missions.

Le Général Diendéré aurait demandé au directeur général de la police d’envoyer des éléments de la Compagnie République de Sécurité (CRS) au carrefour de BF1 et à la place de la Nation pour disperser les manifestants.

A ces instructions, Lazare Tarpaga dit avoir simplement répondu « bien reçu ».

Quant à l’application, il reconnait qu’il a fait sortir ses hommes sur le terrain mais en leur donnant d’autres ordres.

Au premier groupe, il aurait demandé de se positionner à la base de l’unité polyvalente et non au carrefour BF1.

Au second groupe, il leur aurait demandé de ne disperser aucun manifestant à la place de la Nation mais de plutôt emprunter des positions contraires à celles des manifestants.

Ayant constaté par ses soins que les éléments de la police sur le terrain ne dispersait pas les manifestants, le Général Diendéré aurait rappelé le directeur de la police selon ce dernier pour comprendre.

« Je lui ai répondu qu’on n’avait pas de grenades (lacrymogènes) pourtant on en avait mais je ne voulais pas les utiliser sur les manifestants. Je lui ai dit aussi qu’on n’avait pas de carburant. Il a dit qu’il allait nous en trouver », aurait affirmé Lazare Tarpaga selon le parquet militaire.

Face à cette déclaration lue par le parquet militaire, le Colonel-major Boureima Kéré estime que le chef de la police aurait pu dire clairement au Général Diendéré qu’il ne peut pas accomplir la mission qu’il lui a été confiée.

Et le parquet militaire de demander à l’accusé si l’attitude du chef de la police n’était pas une stratégie douce pour dire au Général Diendéré qu’il ne soutenait pas son putsch.

Mais le Colonel-major Boureima reste catégorique sur sa position.

« Ils auraient dû avoir le courage lui (directeur de la police) et aussi le Général Zagré pour dire qu’ils ne sont pas d’accords donc qu’ils ne peuvent pas faire le maintien d’ordre », a-t-il affirmé.

Et de poursuivre, « Si Diendéré savait clairement qu’il n’est pas soutenu par la hiérarchie militaire, il allait reculer mais ils disent qu’ils vont accompagner le maintien d’ordre, on leur donne les moyens pour cela et ils ne font pas ce qui est prévu », a-t-il déploré.

Face à l’argumentaire du Colonel-major Boureima Kéré, le parquet militaire lui a demandé.

« Pourquoi, vous qui étiez l’un des plus proches collaborateurs du Général Diendéré, vous ne lui avez pas dit non quand il vous a annoncé l’arrestation des autorités de la Transition ? »

« Je lui ai donné ma position à savoir négocier pour libérer les autorités de la Transition alors que j’étais dans le feu de l’action. Mais le DG de la police n’était pas dans les mêmes conditions que moi. J’étais plus exposé que lui car lui devait être chez lui », a répondu avec un brin d’humour le Colonel-major Boureima Kéré.

A cette réponse de l’accusé, le parquet militaire a lu un autre extrait de la déclaration du directeur de la police Lazare Tarpaga qui répondait à une question du juge d’instruction.

« Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous avez validé le putsch en répondant à toutes les instructions du général Diendéré par ‘‘bien reçu’’ », aurait demandé le juge d’instruction.

« C’est une réponse normale au regard du contexte. Je n’étais pas d’accord avec lui mais je ne pouvais pas m’opposer de façon frontale à lui sinon se serait suicidaire et irréfléchie », aurait répondu le chef de la police.

A la suite de cette lecture, le parquet s’est ainsi adressé à l’accusé. « Vous voyez, il nourrissait les mêmes craintes que vous ? »

« Oui, mais moi mes craintes étaient plus visibles », a répondu le Colonel-major Kéré.

Le parquet militaire dit trouver curieux que le Colonel-major Boureima Kéré qui était le chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso, ne s’est pas soucié du sort du président Michel Kafando, dès les premiers moments du putsch.

L’accusé n’est pas de cet avis. Il a expliqué qu’il s’est préoccupé du sort du président Michel Kafando à travers deux interventions.

La première, c’est dans la matinée du 17 septembre 2015. Il a été saisi par l’adjudant Ardjouma Kambou (neveu de Mme Kafando) qui lui a expliqué que les sous-officiers qui avaient arrêtés le président Kafando refusaient que sa femme lui apporte en personne de la nourriture et ses médicaments.

« J’ai appelé l’Adjudant-chef major Eloi Badiel et l’épouse du président Kafando a pu lui apporter sa nourriture et ses médicaments », a-t-il expliqué.

Dans la soirée, il dit avoir également intervenu auprès du Général Diendéré pour la libération du président Kafando quand son médecin lui a fait cas de son état de santé fragile.

« Qu’avez-vous ressenti quand le Général Diendéré vous a parlé de l’arrestation du président, vous qui étiez son plus proche collaborateur ? », a demandé le parquet militaire.

« C’était une surprise, un choc car on ne s’attendait pas à cela. On était découragé. C’est pourquoi, on a établi des démarches en douceur pour obtenir sa libération » a répondu le Colonel-major Boureima Kéré.

Le Colonel-major Boureima Kéré, chef d’Etat-major particulier de la Présidence du Faso au moment des faits, est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre sur 13 personnes, coups et blessures sur 42 personnes. Il a plaidé non coupable.

Il a été précédé à la barre par le Commandant Abdoul Aziz Korogo, le dernier chef de corps de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont l’audition a pris fin ce lundi.

L’interrogatoire du Colonel-major Boureima Kéré se poursuit ce mardi 13 novembre 2018 au Tribunal militaire de Ouagadougou à 9 heures.

Agence d’information du Burkina